A la galerie Descours, un érotisme surréaliste

Surréalistes, certes

Galerie Michel Descours

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

La galerie Descours présente une très belle exposition consacrée au mouvement surréaliste, réunissant une trentaine d'artistes (André Breton, Max Ernst, Wilfredo Lam, André Masson, Henri Michaux, Raoul Ubac...). Nous ne retiendrons toutefois que deux d'entre eux, Hans Bellmer et Pierre Molinier, aux œuvres érotiques particulièrement remarquables. Jean-Emmanuel Denave

«Il se leva alors pour baiser la main d'Olimpia, mais elle s'inclina vers lui et des lèvres glacées reposèrent sur ses lèvres brûlantes ! La légende de la morte Fiancée lui vint subitement à l'esprit, il se sentit saisi d'effroi, comme lorsqu'il avait touché la froide main d'Olimpia ; mais celle-ci le retenait pressé contre son cœur, et dans leurs baisers, ses lèvres semblaient s'échauffer du feu de la vie.» La fascination amoureuse de Nathanaël pour la poupée Olimpia dans le conte L'Homme au sable de Hoffmann, sa reprise à l'opéra par Offenbach, fascinèrent Hans Bellmer (1902-1975), ancien ingénieur qui, fuyant l'Allemagne nazie, émigra en France en 1938 pour se mêler à l'ébullition du milieu surréaliste.

Les mannequins peints par De Chirico, les jeux d'enfance avec sa cousine Ursula, l'univers de son ami Georg Grosz, la redécouverte d'une vieille caisse de jouets (où se trouvaient des poupées désarticulées) sont encore autant d'éléments qui vont faire basculer l'artiste, au début des années 1930, d'une peinture héritée de la "Nouvelle Objectivité" allemande vers la composition d'une poupée de taille humaine, objet de tous les fantasmes, de toutes les torsions, de toutes les métamorphoses érotiques, perverses et anatomiques.

La poupée qui fait OUI

«Le corps est comparable à une phrase qui vous inviterait à la désarticuler, pour que se recomposent, à travers une série d'anagrammes sans fin, ses contenus véritables» écrit Bellmer. Á travers de nombreuses photographies, il donne à voir des mises en scène et des postures de son inquiétante Poupée, de ce corps-phrase soumis à de provocatrices transgressions grammaticales et plastiques. Sens dessus dessous, jambes par-dessus fesses, croupe devenue visage, La Poupée est enceinte sur le tirage argentique de 1938, rehaussé d'un jaune sulfureux, présenté à la galerie Michel Descours.

Dans les années 1940, l'oeuvre de Bellmer s'étoffe encore avec d'incroyables dessins, «d'une finesse, d'une sûreté incomparables, où se retrouvent la main de l'ancien dessinateur industriel et l’œil de l'admirateur d'Altdorfer, de Dürer» note Gaëtan Picon dans son Journal du surréalisme. «Chaque fois un corps féminin s'ouvre, se démultiplie comme une fleur effeuillée d'une main cruelle, se noue et se convulse comme fuyant ou appelant une torturante jouissance ; ou bien c'est un couple soudé sur la roue de son étreinte, transformé en une créature androgyne, divinité mythique sur laquelle se lisent toutes les métamorphoses du désir.»

Sa croupe outrageusement offerte au regard du spectateur à la galerie Descours, une jeune femme aux yeux clos présente une coiffure torsadée de scènes érotiques les plus crues. La Chevelure de Baudelaire semble pourtant bien prude (et pourtant !) devant cette étude pour La Philosophie dans le boudoir de Sade dessinée en 1963. Irréalistes, fabuleux, fantasmatiques, les dessins de Bellmer expérimentent à l'infini ce que l'artiste désigne comme le «scandaleux».

Nœuds de vipères

«Le monde sexuel écrit André Breton, en dépit des sondages entre tous mémorables que dans l'époque moderne y auront opérés Sade et Freud, n'a pas, que je sache, cessé d'opposer à notre volonté de pénétration de l'univers son infracassable noyau de nuit». Noyau ébréché cependant par Hans Bellmer, puis par l'un de ses héritiers, tout aussi sulfureux, Pierre Molinier (1900-1976). De lui, on connaît surtout ses photographies et ses photomontages dont les sujets sont l'artiste lui-même travesti en femme, des mannequins, des jeux de miroirs et d'innombrables jambes féminines proliférant en tous sens...

L'ancien élève des Jésuites, destiné un temps à la prêtrise, a aussi beaucoup composé de grands tableaux sombres où les corps s'entremêlent dans la lubricité. «Peintures de mantes disloquées, plurales, composites, emmêlées et communicantes, formant des nœuds de vipères ou des systèmes d'infatigable rotation» comme les décrit avec talent Robert Benayoum. Dans un encadrement d'yeux inquiétants, d'êtres informes et de caresses irisées de plumes de paons, deux êtres s'accouplent dans une grande complexité de membres sur la toile Le Temps de la mort, composée en 1962. «Pour moi ce tableau est un acte de foi... un culte de la volupté» précise Molinier. «La volupté qui se rapproche si bien de la béatitude de la mort.»

Surréalistes, certes
Á la galerie Michel Descours jusqu'au 20 juin

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