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Cédric Kahn : « J'ai une attirance pour une forme de radicalité »

La Prière
De Cédric Kahn (Fr, 1h47) avec Anthony Bajon, Damien Chapelle...

La Prière / De retour de la Berlinale, où son film a été distingué de l’Ours d’argent pour son jeune interprète Anthony Bajon, Cédric Kahn se confie. Sans se faire prier.

Votre personnage “n’existe” cinématographiquement que durant son passage dans la communauté…
Cédric Kahn
: J’avais écrit une première version du scénario il y a cinq ans, où on racontait l’avant, d’où il venait. Mais il ne fonctionnait pas. Ce projet a marché à partir du moment où l’on a mis la prière au centre du récit. Cela s’est fait par étapes : le film commence quand il arrive et finira quand il part, comme un western ; comme quelqu’un qui tape à la porte du ranch et dit : « sauvez-moi ! ». La situation était tellement forte, simple et lisible que plus on en racontait, plus elle s’affaiblissait. On ne trouvait pas de meilleur enjeu que l’histoire d’un gars arrivant en disant : « j’ai failli mourir et j’ai envie de vivre ». Tous les détails ajoutés sur la biographie amenuisaient le personnage. C’est assez étrange, et un peu contraire à toutes les règles du scénario.

à lire aussi : Joints, les poings : "La Prière"

Quelles ont été vos sources documentaires ? Comment avez-vous recueilli les parcours de vie des résidents s’exprimant face caméra ?
Le scénariste est allé vivre dans une communauté, moi dans une autre. Je peux raconter comment on a travaillé, mais ne vous dirai pas où, car tous ces gens tiennent à leur discrétion. Et le scénario s’est incarné à partir de là. On a fait parler des dizaines de jeunes gens et de jeunes femmes, et ces témoignages sont complètement inspirés de ces rencontres. Mais ils sont complètement écrits et pris en charge par des acteurs qui n’ont rien à voir avec les histoires qu’ils racontent. Pour moi, c’est l’un des moments les plus émouvants du film : les personnages ne se présentent pas, on ne les connaît pas et pourtant on est bouleversé par leur histoire… On comprend que la blessure était souvent déjà présente avant la drogue.

Pourquoi avoir choisi d’aborder ce sujet aujourd’hui ?
C’est une question que l’on me pose sur tous les films, et qui est la plus complexe. Décider de faire un film, quand on en a fait un certain nombre, c’est un mélange de désirs, d’intuitions… On a l’intuition que l’on a une proximité avec un sujet et il n’y a rien de personnel. Je ne peux pas justifier La Prière par l’autobiographie : je ne suis ni croyant, ni catholique, ni toxicomane, ni ex-toxicomane. J’ai vécu dans une communauté, mais ça n’a rien à voir. Alors c’est vrai que j’ai une certaine attirance pour une forme de radicalité — ici ce sont des gens qui poussent loin dans la drogue ou dans la religion. Mais c’est toujours compliqué de s’expliquer… Quand je me lance dans un film, à chaque fois c’est comme dans une aventure nouvelle, pensant qu’elle n’a aucun lien avec la précédente et ça participe de l’excitation de faire un film. En plus personnellement, je suis très loin de la psychanalyse.

Pourtant, c’est votre film le plus dans le témoignage et la résolution par la parole…
(sourires) Parce que là-bas il y a quelque chose de l’ordre de la psychanalyse. C’est en cela que c’est fascinant : la communauté est présentée comme une chose religieuse mais cela va bien au-delà. Il y a des valeurs liées typiquement à la religion — l’entraide, la fraternité, le pardon, la rédemption — et leurs propres valeurs qui sont liées à leur parcours, parce que ce sont des ex-toxicomanes qui s’occupent de jeunes toxicomanes. Ils ont des espèces de codes internes et une espèce d’obsession du mensonge, et de la vérité. Pour eux, la maladie du toxicomane, c’est le mensonge, qu’on ne peut soigner que par la vérité. Cela rejoint le témoignage, qui est un pilier aussi important que la prière. Il faut pouvoir raconter son histoire de toxicomane et d’avant la toxicomanie, sans la fabuler.

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