Ardennes que pourra : "Adoration"
Le Film de la Semaine le Mardi 21 janvier 2020 | par Vincent Raymond
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Il vous a fallu une quinzaine d’année pour mener à son terme votre “trilogie ardennaise”. De Calvaire à Adoration, en passant par Alleluia, on peut à présent voir un double mouvement s’y dessiner : d’une part un rajeunissement progressif des protagonistes (vous commenciez dans un EHPAD pour finir avec des adolescents), de l’autre leur féminisation…
Fabrice du Welz : Au départ, ce n’était pas prévu pour être une trilogie. C’est après Alleluia que je me suis un peu laissé prendre au jeu quand on m’a parlé des correspondances existant entre ce film et Calvaire. Et il est vrai qu’il y avait comme une sorte de mouvement ou de recherche vers une figure féminine, qui éclate ici avec le personnage de Gloria. Maintenant je me rends compte que je suis resté assez fidèle à un certain décor des Ardennes, mais aussi à des noms, comme Gloria ou Bartel — souvent, quand je commence un nouveau projet, je me raccroche à eux. Aujourd’hui, la trilogie trouve avec ce film une forme de cohérence.
Le Film de la Semaine le Mardi 21 janvier 2020 | par Vincent Raymond
Vous placez Adoration sous l’égide d’une citation de Boileau-Narcejac : « il suffit d’un peu d’imagination pour que nos gestes les plus ordinaires se chargent soudain d’une signification inquiétante (…) il dépend de chacun de nous de réveiller les monstres et les fées ». Mais est-ce l’imagination — acte volontaire — qui guide Paul ? N’est-il pas plutôt soumis à un mécanisme inconscient, sujet à une cristallisation stendhalienne provoquant son adoration ?
Vous avez raison. En fait, cette citation provient du préambule à un court-métrage de Georges Franju, La Première Nuit (1958) que l’on m’a fait découvrir au moment de la préparation du film. Dans Adoration, il y a une idée de contamination, mais aussi (après Message from the King tourné aux États-Unis) une forme de retour à mes inspirations originelles, à mes décors.
Une séquence, tournée dans une grotte, se distingue par son hétérogénéité plastique. Comment a-t-elle été travaillée ?
Le lieu en lui-même était hors-normes : il s’agit d’une fraction du tunnel de Godarville, sur le canal Bruxelles-Charleroi. Comme il est dans son jus, il présente à l’intérieur des couleurs rouges, vertes qui, avec la lumière et la texture du super 16, le grain de la pellicule, ont rendu des effets très intéressants. Mais cela a été compliqué d’y tourner, car le tunnel n’est normalement pas accessible : nous avons dû enlever des barreaux pour entrer !
Pour ses rapports entre le monde de l’enfance et celui de la folie, Adoration présente des échos assez stupéfiants à Je m’appelle Élisabeth d’Améris et surtout Les Diables de Christophe Ruggia — où il était question d’une cavale de deux enfants, dont une jeune fille perdue dans son monde. Est-ce une réminiscence ?
Je n’ai pas vu le film de Jean-Pierre Améris ; en revanche, j’avais vu Les Diables il y a longtemps. Depuis que je présente en avant-première Adoration, on m’a déjà parlé de ces similitudes. Peut-être qu’il y a quelque chose d’inconscient qui m’en est resté, mais je ne l’ai pas revu depuis et je serais curieux de le revoir, justement, pour comparer — hors de la polémique actuelle, évidemment. Si je m’en étais inspiré d’une manière ou d’une autre, je le dirais ; d’autant que j’ai montré des films à Fantine Harduin [l’interprète de Gloria, NdlR] durant la préparation. Mais celui-là n’en faisait pas partie.
Adoration est le seul film de votre trilogie à ne pas être interdit aux moins de 16 ans. Est-ce pour que des spectateurs de l’âge des personnages puissent le voir ?
Vous savez, je ne cherche pas l’interdiction, je préfère avoir du public ! Il se trouve que mes films appartiennent à une catégorie qu’on appelle cinéma de genre… Heureusement, avec le temps, il y a eu une reconnaissance de mon travail qui a sans doute fait qu’on l’a considéré différemment.
Pourquoi remerciez-vous Béatrice Dalle au générique ?
Ah, elle a joué un rôle de juge pour enfants dans l’une des fins possibles, que j’ai hélas dû couper. Béatrice était formidable dans la séquence, et elle a très bien compris mon choix, mais je pensais qu’il fallait achever le film sur une élévation — au sens propre et au sens figuré — avec Paul et Gloria.
Il vous a fallu une quinzaine d’année pour mener à son terme votre “trilogie ardennaise”. De Calvaire à Adoration, en passant par Alleluia, on peut à présent voir un double mouvement s’y dessiner : d’une part un rajeunissement progressif des protagonistes (vous commenciez dans un EHPAD pour finir avec des adolescents), de l’autre leur féminisation…
Fabrice du Welz : Au départ, ce n’était pas prévu pour être une trilogie. C’est après Alleluia que je me suis un peu laissé prendre au jeu quand on m’a parlé des correspondances existant entre ce film et Calvaire. Et il est vrai qu’il y avait comme une sorte de mouvement ou de recherche vers une figure féminine, qui éclate ici avec le personnage de Gloria. Maintenant je me rends compte que je suis resté assez fidèle à un certain décor des Ardennes, mais aussi à des noms, comme Gloria ou Bartel — souvent, quand je commence un nouveau projet, je me raccroche à eux. Aujourd’hui, la trilogie trouve avec ce film une forme de cohérence.
Le Film de la Semaine le Mardi 21 janvier 2020 | par Vincent Raymond
Vous placez Adoration sous l’égide d’une citation de Boileau-Narcejac : « il suffit d’un peu d’imagination pour que nos gestes les plus ordinaires se chargent soudain d’une signification inquiétante (…) il dépend de chacun de nous de réveiller les monstres et les fées ». Mais est-ce l’imagination — acte volontaire — qui guide Paul ? N’est-il pas plutôt soumis à un mécanisme inconscient, sujet à une cristallisation stendhalienne provoquant son adoration ?
Vous avez raison. En fait, cette citation provient du préambule à un court-métrage de Georges Franju, La Première Nuit (1958) que l’on m’a fait découvrir au moment de la préparation du film. Dans Adoration, il y a une idée de contamination, mais aussi (après Message from the King tourné aux États-Unis) une forme de retour à mes inspirations originelles, à mes décors.
Une séquence, tournée dans une grotte, se distingue par son hétérogénéité plastique. Comment a-t-elle été travaillée ?
Le lieu en lui-même était hors-normes : il s’agit d’une fraction du tunnel de Godarville, sur le canal Bruxelles-Charleroi. Comme il est dans son jus, il présente à l’intérieur des couleurs rouges, vertes qui, avec la lumière et la texture du super 16, le grain de la pellicule, ont rendu des effets très intéressants. Mais cela a été compliqué d’y tourner, car le tunnel n’est normalement pas accessible : nous avons dû enlever des barreaux pour entrer !
Pour ses rapports entre le monde de l’enfance et celui de la folie, Adoration présente des échos assez stupéfiants à Je m’appelle Élisabeth d’Améris et surtout Les Diables de Christophe Ruggia — où il était question d’une cavale de deux enfants, dont une jeune fille perdue dans son monde. Est-ce une réminiscence ?
Je n’ai pas vu le film de Jean-Pierre Améris ; en revanche, j’avais vu Les Diables il y a longtemps. Depuis que je présente en avant-première Adoration, on m’a déjà parlé de ces similitudes. Peut-être qu’il y a quelque chose d’inconscient qui m’en est resté, mais je ne l’ai pas revu depuis et je serais curieux de le revoir, justement, pour comparer — hors de la polémique actuelle, évidemment. Si je m’en étais inspiré d’une manière ou d’une autre, je le dirais ; d’autant que j’ai montré des films à Fantine Harduin [l’interprète de Gloria, NdlR] durant la préparation. Mais celui-là n’en faisait pas partie.
Adoration est le seul film de votre trilogie à ne pas être interdit aux moins de 16 ans. Est-ce pour que des spectateurs de l’âge des personnages puissent le voir ?
Vous savez, je ne cherche pas l’interdiction, je préfère avoir du public ! Il se trouve que mes films appartiennent à une catégorie qu’on appelle cinéma de genre… Heureusement, avec le temps, il y a eu une reconnaissance de mon travail qui a sans doute fait qu’on l’a considéré différemment.
Pourquoi remerciez-vous Béatrice Dalle au générique ?
Ah, elle a joué un rôle de juge pour enfants dans l’une des fins possibles, que j’ai hélas dû couper. Béatrice était formidable dans la séquence, et elle a très bien compris mon choix, mais je pensais qu’il fallait achever le film sur une élévation — au sens propre et au sens figuré — avec Paul et Gloria.
Crédit Photo : © Les Bookmakers / Les Jokers
De Fabrice Du Welz (Bel-Fr, 1h38) avec Thomas Gioria, Fantine Harduin, Benoît Poelvoorde
De Fabrice Du Welz (Bel-Fr, 1h38) avec Thomas Gioria, Fantine Harduin, Benoît Poelvoorde
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