La sélection européenne

Festival du Film Court / Une fois encore, les membres de l’Association pour le cinéma ont eu fort à faire : parmi les 2000 courts-métrages qui leur sont parvenus, seuls 41 d’entre eux ont franchi le tamis de la sélection. Un échantillon suffisamment représentatif pour donner une tendance de l’année…

La liste est, paradoxalement, fort longue de toutes les raisons rendant le film court passionnant. Si l’on place au premier chef sa diversité, il convient aussitôt d’ajouter sa plasticité de formes et son immense perméabilité à l’esprit du temps. Est-ce lié au fait que les cinéastes soient majoritairement jeunes, emplis d’énergie, de sincérité, de combativité — voire d’illusions ? Toujours est-il que chaque millésime d’un festival offre au public une double lecture successive de son époque : celle des réalisatrices et réalisateurs filtrée par le celle des sélectionneurs. Et comme lors du phénomène optique de polarisation — où un faisceau lumineux traversant successivement deux polariseurs sera coupé si ceux-ci ne sont pas en phase ; ou au contraire, privilégiera une onde s’ils partagent la même orientation — les sélectionneurs amplifient souvent des tendances profondes remuant la création cinématographique. Qu’elles touchent au fond ou à la forme.

Statistique : nom féminin

Première constatation en forme de chiffres (dont on dit qu’ils ne mentent pas) : sur les 41 films en lice, 13 sont signés par des réalisatrices. S'il en manque encore une demi-douzaine pour atteindre la parité, on mesure le chemin parcouru en 40 éditions — on n’ose fouiller la première sélection pour dénombrer les devancières… Corollaire de cette statistique, on suit cette année beaucoup de parcours d’héroïnes dans des films qui, étrangement, passent les doigts dans le nez le test de Bechdel — c’est le cas du poétique Solstice d’hiver d’Alessandra Pescetta. Des films qui abordent de front le sexisme ordinaire en milieu professionnel, à l’instar du lumineux Max de Florence Hugues porté par la jeune Zoé Héran (qui fut jadis la Tomboy de Céline Sciamma). Mais aussi la question des violences faites aux femmes, qui trouve un écho stupéfiant à travers Une sœur (photo) de Delphine Girard. Rappelant, dans son insoutenable suspense, Avant que de tout perdre de Xavier Legrand, cet haletant thriller est centré sur une conversation téléphonique entre une femme en détresse et la policière tentant de la localiser. Notons que le traitement de ces sujets n’est pas, bien heureusement, délaissé par les réalisateurs, puisque le régional de l’étape Julien Sauvadon signe avec De particulier à particulier un œuvre impliquée interrogeant l’entourage et le voisinage dans les situations de maltraitance conjugale. En ces temps où la mobilisation citoyenne semble plus efficace que les pouvoirs publics et leur “Grenelle contre les violences conjugales“ (coïncidence : il s’achève en même temps que le Festival), on ne serait pas surpris de voir au palmarès un signal fort comparable à celui lancé par les jurés du Goncourt des Lycéens ayant lauré Karine Tuil pour Les Choses humaines.

Pour finir sur les questions de genre (et encore, on omet la poignée consacrées aux identités LGBTQ+) mentionnons le très étonnant Une fille moderne de Noé Debré, film à fausse piste explorant à la fois les relations masculin/féminin à travers des rites archaïques de passage (l’enterrement de vie de garçon) et le poids de la tradition religieuse (avec un jeune juif orthodoxe), qui pivote intelligemment du lourdingue au drame sensible. Il y a, à n’en pas douter, la matrice d’un long prometteur.

Quoi de neuf, doc ?

Spectaculaire s’avère le retour du documentaire qui, ces dernières années, souffrait d’une désaffection grandissante. Sa résurrection évoque celle du vinyle : les objets filmiques ici présentés s’affirment et se distinguent par leur singularité ; ils sont le fait d’esthètes s’emparant autant de sujets que de formes audacieuses, sans limite ni entraves — à ce titre, ils sont les (petits-)enfants d’Agnès Varda, héritiers de sa malice. Qu’ils hybrident l’auto-fiction (comme Morgane Dziurla-Petit et son Excess will save us ou Thomas Szczepanski & Antonin Schopfer pour Boucan) ; qu’ils usent du no comment avec brio comme Corina Schwingruber-Ilic pour son cinglant All Inclusive, ou qu’ils opèrent un travail d’animation graphique autour d’images d’archives et de témoignages à l’instar d’Imaël Joffroy-Chandoutis pour Swatted, leurs propositions sont enthousiasmantes. La quarantaine, ce n’est pas une mise à l’écart, mais un nouveau départ.

Festival du Film Court de Villeurbanne
Au Cinéma Le Zola jusqu’au dimanche 24 novembre

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