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Collectif Anonyme : « nous voulons créer un réseau de vin antifasciste »

Sous les pavés la vigne

Palais de la bourse

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Salon Rue89Lyon des Vins Naturels / Présent ce week-end du côté du palais de la Bourse pour le salon Sous les pavés, la vigne, le Collectif Anonyme prône la permaculture, l'engagement politique et le refus de la hiérarchie au cœur des vignes, tout en soignant la qualité de ces vins réalisés sans dogme.

Parlez nous de vos vignes…
Collectif Anonyme : En ce moment, nous sommes trois à travailler 10, 5 hectares de vignes. Celles-ci sont principalement situées à Banyuls, mais nous avons aussi un hectare situé à côté de Laroque-des-Albères. Nos vignobles suivent les contours des montagnes, sur des parcelles assez raides, les parois rocheuses forment des terrasses qui surplombent la Méditerranée. Nous avons récupéré des vignobles abandonnés, ou mal gérés, et nous avons travaillé dur pendant quelques années pour les réhabiliter.
Par la suite, nous avons acquis de très beaux vignobles, plus productifs. Certaines parcelles étaient exploitées en agriculture conventionnelle et le sol était dur comme du béton, mais au fil du temps, les graminées et les mauvaises herbes sont revenues, le sol a changé, a commencé à revivre ; sa couleur est passée du rouge au brun foncé ou noir. Nos vignes sont enherbées. Avec les végétaux, le sol semble vert en hiver, et vire au jaune quand l’été arrive. Au printemps, il est couvert de fleurs - c’est beaucoup mieux que le rouge-béton !

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Vous pratiquez la permaculture… Et la biodynamie ?
L'adoption de pratiques durables encouragent la biodiversité ; travailler avec les animaux, trouver des solutions qui ne coûtent pas cher, et qui ne produisent pas de déchets font partie des applications de la permaculture à la viticulture. Juste un exemple : nous taillons les vignes en "voutes" de telle sorte qu’elles puissent retenir et exploiter au maximum l'eau et les nutriments. Il se crée un micro-climat optimal (sans herbes dans la voûte), et les vignes sont plus résistantes aux maladies. Ça fonctionne ! Même lorsque nous ne sommes pas autour...
Quant à la biodynamie, disons qu’on ne veut pas devenir dogmatiques. Je veux une approche où je peux utiliser toutes les techniques en matière de bio (ou de biodynamie), sans avoir à appliquer celles qui, à mon avis, ne sont pas nécessaires. Nous utilisons des préparations biodynamiques parfois (taille avec le calendrier lunaire, utilisation de purin de prêle pour activer les sols). Mais je crois que je ne pourrai jamais me réconcilier avec les aspects métaphysiques et ésotériques de la chose... Quoique...

Quant au vin que vous produisez : il est réalisé lui aussi sans triturages chimiques ou technologiques.
Concernant la fabrication du vin : là aussi on évite les dogmes. On cherche à être ouverts dans notre approche de la vinification. Nous avons une démarche de bricoleurs, en fait. On cherche à faire les choses nous-mêmes. Notre "célèbre" machine vélo-égrappoir s’inscrit dans cette ligne. Elle a été faite par des amis punk (fana de vélos) de Vienne. C’est plus facile que de tourner à la main et nous pouvons boire en même temps !
On n’utilise aucun produit industriel lors de la fabrication de notre vin. Concernant les sulfites [NdlR : un certain nombre de vignerons qui refusent pourtant l’usage d’intrants œnologiques lors de la fabrication du vin, ne rejettent pas en bloc l’usage (parcimonieux) du soufre - un antiseptique et conservateur], pour faire une analogie avec la scène politique [radicale] : pourquoi certains anarchistes sont attirés par le primitivisme ? Parce qu'ils voient la société et la technologie comme la source du problème. Mais après un certain temps dans la forêt, ils finissent souvent par se rendre compte que la technologie n’est pas un problème en soi - le problème c’est l’usage qu’on en fait.
Les sulfites, donc, je pense que si on les utilise correctement on peut encore faire du bon vin ; si on en abuse, on l’endommage. Pour la plupart de nos vins nous en ajoutons moins de 10mg par litre - au maximum 32mg par litre pour un blanc. Parce qu’on veut faire des vins qui peuvent vieillir.

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Vous dites que le vin est le produit d’un travail social ; que quand LE vigneron (ou le "chateau") vient poser son nom, seul et unique, sur une bouteille il efface le caractère social de ce travail…
Nous avons formulé cette "idée" après avoir passé du temps à travailler en tant que saisonnier/es un peu partout en France. À notre avis, tout est important lors de la fabrication du vin - de la paperasse au fonctionnement de la capsuleuse. Même si le concept n’est pas tout à fait exact, parce que les décisions [individuelles] d'un vigneron sont importantes et peuvent souvent être inspirées, nous tenons à cette idée, notamment parce qu’elle nous protège contre les hiérarchies au sein de notre collectif.

Comment est né l’idée de fonder une structure collective ?
Avec des gens qui ont été politiquement actifs depuis de nombreuses années, l’idée de fonctionner en "collectif" vient naturellement. Ce n’est pas toujours facile, ni même souhaitable, d’aboutir à un consensus lors des prises de décision, alors nous essayons de faire fonctionner une structure qui veille à l’équilibre entre action (et responsabilité) individuelle et collective. Je préfère faire partie d’un collectif - même avec toutes les discussions que cela implique - plutôt que d'être employé.

Vous vous revendiquez féministes et antifascistes sur le site qui présente vos vins. Quel rapport avec votre travail ? Est-ce que cet engagement se répercute sur votre manière de faire du vin ?
Nous travaillons à limiter les hiérarchies au sein de notre collectif, ainsi qu’à l’élaboration d'un espace de travail exempt de sexisme, de racisme, d’homophobie. Un espace de travail libre. En travaillant à créer ce "milieu" nous influençons les autres espaces de travail, nous faisons la promotion de solutions de rechange. Aussi, nous voulons créer un réseau de vin antifasciste. Face au FN, nous avons beaucoup à faire !

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Vous dites qu’il est possible de cultiver autre chose que du raisin dans les vignobles… Vous visez l’autonomie alimentaire ?
Nous avons essayé, pendant quelques années, de planter d’autres choses entre les vignes … avec un succès modéré. Le problème ne venait pas des sols, parce que même les sols pauvres peuvent devenir relativement riches, en peu de temps, avec de bonnes pratiques agricoles. Mais nous n’avions pas assez de temps à consacrer à ces expérimentations. Je pense que dans cette période de crise, nous devons travailler à l'autonomie alimentaire. Pour l'instant, nous allons au supermarché comme tout le monde... Mais il est tout à fait possible de faire autrement - avec de la volonté.

Un blogueur connu du monde du vin a décrit votre démarche comme étant avant tout du "marketing punk". Sans chercher à dissimuler ses préjugés (il assume considérer les « anti-fascistes » comme des « extrémistes totalitaires »), il s’attaque à vous en affirmant que l’anonymat, les revendications politiques, les belles étiquettes (avec le masque Anonymous), et les hoodies façon black block, sont avant tout des arguments commerciaux. Il accuse par ailleurs vos vins d’être chers (à l’opposé de vos supposés idéaux)…
Ce blogueur réactionnaire a publié son unidimensionnel "hack job" le même jour qu’un article publié à notre sujet dans Vice. Il m'a aiguillonné avec le tweet "@c_anonyme punk marketing ?". Son article est jonché d'inexactitudes, et il est apparu clairement, instantanément, qu'il n’est qu’un parasite opportuniste. Il a besoin de nous, pour publier - nous ne lui devons rien. Il a mentionné les prix de nos vins ? Indépendamment de notre politique, nous faisons du vin dans un endroit donné et cela coûte une certaine somme d'argent. Même les enfants comprennent cela. Nos prix sont pleinement en cohérence avec notre appellation - Banyuls / Collioure. Ils sont établis ainsi, afin que nous puissions continuer à exister. Je ne veux pas répondre plus longtemps à ses "critiques", car en tant que vigneron, je sais que les bactéries meurent quand elles sont privées d'oxygène.

Comment votre démarche est reçue par vos voisins ? Vous avez eu des ennuis avec la mairie de Banyuls [elle n’appréciait guère les caravanes au milieu des vignes] ?
Nous n’avons pas de problèmes avec nos voisins ici ! Je n'ai pas eu de problème en tant qu'étranger, et beaucoup de voisins sont devenus de bons amis. En ce qui concerne notre maire : tout est calme en ce moment et j'espère que ça va continuer, ainsi nous pouvons nous concentrer sur le fait de faire du vin...

Où peut-on trouver vos bouteilles à Lyon ?
On commence à être bien distribués, notamment à l’étranger. Mais à Lyon, pas encore. On espère rencontrer des gens de la région qui voudront travailler avec nous...

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