Lundi 31 décembre 2018 Vues ou pressenties comme intéressantes, voici notre sélection de cinq expositions à ne pas manquer en cette nouvelle année dans les musées et les galeries de la région.
Katinka Bock, à rebours de l'élucidation du monde
Par Jean-Emmanuel Denave
Publié Mardi 11 décembre 2018 - 6870 lectures
Photo : Exposition Katinka Bock à l'IAC © Blaise Adilon
Katinka Bock
Institut d'Art Contemporain
ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement
Art Contemporain / Pour son quarantième anniversaire, l'Institut d'Art Contemporain présente deux expositions particulièrement réussies : une monographie consacrée à Katinka Bock et un florilège d’œuvres de ses collections qui résonne avec le parcours proposé par l'artiste allemande.
Quand Katinka Bock (née en 1976 à Francfort-sur-le-Main en Allemagne) aborde un lieu d'exposition, elle réfléchit à son architecture, à ses dimensions spatiales, et à son contexte social et historique. À Villeurbanne, le quartier utopiste des Gratte-Ciel datant des années 1930, le passage de l'horizontalité à la verticalité, le passé ouvrier, la modernisation urbaine ont été des éléments sensibles à l'artiste. Mais ceux-ci se retrouvent comme encapsulés, enveloppés, dans des œuvres et un parcours sans signification évidente, sans dimension représentative directe. Quand nous découvrons la première salle de Tomorrow's sculpture, les mots qui nous viennent à l'esprit sont : ça pend, ça se plie, ça craquelle, ça se fend, ça s'entasse... Comme autant de « signifiants formels » (selon le concept du psychanalyste Didier Anzieu) qui effleurent le sens mais demeurent en deçà de toute narrativité claire, de toute figure rationnellement découpée, de toute trame temporelle. Un cylindre est suspendu au creux d'un filet, des céramiques à l'aspect mollement plié apparaissent ici et là, une sorte de sarcophage est couché sur un sol craquelé... Quelques photographies noir et blanc évoquent encore par fragments la présence du corps humain.
À l'insu du visiteur
Avec beaucoup de délicatesse et de simplicité, Katinka Bock suggère, déroute, ouvre : du sens, des perspectives, des liens. Ailleurs, de drôles de câbles surgissent des cloisons sans fonction évidente ; un radiateur incongru trône au milieu d'une salle et semble être au centre d'un curieux réseau de tuyaux en cuivre ; de véritables cactus mêlés de plâtre et de bronze s'érigent du sol, du plafond et des murs ; un nuage d'écorces mêlées de bronze s'étend au-dessus de nous... Ce sont autant de petits ou de plus grands événements plastiques faits de rencontres. Rencontres entre matériaux dissemblables, rencontres entre le haut et le bas, entre la forme et l'informe, entre une sensation et son contraire.
D'autres mini-événements ont lieu quasiment à l'insu du visiteur, comme de l'eau qui s'évapore d'un vase suspendu en hauteur, l'écoulement discret de gouttes d'eau entre deux grandes vitres posées contre une chaise, la circulation de chaleur entre plusieurs pièces du musée... Katinka Bock parvient ainsi à nous perdre dans l'espace, le sens, le temps (est-on en effet au milieu d'un processus, à son origine, ou bien devant des ruines ?). L'expérience vécue ici est fondamentalement matérielle, en-deçà des mots, des ressemblances, de toute forme de symbolisation.
Œuvres en résonances
Cette "dé-symbolisation" quasi régressive proposée par Katinka Bock redonne aux choses, à la matière, au réel une potentialité nouvelle de ré-agencement, de redécouverte et d'invention poétique.
Et pour compléter l'exposition de l'artiste allemande, l'Institut d'Art Contemporain a eu la très bonne idée de présenter plusieurs œuvres de sa collection résonnant avec cette régression matérielle, ce retour à l'inorganisé. Dove Allouche parle en ce sens de Désublimation à propos d'une série d'images de cascades où l'on ne perçoit plus concrètement qu'un flux matériel atmosphérique. Ailleurs, le corps nu de Pierre Minot se fond parmi des paysages et la glaise. Linda Sanchez retrace au crayon sur papier les trajectoires erratiques d'une goutte d'eau.
Anaëlle Vanel réinterroge l'histoire politique et culturelle à partir de photographies de lieux emblématiques rendues énigmatiques par tout un travail de surimpressions, de "bougés", de dissonances visuelles. Ses images sont accompagnées de phrases inscrites sur les cimaises, dont celle-ci, qui pourrait réunir l'ensemble des œuvres présentées par Katinka Bock et les autres artistes de l'IAC : « J'irai à rebours de l'élucidation du monde ».
Katinka Bock, Radio / Tomorrow's sculpture
À l'Institut d'Art Contemporain jusqu'au 20 janvier
pour aller plus loin
vous serez sans doute intéressé par...
Jeudi 4 octobre 2018 On les a vues, ou bien on pressent de très bonnes ondes... Voici notre sélection, non exhaustive, de cinq expositions à voir ce mois-ci.
Mercredi 19 septembre 2018 La sculpture contemporaine et l'Antiquité seront les deux grandes "stars" des prochaines expositions temporaires des musées de la région. C'est une bonne nouvelle, tant ces événements sont prometteurs a priori !
Mardi 25 novembre 2014 Lauréate du Prix Bullukian 2013, Linda Sanchez expose à la Fondation son nouveau projet artistique qui d'une goutte d'eau fait surgir des formes étonnantes et des dérives quasi situationnistes.
Jean-Emmanuel Denave
Vendredi 24 mai 2013 Sous la houlette de Laurent Montaron, l’exposition "1966-79" réunit des artistes nés dans cette période-titre, se réappropriant l’héritage des années 1960-70, interrogeant le présent à la lumière du passé, sans nostalgie mais non sans quelque...