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Boudewijn Koole : « un cinéma plus abstrait permet de plus communiquer avec le subconscient »

Sonate pour Roos
De Boudewijn Koole (Neerl, 1h32) avec Rifka Lodeizen, Jakob Oftebro...

Sonate pour Roos / Avec son dernier film Sonate pour Roos, le réalisateur Néerlandais Bondewijn Koole revient sur l'écran en philosophe de la nature et des relations sociales

Pourquoi ce titre ? Et pourquoi cette traduction française qui n’a rien à voir avec la version anglais ni néerlandaise ?

B.K : Oh mais parce que je pensais que c’était un meilleur titre (rire). Verdwijnen, c’est vraiment le verbe, l’action de disparaître. Disappearance en anglais, c’est plus la disparition en elle-même, ça fait plus thriller. Et en français, le titre évoquait davantage le rapport avec la musique. D’ailleurs, c’est le meilleur pour moi ; j’en suis très content. C’est pour ça que je veux travailler plus avec les Français… je ne sais pas si je dois dire ça (rires)… Mais chez nous, aux Pays-Bas notre production de films est très réduite — seulement une trentaine par an. Alors, cela ne peut qu’être une bonne expérience de mélanger les expériences. C’est inspirant.

Pourquoi avoir mélangé l’anglais et le néerlandais ?

Roos est née en Norvège, d’un père allemand, mais son frère Bengt est né d’un père norvégien. C’est pour cela qu’il parle ensemble anglais, pour se comprendre.

Vous avez déclaré vous être inspiré de votre expérience pour ce personnage de Bengt. Pourquoi alors ne pas avoir choisi de tourner le film du point de vue du petit garçon ? Je pense que je suis les trois personnages à la fois en réalité. Roos, la mère, et petit le frère. Ce qu’il y a de personnel, c’est j’ai deux sœurs. Quand j’étais petit, je n’avais pas de problème avec ma mère, je ne me suis jamais disputé avec elle, mais ce n’était pas le cas de mes sœurs. Parfois, c’était vraiment violent : elles pouvaient être rejetées par ma mère, et elles passer deux ans sans se parler. De là vient l’inspiration. Je voulais comprendre la raison et l’origine de ces tensions permanentes entre elles. En même temps, j’aimais le personnage de Ross, qui voyage beaucoup, qui vient s’installer spontanément ; j’aime le fait qu’elle prenne beaucoup de photos ou qu’elle ne communique pas beaucoup. Et enfin je pense que je suis la mère, parce que j’ai aussi deux enfants. Mon garçon n’a aucun problème avec moi, mais ma fille… Elle pense que je ne passe pas assez de temps avec elle. Alors elle est fâchée.

Comment avez vous travaillé avec votre scénariste ?

Quand j’ai fait Little Bird, mon scénariste m’a coaché, et c’était une super collaboration. Donc là je me suis dit : faisons l’inverse ! Je trouvais cela dur de ne pas écrire le script, puisque j’avais une inspiration personnelle, mais elle l’a beaucoup développée.

Quand j’étais à Amsterdam, j’ai vu dans un musée des photos d’une exposition sur qui défilaient sur un diaporama. Cela m’a inspiré aussi. Elles défilaient pendant 15 minutes, dans un pièce sombre, avec de la musique. La photographe montrait le temps qu’elle passait avec sa mère, le temps qu’elle passait à prendre soin d’elle. Ce qui m’a frappé, c’est l’importance qu’elle donnait aux petits détails, qui nous en apprennent beaucoup plus sur les relations entre les gens. Et là je me suis dit : ça c’est intéressant ! Je me suis demandée quelle seraient, parmi mes photos de vacances ou autres, celles que je voudrais voir à mon dernier soupir.

Je me suis aussi inspiré de livre français Les Choses de la vie, notamment lorsqu’après l’accident, le héros repense à tous les petits détails de sa vie… Avec Jolein Laarman, nous nous sommes assis, et nous nous sommes dit que l’histoire n’était pas très excitante : une fille qui vient rendre visite à sa mère et qui prend des photos… bon. Et nous avons fait une blague, en nous disant que ce n’était pas intéressant car personne ne mourrait dans cette histoire. On a beaucoup parlé, on a créé ce monde et ces personnages ensemble, puis elle a commencé à écrire. Moi, je cuisinais pour elle (rire). Cela nous a pris deux ans.

Vous laissez beaucoup de place aux sons, la musique, les paysages… à la nature. Pour le petit frère ça semble être un moyen d’évasion, hors des tensions, un monde à part…

Le truc bien avec le son c’est que ce n’est pas seulement important pour moi, c’est important pour nous tous. In utero, la vie commence par là. L’enfant ne voit rien mais il entend tout. Les sons commencent avant la vie elle-même. Je pense que les sons ont une influence sur ce que l'on aujourd’hui, inconsciemment.

Pour le film, je me suis inspiré des sons d’une artiste norvégienne. Elle monte des expositions partout dans le monde, en reprenant des sons de la nature, de la mer, de la glace, des chiens. Cela m’a inspiré, je lui ai demandé de venir nous aider, et en effet elle a aidé le personnage de Brengt dans le film, quand il devait prendre des sons.

Tous les sons que vous entendez dans le film ont été pris par elle. Ces sons m'ont beaucoup inspiré. Ils symbolisent le lien entre la conscience et l’inconscience. Quand j’étais petit, j’essayais toujours de prendre conscience de ce moment où je m’endormais — ce qui est impossible. Franchement j’aimerais vraiment mourir et revenir pour vous dire comment ça fait (rire). Mais le cinéma c’est vraiment le milieu où je peux créer tout ça. Les paysages, ils ont tellement d’influence aussi, ils ont un sens différent pour chacun de nous.

Votre héroïne a sans cesse besoin de se réchauffer, avec des bols de café notamment. D’où cela vient-il ?

C’était quelque chose qu’on a recherché quand on a vu les images. On a vu la glace, le temps… c’est froid tout ça. Mais je n’étais pas conscient de ça. Je veux dire, ce n’est pas ce que je me suis dis en premier lieu en rédigeant le script. Je ne me suis jamais dit : « oh tiens ! Là on va mettre des bols de café pour montrer qu’elle se réchauffe » . C’était probablement inconscient.

En revanche, la symbolique de la mort (avec la scène de la truite, de l’élan…) ne l’est pas…

J’hésite à répondre à ces questions. Ce n’est pas intentionnellement symbolique. Quand vous êtes entrain de mourir et que vous péchez, je pense que c’est dur de ne pas y penser. Vous réalisez ce que c’est la vie, ce qui est plus important ou non. C’est juste le fait de prendre plus conscience des choses. Vous vous rendez plus compte, par exemple pour la truite, quand vous l’avez dans les mains, que c’est une superbe créature, avec des couleurs.

Je pense que c’était plus important pour moi d’être conscient, de rendre conscient, plutôt que d’être symbolique. Regardez, pour certains les pierres ont une conscience, mais elles oublient juste de parler. D’où la photo avec la petite pierre aussi. C’est pour ça que j’ai créé ce personnage, parce que j’espère moi même devenir plus conscient dans ma vie de tous les jours. Même si c’est difficile. Lors d’une balade à vélo pour aller chez une de mes amies dont le mari allait mourir, je me souviens de tout ce que j’ai vu sur la route, et c’était une expérience étrange. C’est comme quand vous avez un accident de voiture, et que vous voyez les gens au ralenti, comme si tout changeait autour de vous. J’aimerais être toujours conscient de ça.

Quand la mère apprend la maladie de sa fille, que le film devient moins attentif à la nature, aux sons… mais devient plus sec, avec un montage plus serré, et avec beaucoup d’arrêts sur images.

Dans tous les films que j’ai faits précédemment, la seconde partie est moins dialogue. Au début, je dois créer la relation entre les personnages, retranscrire leurs émotions. Mais après je transforme cela en une forme plus abstraite. Avec un cinéma plus abstrait, je peux plus communiquer avec le subconscient. Il a plusieurs façons de parler. C’est peut-être plus étrange, mais je pense que c’est plus intéressant.

On se rend compte des choses qui comptent que quand on nous les arrache”, écrit Nekfeu. C’est aussi le cas ici pour le personnage de la mère ?

Oui, absolument. Mais c’est surement un peu stupide. Je veux dire, la fille veut gagner l’amour de sa mère, elle est malade, mais sa mère n’arrive jamais à lui dire. Bon. Mais c’était trop facile de dire je suis malade et puis du coup je t’aime. J’ai essayé de créer cet sorte d’amour sans la maladie. Dans les films, je pense qu’on veut voir les personnages commettre des erreurs que nous pouvons nous aussi commettre. Je veux qu’on espère pour elle qu’elle trouvera la solution.

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