Biennale Hors Normes : l'art brut, pas si fou

Art brut / La huitième Biennale Hors Normes présente en plusieurs lieux une multitude d'artistes d'art brut et singulier.

L'art brut a ses revues, ses galeries (Christian Berst à Paris), ses collectionneurs patentés (Antoine de Galbert), ses lieux incontournables (la Collection de l'Art Brut à Lausanne, le LaM à Lille, ou la Halle Saint-Pierre et le Musée de l'Hôpital Sainte-Anne à Paris). Il est présent dans les musées, les foires d'art contemporain, les grandes expositions. Et la cote des œuvres ne cesse de grimper...

Le grand public, lui, a pu le découvrir au cinéma, à travers le biopic Séraphine de Martin Provost (2008). À Lyon, plusieurs galeries le défendent et, depuis une quinzaine d'années, la Biennale Hors Normes offre un grand rendez-vous aux amateurs d'art brut dans les lieux les plus hétérogènes, voire franchement atypiques : galeries, centres d'art, mais aussi hôpitaux psychiatriques, universités, médiathèques... Sa huitième édition rassemble pas moins de trois cents artistes internationaux aux œuvres présentées dans quelque soixante-dix lieux d'exposition de la région !

Une édition qui a pour thème général "Le jour d'après" et « mène la guerre à la fixité » selon les mots du président de la BHN, Guy Dallevet. Quatre sous-thèmatiques rythmeront les nombreuses expositions : "Transhumanisme et algorithmes", "L'esprit et la vie", "Changement d'état", "Le Big-bang et son devenir sonore".

Pas si inculte

Mais revenons aux origines de l'art brut... Qu'est-ce, au fond ? Il est aussi appelé art singulier, art hors normes, art des fous (par André Breton), art psychopathologique... Si sa définition fondatrice par l'artiste Jean Dubuffet en 1949 paraissait limpide (« des ouvrages exécutés par des personnes indemnes de culture artistique, des artistes qui tirent tout de leur propre fond et non pas des poncifs de l'art classique ou de l'art à la mode »), elle s'est avérée, avec le temps, plus floue, ouverte et plurielle. Si Dubuffet allait souvent piocher des œuvres dans les asiles d'aliénés pour y trouver le Graal de la spontanéité et de l'éloignement de toute culture normée, il a aussi par ce biais donné beaucoup dans le romantisme de la folie.

Le fou s'avère être, a contrario des desiderata de Dubuffet, pas si inculte qu'on ne le croit, voire parfois franchement passé par des écoles d'art ou un sérieux apprentissage artistique. Et quand il crée concrètement, le fou est tout sauf "fou" (c'est-à-dire en crise ou en plein délire), mais se trouve bel et bien dans des phases d'apaisement et de sérénité relative. Car, oui, l'art – même chez les fous, les Apaches, les autodidactes perdus dans les montagnes – exige toujours une part de travail, de technique, de réflexion, voire un regard porté sur le passé et l'histoire de l'art...

Pas si limpide

Reste que si le domaine ouvert par Dubuffet n'est pas aussi limpide qu'attendu, il a une consistance, une âme, une direction générale : un art qui échappe aux modes, voire les nargue, un art qui n'hésite pas à employer les formes les plus naïves ou artisanales, et qui demeure beaucoup plus proche de préoccupations existentielles (voire proche, parfois, d'angoisses psychiques intenses) qu'esthétiques ou purement formelles.

L'artiste d'art brut est souvent, mais pas toujours, un autodidacte isolé de toute vie mondaine, qui exprime ses visions illuminées ou ses souffrances et ses forces existentielles avec les moyens du bord (dessins, objets récupérés, fragments de papier et bouts de ficelles...). Les plus connus sont Aloïse Corbaz, Adolf Wölfli, Henry Darger, Louis Soutter, Gaston Chaissac... Vous en découvrirez beaucoup d'autres à travers la Biennale Hors Normes, venus de quasiment tous les continents, et dont les œuvres sont moins des objets à contempler de loin que des rencontres singulières, étonnantes, émouvantes souvent.

Biennale Hors Normes
En différents lieux jusqu'à fin octobre

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