Biennale d'art contemporain : pour une poignée d'artistes...

Sans panache ni ridicule, la 13e Biennale d'art contemporain de Lyon se révèle être une exposition collective intéressante et bien conçue. Chacun y trouvera sans doute une poignée d'artistes à son goût parmi la soixantaine d'invités internationaux. Jean-Emmanuel Denave

Ni biennale particulièrement réussie quant au choix des artistes et à la cohérence thématique (comme le fut celle de 2011, Une terrible beauté est née), ni biennale ésotérique ou gadget, la 13e Biennale de Lyon pourrait faire office de biennale "normale", exemplaire : une diversité œcuménique des médiums représentés (vidéo, peinture, installation...), un accrochage aéré et clair très agréable à parcourir, une relative accessibilité des œuvres sans baratin fumeux, quelques découvertes notables, quelques déceptions vite oubliées... Bref, Ralph Rugoff (né en 1956 aux États-Unis et dirigeant actuellement la Hayward Gallery à Londres), le commissaire invité, a fait le job.

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Il a aussi, comme beaucoup de ses prédécesseurs, oublié en cours de route le thème de ladite biennale – le rapport de l'art contemporain à la modernité devient ici le simple intérêt artistique pour La Vie moderne, c'est-à-dire la vie d'aujourd'hui en lien avec une réflexion sur le passé –, mais le contraire eut été étonnant. On ne pourra donc s'appuyer sur aucun fil : ni thématique, ni esthétique, ni géographique, mais seulement musarder d'oeuvre en œuvre, et se réjouir qu'une soixantaine d'artistes internationaux soient venus à Lyon présenter des créations souvent inédites (63% des productions).

Être au monde

Au rayon des déceptions, on trouve le Chinois Liu Wei et son installation monumentale censée représenter un chaos urbain et juste pénible à traverser dès l'entrée de la Sucrière, ou les peintures de détritus assez anecdotiques et laides de l'américain Ed Rusha, ou encore Tony Oursler. Tony Oursler, artiste qui habituellement nous trouble jusqu'à l'os avec ses inquiétantes projections de visages fantomatiques dans des espaces incongrus, signe ici une installation vidéo pâlichonne et ennuyeuse sur le thème de la biométrie et des nouvelles technologies...

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C'est paradoxalement à partir d'idées simplistes et de la bonne vieille technique du ready-made que d'autres artistes parviennent à exprimer le mieux un certain état du monde contemporain, tout en n'oubliant pas la dimension plastique et leur ancrage dans l'histoire de l'art. Ainsi, l'Anglais Mike Nelson présente à la Sucrière un ensemble de pneus récupérés sur l'A7 et installés sur des socles de fer et de béton. Étonnamment, cette vanité contemporaine s'avère particulièrement perturbante et émouvante : «Vous vouliez aller vite, loin, tout droit et vous éclater ? Voilà le résultat, en circonvolutions funèbres et fragrances de caoutchouc brûlé» semble dire Mike Nelson...

On passe ailleurs des autoroutes à des espaces indéterminés en découvrant la très belle installation de dessins de Tatiana Trouvé (née en 1968). «Je construis avec différentes formes d’expression et je me sers de différentes expériences de ma vie : je me suis toujours concentrée sur les coordonnées spatiales et temporelles de ces dernières, afin de créer des dimensions intermédiaires où elles puissent se rejouer… L’engagement esthétique et politique de mon travail est sans doute situé à l’intérieur de ce champ de recherche, qui définit des manières de faire des mondes et des manières d’être au monde.» déclare l'artiste. Ses intérieurs à la fois ouverts et clos démultiplient des kaléidoscopes de plans épars, les couleurs marquent des écarts imaginaires avec le noir et blanc, des murs flottent sur des paysages, des câbles incongrus relient du mobilier et de l'électroménager... Ce sont des espaces fous, nouveaux, à expérimenter par le regard et l'imagination...

Déconstruire le monde

Au Musée d'Art Contemporain, deux œuvres nous ont longuement arrêté et fasciné : La Mémoire des masses, film à la beauté plastique et à la force dramaturgique rares, réalisé par les jeunes artistes Fabien Giraud & Raphaël Siboni (dont nous ne révélerons rien ici afin de ne pas gâcher votre plaisir de spectateur), et l'accrochage de peintures de Johannes Kahrs (né en 1965 à Brême). L'artiste allemand présente un ensemble de tableaux "malades" et fiévreux, souvent d'une grande violence, due à la fois à ses cadrages aigus, aux motifs représentés (drogue, solitude, fatigue...), à la force de sa peinture et de ses ambiances souvent glauques. À partir d'images trouvées sur Internet ou personnelles, de reproductions d’œuvres d'art (une seconde salle passionnante est d'ailleurs consacrée aux collections d'images de l'artiste et à la manière dont il les retravaille), Johannes Kahrs distord le corps et la figure humaine dans ses tableaux, les pousse à leurs extrêmes limites physiques et psychiques à travers un regard halluciné et énigmatique.

Comme d'autres artistes de la Biennale (Tatiana Trouvé, Giraud & Siboni), Johannes Kahrs a sans doute retenu de la "modernité" qu'il n'était plus possible de représenter la réalité de manière simple et transparente et que tout médium avait sa propre autonomie. En lien avec le réel, l’œuvre se referme un temps sur elle-même et ses distorsions formelles, pour ensuite faire signe vers de nouvelles significations possibles, ouvrir à de nouvelles perceptions, remettre en question, inlassablement, la construction du réel et de ses images.

13e Biennale d'Art Contemporain
À la Sucrière, au Musée d'art contemporain et au Musée des Confluences jusqu'au 3 janvier

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