Jean-Pierre Améris : « il faut rire de ses petites névroses »


Je vais mieux / Le prolifique Jean-Pierre Améris revient avec une comédie sentimentale qui parlera aux lombaires sensibles et aux reins délicats : la douleur dorsale en est en effet la colonne vertébrale…

Qu’est-ce qui vous a fait vous identifier au personnage principal du livre de David Foenkinos ? Son mal de dos ?
Jean-Pierre Améris
: Ah oui vraiment, c’est la première chose. J'en souffre aujourd’hui pour la simple raison que je suis très grand et que je me tiens très bas, n’assumant toujours pas ma taille. L’autre jour dans un débat avec le public, une dame m’a dit « osez être grand » ! Elle a raison : je me tiens mal car j’essaie de me mettre à hauteur des gens. Ce qui m’a vraiment amusé dans le roman, c’est le mal de dos qui raconte tout ce qu’on a de mal de nos vies : on est tous fait pareil.

à lire aussi : Le dos, c’est dans la tête : "Je vais mieux"

43% des gens associent leur douleur physique au travail : l’ambiance, le harcèlement même. On est quand même dans un monde où on est malmené : je vois le matin la tête des gens. C’est une fichue société de performance, il faut tout réussir, le familial, le conjugal, l’éducation, et les gens n’y arrivent pas. Au bout d’un moment, le corps dit : « stop, je ne sais pas ce que font les neurones là-haut, mais moi j’arrête. » C’est un signal d’alarme.

Et vous, y parvenez-vous ?
Oui, vraiment. Je suis quand même très nerveux et dans le contrôle, donc dès que quelque chose ne va pas, ça se porte sur le corps. Mais on fait ce qu’on peut, on est comme on est et il faut l’accepter… Je me moque un peu de moi dans le film, de mon côté qui se plaint beaucoup, qui a toujours mal quelque part. Il faut rire de ses petites névroses.

Ce n’est que ma troisième comédie, je m’y suis mis tard, mais ce que j’ai le plus envie d’apporter aux gens, c’est de la légèreté.

Avez-vous l’impression d’avoir découvert le rythme de la comédie tardivement ou d’avoir osé tardivement l’aborder ?
Je l’ai toujours aimée comme spectateur. Mais c’est grâce au producteur Philippe Gaudeau, avec qui j’ai souvent travaillé que je me suis autorisé à en faire. Il m’a dit :

c’est bizarre, dans la vie t’es plutôt drôle et tu fais tout le temps des films tristes »

Ça m’avait aiguillé et ça ne pouvait déboucher que sur un sujet des plus intimes. Les Émotifs anonymes m’a permis de surmonter ça avec le rire et de transmettre au spectateur un peu de cette légèreté acquise pour alléger les douleurs. J’aime beaucoup cet humour juif qui veut que l’on « rie des douleurs » ; j’adore Kafka : c’est toujours le petit être humain aux prises avec quelque chose qui le dépasse. Ses amis étaient toujours morts de rire lorsqu’il leur lisait ses histoires.

Il s’agit donc d’une adaptation. Cela vous rassure-t-il de vous appuyer sur une trame pré-existante ?
Pas plus que ça. Ce n’est pas plus facile d’adapter un livre. D’autant qu’il est très introspectif et que j’ai essayé de rester fidèle à son humour — lui est plus caustique que moi. Dans le livre, il est beaucoup plus dur avec les parents, mais comme ce n’est pas ma nature, je ne pouvais pas faire ça. Il a donc accepté que je me l’approprie, mais il fallait trouver les équivalences cinématographiques, car c’est un livre qui se passe beaucoup dans la tête du personnage.

C’est l’un des derniers films produits par Dominique Farrugia au sein d’Europa Corp…
Le dernier, même. il produisait les films français au sein d’Europa Corp. Il travaille à présent chez Studio Canal et c’est le dernier film qu’il ait produit. Il m’a beaucoup aidé avec le montage du film qui n’était pas facile, entre émotion et fragilité. La première fois que je lui ai montré les vingt premières minutes, il était effondré, et m’a dit que c’était vraiment sinistre : je n’avais gardé que les prises où Elmosnino faisait la tête parce que ça me faisait marrer et on avait mis une musique angoissante à la John Carpenter… Il a une phrase que j’adore : « vous vous privez d’un rire », et un art de la comédie : il sent quand il aurait mieux valu que la réplique soit in, qu’on soit sur la personne qui dit la réplique, quand on doit revenir sur le regard de la personne en face… C’est son ADN, le comique, il est très fort…

La musique, justement… C’est la première fois que vous travaillez avec Quentin Sirjacq, le compositeur ?
Oui. Je l’avais découvert sur iTunes. Je travaille toujours en musique et j’avais vraiment flashé sur son album très jazz. On s’est rencontré et on a de belles affinités, comme il faut toujours. Et puis il a une direction d’orchestre super : il participe beaucoup, son choix des instruments est très original. Je lui avais donné comme indication La Danse macabre, alors il a choisi des castagnettes — le squelette, le bruit des os. Fellini disait toujours que certains instruments étaient vraiment comiques et participaient du ton d’un film.

Il n’avait fait qu’une bande originale jusqu’ici : Les Beaux Jours de Marion Vernoux, avec Fanny Ardant et Laurent Lafitte. Comme je donne toujours des indications via des films et qu’il est très cinéphile, je lui ai fait écouter Henry Mancini (La Panthère rose et Hatari!),

La citation de Mitterrand dans le film, qui dit « Je vais mieux », vient-elle de Foenkinos ?
Oui. Je n’aurais pas eu l’idée ! Je ne sais pas si ça touche la jeune génération, qui ne doit pas bien savoir… Mitterrand avait menti dans une interview. Il avait dit « je vais mieux », alors qu’il succombait à un cancer.

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