Tony Garnier, sa vie, nos oeuvres

Tony Garnier : l'œuvre libre

Fort de Vaise - Fondation Renaud

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Architecture / Il y a un prétexte – les 150 ans de sa naissance – mais sans doute n’en est-il pas besoin pour célébrer au travers de trois expositions l’apport de l’architecte Tony Garnier à la ville de Lyon, dans trois lieux différents. Balade.

Au vu de l’exposition au Musée Urbain qui porte son nom depuis dix-sept ans, Tony Garnier était « dans l’air du temps », un air essentiellement initié par Édouard Herriot dont il est beaucoup question aux Archives Municipales pour la bien-nommée déambulation L’Architecte et le maire. Ces deux parcours s’entrecroisent, se dupliquent même parfois – les originaux des documents étant logiquement présents aux Archives et ses fac-similés, commentés, du côté du Musée. La fondation Renaud dans un Fort de Vaise rénové s’attache elle à la prolifique production de toiles de Tony Garnier. Ce qui transparait au premier coup d’œil est la qualité de la production graphique de cet homme né à Lyon en 1869 d’une mère tisseuse et d’un père qui déjà peignait – le MUTG expose d’entrée ses Géraniums, hortensias et capucines.

Le travail de Tony Garnier se regarde en détails. Tout y est d’une précision étonnante : ses tracés bien sûr (redents et pilastres) mais ses ajouts des personnages aussi. Si, aux Archives, les plans sont à taille réelle, au musée, ils s’observent à la loupe et c’est la vie qu’il projetait dans ses bâtiments qui apparaît. Formé à l’École des Beaux-Arts dans le palais Saint-Pierre, Tony Garnier a ensuite fréquenté la même école à Paris où il passe dix ans avant de filer à la Villa Médicis, lauréat du prestigieux prix d’architecture de Rome à trente ans (comme en témoigne le Forum peint en 1902, exposé dans le Fort). C’est ici qu’il puise une inspiration qui irrigue tous les travaux donnés à voir, en particulier sa maison personnelle à Saint-Rambert qui occupe une place importante au MUTG et reprend les codes du patio : bancs où se relaxer dans la chambre, toit-terrasse et colonnes. Les ocres et le bleu byzantin sont repris dans le parcours afin de palier les clichés noir et blanc. L’époque est au béton armé au point même que le sommier de son lit est ainsi fabriqué !

Le Corbusier dira qu’il a été le premier à « consacrer » cette matière. Des photos et des originaux sous vitre attestent, au MUTG, de l’activité de sa jeune femme, céramiste qu’il épouse à l’aube de sa cinquantaine. La vue de leur maison sur la Saône, il la magnifiquement dessinée comme en atteste un tableau au Fort de Vaise. Mais avant de passer à cela et à ses grands travaux, Garnier va signer son programme humaniste en 1918 : sa cité industrielle en 164 planches en acquarelles, rendue palpable aux Archives, au cœur du parcours.

Béton

Si dans ce lieu municpal, les documents de travail s’accumulent aux murs, le MUTG les rend pratiques et maniables. Face à la reconstitution d’une petite partie des 380m2 de sa maison de Saint-Rambert, se trouve un atelier de travail qui fourmille de ses réalisations. À la table, de grands classeurs permettent de découvrir son Hôtel de Ville de Boulogne-Billancourt. Et surtout ses quatre grandes œuvres s’affichent comme autant de "cités" dans une véritable conquête de l’Est du territoire lyonnais : celles de la viande (les abattoirs, 1928), des malades (hôpital, 1933), d’habitation (quartier des États-Unis, 1933) et du sport (piscine et stade de Gerland, 1926, dont les fondations sont, de ses mots, « édifié par 200 prisonniers allemands » comme il est précisé aux Archives). Derrière ces grandes commandes se trouve évidemment Édouard Herriot, maire de Lyon de 1905 à 1957 (excepté durant la Seconde Guerre mondiale) dont un texte entame l’exposition des Archives : « je sais gré à M. Tony Garnier d’avoir interprété lesleçons del’Antiquité dansleur sensle pluslarge, d’avoir lutté contre ces conceptions artificielles qui nous ont valu tant de mauvais pastiches comme la Madeleine et le Palais-Bourbon. »

Ce tacle ne dit pas que c’est son prédécesseur, Victor Augagneur, qui le premier fait confiance à l’architecte (avec la vacherie, voir encadré ci-dessous). Malgré des bâtiments à visée sociale, difficile cependant de connaitre les orientations politiques de Garnier. La volonté de proposer des logements salubres (1640 familles dans le quartier des États-Unis qui accèdent à l’eau courante, au gaz de ville et à des WC privatifs) relève du maire. De son côté, l’architecte, comme beaucoup de notables, se fera construire une villa sur les hauteurs des Calanques à Cassis comme le montre bien le MUTG. Là-bas, il passera la fin de sa vie à observer la fin de la guerre et donnera des conseils de vieux sage aux jeunes architectes qui reconstruisent le Vieux-Port de Marseille bombardé. Ayant acheté une immense surface de garrigue, celle-ci sera construite en lotissements puis en ville et ainsi nait en 1966 Carnioux-en-Provence dans les Bouches-du Rhône. Ses élèves bâtiront dans son sillage la mairie du 8e à Lyon, celle de Villeurbanne, l’hôtel des Postes place Antonin Poncet ou encore la piscine du Rhône, la première de dimension olympique en France.

Mais au vu de toutes ces constructions, la plus folle demeure peut-être bien cette Cité de la viande dont il ne subsiste que la Halle qui porte son nom, convertie en salle de spectacle en 1986 après avoir échappé à la destruction en 1975.

C’était alors le marché aux bestiaux, un marché « de vif ». Autour, et conçu pour un cheminement à sens unique, sans aller-retour, avec halles de stockage, des entrepôts frigorifiques, abattoirs, boucheries, triperie et même tannerie (où les peaux, les cornes étaient récupérées ; des boyaux, Babolat fait des cordages de raquettes de tennis). Ce "ventre de Lyon" permet d’alimenter tout le sud-est de la France avec ces bêtes en provenance du Charolais, Bourbonnais voire d’Auvergne et du Limousin. Des triple pages dans le passionnant ouvrage édité pour l’occasion par le MUTG permettent de prendre la dimension de ces réalisations gigantesques où aujourd’hui est édifié l’ENS sciences. Outre ces grands chantiers, Tony Garnier signe aussi le centre de télécommunication proche de feu le Musée Guimet ou l’école de tissage devenue le lycée la Martinière Diderot. Là encore se retrouve sa signature avec redents, pilastres et hauteur limitée – les bâtiments s’étalent plus qu’ils ne s’élèvent. Sauf peut-être le monument aux morts que Tony Garnier a rêvé : son Athena, à la place du Gros Caillou et accessible via un prolongement de la rue de la République. Mais elle ne verra jamais le jour. Il implante un édifice circulaire sur l’île aux Cygnes à la Tête d’Or, accessible alors seulement en barque et rend ainsi hommage à une génération décimée par la Grande Guerre où son neveu adoré trouva la mort dans la bataille des Dardanelles

Tony Garnier, l’air du temps
Au Musée Urbain Tony Garnier jusqu’au 11 décembre 2020

Le Maire et l’architecte
Aux Archives Municipales de Lyon jusqu’au 21 mars

Tony Garnier, l’œuvre libre
À la Fondation Renaud au Fort de Vaise jusqu’au 1er mars

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