BAC à fables

Réunissant une soixantaine d’artistes, la 12e Biennale d’art contemporain, "Entre-temps… Brusquement et ensuite", tentera de nous raconter des histoires autrement, à travers une multitude de formes nouvelles de «récits visuels». Jean-Emmanuel Denave

Qu'est-ce, en quelques mots, qu'une psychothérapie ? C’est réécrire une histoire qui vous colle à la psyché et aux émotions, c’est remettre un peu de jeu dans des significations figées, c’est rouvrir par les mots nos rapports aux choses (à "la chose" aussi), aux autres, à soi-même. L’espèce humaine, au-delà de sa biologie, est tissée d’histoires (grandes et petites), de dits et de non-dits ; le «parlêtre» comme le désignait Lacan est parlé et regardé avant de pouvoir parler et voir. Ce n’est donc pas une mince affaire que se coltinent écrivains et artistes que de réinventer des formes (langagières ou plastiques) de narration. Cela touche immédiatement au fond, à la texture, à l’existence d’un bonhomme ou d’une "bonne femme". Ca vous rend un peu plus libre ou différent, ça ouvre quantité d’idées et parfois fiche un peu le vertige. L’art, en bidouillant des formes de récit, vous donne à trembler dans l’être, individuel ou collectif (politique), jamais bien éloignés l’un de l’autre.

De Poussin à Koons

L’histoire de l’art occidental est largement dédiée à cet effort, continu et discontinu (dans ses résultats, ses procédés), à raconter visuellement une histoire, non pas pour s’endormir, mais pour se réveiller, ou alors s’accrocher, le jour, à quelques rêves. On pense bien sûr à la Renaissance et à la période classique (Poussin au premier chef), qui ont tracé un joli kaléidoscope de nos origines mythologiques ou religieuses. Et ça continue, un peu plus loin avec les Cubistes, les Surréalistes, la Figuration narrative et beaucoup d’autres…

On a pensé au XXe siècle, avec un théoricien comme Harold Rosenberg, que l’art moderne ne devait s’occuper que de ses propres moyens, gommer le plus possible ses impuretés extérieures (narration, représentation, expression de soi) et viser une sorte de pureté extra-terrestre, extra-humaine du moins. On a pensé un peu vite et des expositions récentes (comme Traces de sacré à Paris et Retour à zéro à Lyon) ont tenté de montrer que même les artistes abstraits "représentaient" quelque chose de leur histoire et de la nôtre.

Né en Islande et directeur du Musée Astrup Fearnley d’Oslo, Gunnar B. Kvaran a choisi de relire-relier la création contemporaine sous cette perspective ancienne : la réinvention des structures et des formes narratives à travers les «récits visuels» des artistes. Artistes qui se déploieront en trois cercles dans les différents lieux de la Biennale d’art contemporain : un noyau fondateur (Erro, Yoko Ono, Alain Robbe-Grillet), des artistes célèbres avec lesquels le commissaire travaille régulièrement depuis quinze ans (Robert Gober, Jeff Koons, Fabrice Hyber, Matthew Barney, Paul Chan…) et de jeunes artistes méconnus nés après 1975. L’enjeu est excitant, le propos fondamental. Sa réussite concrète relève d’une tout autre histoire, qui sera révélée début septembre…

12e Biennale d’art contemporain de Lyon
Du jeudi 12 septembre au 5 janvier 2014

pour aller plus loin

vous serez sans doute intéressé par...

Mardi 15 mars 2016 Terme créé par Georges Macunias dans les années 1960, Fluxus est davantage une mouvance à géométrie variable qu'un groupe artistique constitué. Au milieu de (...)
Mardi 15 mars 2016 À ceux qui ont toujours pensé que Yoko Ono était une sorcière – fans des Beatles en tête – Yoko Ono a toujours bien pris soin de répondre par l'affirmative en (...)
Mercredi 2 mars 2016 Simple comme bonjour et déclinable à l’infini, préparée dans tous les coins du monde et ce depuis la nuit des temps, la soupe s'affiche tendance.
Mardi 5 janvier 2016 Après une bonne Biennale, la saison se poursuit au gré d'un courant fluide qui nous conduira de projets singuliers en expositions monographiques consacrées à Yoko Ono, Paul-Armand-Gette, Anne & Patrick Poirier ou encore à... nous-mêmes !
Mardi 15 septembre 2015 De l'humanisme aux performances de Yoko Ono, la saison expos traverse les temps et les genres. l'art se frotte à la technique et aux sciences, explore la figure humaine et, toujours, résiste à la bêtise et aux contrôles du pouvoir.
Dimanche 15 septembre 2013 La Biennale d'art contemporain 2013 se veut dédiée au(x) récit(s). Les enfants demandent qu'on leur raconte des histoires pour s'endormir. Les adultes pour se réveiller de leur train-train quotidien et de leur prêt à penser. Les artistes exposés ont...

Suivez la guide !

Clubbing, expos, cinéma, humour, théâtre, danse, littérature, fripes, famille… abonne toi pour recevoir une fois par semaine les conseils sorties de la rédac’ !

En poursuivant votre navigation, vous acceptez le dépôt de cookies destinés au fonctionnement du site internet. Plus d'informations sur notre politique de confidentialité. X