À livres ouverts

Imaginé pour servir la science et les croyants, le livre animé est aujourd’hui dans chaque chambre d’enfant. Entre ces deux usages, cinq siècles se sont écoulés jusqu’au fameux pop-up. Le Musée de l’imprimerie retrace l’histoire de ce livre pas comme les autres pour petits et grands. Nadja Pobel

Promener son regard de gauche à droite et de haut en bas. Quand apparaît le premier livre animé en 1230, c’est la linéarité du livre qui est bousculée. Après ce balbutiement, il faut attendre 1524 pour voir un ouvrage prendre du relief. Il n’est point question de jeu alors, mais de mettre le livre au service de la science et de la compréhension du monde. Cosmographia d’Apian est une suite de disques mobiles montrant les mouvements célestes. Cent ans plus tard, un ouvrage de Salomon de Caus invite à manipuler des horloges solaires pour comprendre en images et en schémas le calcul de la distance entre la lune et le soleil.

À cette époque-là, «il n’y avait pas d’ordinateur, ni quoi que ce soit pour diffuser la connaissance, sauf le livre», fait remarquer Gaëlle Pélachaud, commissaire de l’exposition Quand les livres s’amusent, présentée au Musée de l’Imprimerie. C’est pour cela notamment que sont créés de somptueux ouvrages de médecine où le corps s’effeuille couche par couche en tournant des volvelles, fines planches de papier. Mais le livre animé est aussi un support pour les croyants avec, par exemple, la Confession coupée. Rien de spectaculaire sinon des bandelettes prédécoupées horizontalement sur lesquelles sont inscrites des pêchés qu’il suffit de détacher et de présenter au curé ! Tous ces ouvrages ludiques ne s’adressent toutefois pas aux enfants. Les choses vont changer dans les années 1800.

Le Livre-joujou

Les apports de Rousseau et la considération qu’il apporte à l’enfance vont contribuer à orienter le livre animé vers le jeune public. Les enfants ne vont pas encore à l’école, mais dans les familles aisées de la bourgeoisie française, les éditeurs trouvent un public. Et si les enfants ne peuvent pas encore manipuler les ouvrages (il faudra attendre 1924 pour voir la première bibliothèque pour enfants en France - L’Heure joyeuse - et les années 1960 pour que l’enfant s’empare lui-même du livre qui lui est destiné), ils ont désormais leur ouvrage avec le Livre-joujou de Jean-Pierre Brès publié en 1831.

C’est le début d’une nouvelle ère. Sur treize planches successives, les personnages s’animent au grès des tirettes. Pour Gaëlle Pélachaud, ce livre correspond peu ou prou aux débuts de l’animation. Juste après arrivent Lothar Meggendorfer et Ernest Nister, deux Allemands qui donnent du volume aux livres. «Ils décomposent l’image», analyse la commissaire, notamment dans des livres-théâtre qui reproduisent des décors de pièces et offrent une vison en 3D. «Il ne faut pas oublier que c’est aussi le début du cinéma et les premières expériences en mouvement». C'est désormais une réalité,  l’image fixe se met à bouger. 

L’après-livre

Après la Deuxième Guerre mondiale, Meggendorfer et Nister fuient l’Allemagne et trouvent refuge aux États-Unis, patrie de Robert Sabuda et David A.Carter, deux leaders de l’édition de livres animés. Dans les années 70, le livre explose sous l'influence, notamment, de Walter Hunt (à qui Andy Warhol rendra hommage dans un livre en 3D d’où surgit une boîte Campbell rouge rebaptisée Hunt).

Aujourd’hui, la course au spectaculaire et au gigantisme se fait parfois aux dépens de l’intérêt du sujet, note Gaëlle Pélachaud. «Toutefois les éditions Palette ou les musées nationaux éditent de très beaux ouvrages sur des peintres rendant plus accessible et compréhensible cet art, pour les enfants»,  tempère-t-elle. Quant aux récents développements du livre sur tablette numérique, ils n’amoindrissent pas la portée du livre animé aux yeux de la commissaire : «la matérialité même du papier a fait ses preuves et existera toujours. Et sur Ipad, on peut être à l’intérieur du livre pour découvrir la mécanique du mouvement. Avec certaines applications, on voit le texte "couler" alors qu’il est statique dans le livre. Mais ce n’est que le début et ces applications ne sont pas encore à mon avis suffisamment détachées du livre».

Désormais, le livre animé s’est démocratisé. Il est vendu à un prix abordable (25€ en moyenne). Pour obtenir un coût de production faible, la fabrication est confiée à la Chine. Car tout est encore fait comme il y a plusieurs siècles : découpage, point de colle et pliage. Seuls les livres d'artistes, produits en très petite quantité (120 exemplaires grand maximum) sont désormais fabriqués en Europe. Des plasticiens comme Jean-Michel Othioniel ou Damien Hirst s'y sont essayés.

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