Alan Menken : « il fallait que je maintienne l'intégrité de mon bâtiment »

Aladdin
De Guy Ritchie (2019, ÉU) avec Mena Massoud, Naomi Scott...

Aladdin / Compositeur historique des studios Disney, lauréat de huit Oscar — dont deux pour la version animée de Aladdin —, le toujours affable Alan Menken est venu converser (au piano) de son travail au long cours sur ses partitions…

Quel a été votre processus d’écriture pour ce film ? S’agit-il d’une “réécriture” ?
Alan Menken : Écrire la musique pour un film animé est différent que pour un film en prises de vues réelles : il faut trouver des moments plus intenses et d’autres plus courts, des thèmes musicaux qui reviennent encore et encore… Au début d’Aladdin, j’ai été inspiré par des gens comme Fats Waller. Ensuite, pour la comédie musicale Aladdin qui est sur scène depuis longtemps à Broadway mais n’a pas encore été jouée à Paris —, c’est encore très différent : j’ai dû écrire davantage de chansons et penser différemment… Enfin, ça a évolué vers cette version en prises de vues réelles, qui a nécessité que je modifie la musique afin qu’elle colle mieux.

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Écrire trois fois une partition, je l’avais déjà fait pour La Belle et La Bête. La clef pour vraiment y parvenir, c’est de connaître le réalisateur, d’être sur sa même longueur d’onde que lui : ça m’aide à écrire la musique la plus adaptée. Prenons l’exemple de Bill Condon qui a réalisé La Belle et La Bête : comme c’est un fan de comédie musicale, on a décidé de suivre cette approche. Idem avec Rob Marshall, lui aussi issu de cette tradition, sur la préparation de La Petite Sirène en prises de vues réelles. Mais avec Guy Ritchie, c’était différent. Dès le début de notre collaboration, il m’avait dit : « j’ai peur des jazz hands » Vous savez, ce sont ces frétillements de la main, paumes ouvertes, que l’on voit toujours dans les comédies musicales. Mais on a su trouver le juste milieu entre mon style et celui de Guy ! Comme il voulait une musique plus contemporaine, moderne, ça a donné lieu à plusieurs questions : faut-il changer les arrangements ? À quel endroit ouvrir les chansons ? Faut-il en ajouter de nouvelles ou bien changer les paroles? À l’instar de La Belle et La Bête, Guy Ritchie voulait rester assez fidèle aux chansons d’origine, si bien qu’on en a ajouté qu’une seule nouvelle chanson, Speechless, divisée en deux parties dans le film — bon, on a aussi créé la chanson La Lune du désert, un duo entre Aladdin et Jasmine, mais on a dû le couper parce qu’il était trop long pour la version finale. Enfin, on a aussi ajouté une reprise de Je vole. J’aime bien réarranger les morceaux ; cela donne de la fraîcheur, un nouveau contexte que j’apprécie en tant que compositeur. Je suis un peu comme un architecte : je réalise les dessins, je construis la maison… Mais ce sont d’autres personnes qui y vivent.

Pour composer Speechless, avez-vous eu besoin de réécouter la bande originale pour vous remettre dans le bain, ou bien êtes-vous parti au feeling ?
C’était quelque chose que je ressentais dans mes tripes, je voulais avoir dans le morceau une connexion avec le personnage de Jasmine. Si on y entend une tonalité provenant du Moyen-Orient, ce n’est pas un pastiche comme le morceau d’ouverture — qui évoque les films hollywoodiens des années 1930 —, c’est plus parce que la chanson vient du cœur.

Le fait que Will Smith soit interprète du film a-t-il changé votre approche ?
Non… Enfin, Will a changé de lui-même les chansons que j’ai écrites. Encore une fois, je suis l’architecte, ce sont eux qui habitent dans la maison.

Justement, un architecte au fur et à mesure de sa carrière peut évoluer — dans son goût pour les ornementations, notamment Ici, vous êtes à la fois l’architecte d’aujourd’hui et celui d’hier…
Oui, c’est vrai, absolument, et il fallait que je maintienne l’intégrité du bâtiment ! Mais, pour rester dans la métaphore, comme une famille plus grande devait s’installer dans la maison, il fallait plus de chambres. J’avais donc deux jobs : protéger ma musique d’origine, mais aussi l’adapter. Dans le cas du génie joué par Will Smith, ça ne m’a pas vraiment atteint parce que les musiques n’ont pas changé. Mais, par rapport à Jasmine, on a “agrandi la maison“ parce que j’ai écrit un nouveau morceau.

Quel regard portez-vous sur cette franchise Aladdin depuis son origine ?
Je pourrais en parler pendant trente minutes ! Pour être honnête, là ou je me suis senti le plus en contrôle du projet, c’était vraiment au début quand on a signé les premiers morceaux avec mon partenaire de longue date, Howard Ashman, qui est malheureusement décédé durant l’écriture — j’ai fini avec Tim Rice en tant que parolier. Ensuite, c’est devenu un spectacle à Broadway et c’était une équipe beaucoup plus grande : il y avait un nouveau metteur en scène, un nouveau scénariste… À présent, avec le film en prise de vues réelles, l’équipe est devenue encore plus grande ! Alors c’est vrai que j’ai parfois du mal à être serein, mais je suis le mouvement. Ce que j’aime chez Disney, c’est qu’ils font vraiment tout ce qu’ils peuvent pour protéger les personnages centraux, ce qui veut dire qu’Aladdin va être Aladdin, que ce soit dans le dessin animé, le spectacle ou bien le film. Pareil avec Jasmine — peut-être qu’ici elle a des émotions plus profondes, mais le personnage est toujours le même. Il n’ y a que Jafar qui est un peu différent.

Vous arrive-t-il d’exprimer une suggestion au metteur en scène ou au producteur ?
Bien sûr : je trouve que la meilleure façon d’avancer, c’est vraiment de faire partie de l’équipe et de garder un œil sur le but et avancer d’ensemble !

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