Ça s'agite dans les verres

Cocktails / Si le mot cocktail vous évoque mojito, spritz ou pina colada, c'est que vous avez raté une étape. Rattrapage : les dix dernières années furent celles du renouveau mixologique. Les pionniers lyonnais, après avoir remis les classiques au goût du jour, avancent désormais en terra incognita, armés d’alcools pointus, de liqueurs et sirops maison et de leur inventivité. Tour d'horizon, à l'occasion de l'ouverture de L'Officine.

Début 2000, alors qu'on s'enjaillait déjà à Londres, dans des bars dédiés aux cocktails, la France avait le shaker en berne. On sirotait encore façon James Bond : dry martini et smoking, au bar d'un hôtel international. Éventuellement façon Don Draper (sazerac, en costard et fauteuil club) ou Carrie Bradshaw (cosmopolitan, entre filles). Pas très original. C'est la jeunesse Easyjet de retour de week-ends outre-Manche qui a décrété qu'on s'ennuyait sec dans les rades français. Mais que ce n'était pas une fatalité.

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Cette jeunesse s'est appelée Experimental Cocktail Club à Paris, ouvert en 2007 dans le quartier de Montorgueil, et Soda Bar à Lyon, inauguré quelques mois plus tôt dans le quartier de La Martinière. On y venait (et on y vient toujours) pour l’ambiance funk mais cosy, et pour le contenu des verres, des classiques revisités pour pas très cher. Ses créateurs, Arnaud Grosset et Marc Bonneton, se sont depuis séparés. L’un a ouvert le Monkey Club, sa déco façon cabinet de curiosité et sa belle terrasse guinguette sur la place Tolozan. Et l’autre L’Antiquaire, son ambiance Mad Men, qu’on jurerait enfumée, et son fameux marco’s bacardi fizz : rhum, chartreuse, citron, blanc d’œuf, crème et un peu d’eau pétillante. En dix ans, le paysage a bien changé, et on peut même parler d’une véritable scène lyonnaise, sans doute la plus dynamique en France après Paris. Parmi les derniers arrivés sur la place, notons notamment le Sauvage, qui mise sur le cocktail apéritif, ou le Groom, enfin un club où l’on peut boire quelque chose d’aussi fin que le cherry sherry chéri (Xérès, fino et cream et sésame grillé).

Le parallèle avec ce qu’il s’est produit durant la même période dans la restauration est facile : l’innovation culinaire s’est échappée des maisons étoilées, la mixologie s’est émancipée des bars d’hôtels. Elle est ainsi devenue créative et sexy - n’en déplaise à Tom Cruise. Quand on parle de création, ce n’est pas un vain mot. Les plus perchés des bartenders mettent plusieurs semaines avant de pondre une recette.

« Quelqu’un qui prépare un cocktail minute, il ne va faire que twister un classique. En bar, on ne peut pas improviser comme en cuisine, parce qu’on vise l’équilibre et que c’est difficile et long à trouver » nous précise Aymeric Tortereau du tout nouveau tout beau Pélican. Marc Bonneton va plus loin et revendique, comme en pâtisserie haut-de-gamme, l’usage d’un labo, dédié à l’expérimentation : « on utilise des machines d’extraction, des machines sous-vide, des bains-marie. C’est sur ce travail de création en labo qu’il y a actuellement une vraie émulation. »

Là où les changements en matière culinaire ont été accompagnés d’un engouement général (la starification des chefs, les émissions de télé), les secousses qui touchent le monde du cocktail, bien que notables, restent plus confidentielles. « Pour l’instant les connaisseurs correspondent à un club encore assez restreint. La bonne nouvelle, c’est que ce n’est pas une élite pour autant. Il y a beaucoup de jeunes, pas forcément fortunés qui viennent boire un verre et qui ont beaucoup d’intérêt pour ce que l’on fait » relève Aymeric Tortereau. Nous n’en sommes qu’aux prémices. La qualité générale a fait un bond en avant : « des bons classiques, on commence à pouvoir en boire un peu partout, même en boîte de nuit » note Marc Bonneton. L’industrie lorgne sur cette mode : « certains grands groupes ont compris récemment qu’ils pouvaient remettre en avant de vieux alcools de leur catalogue. » Et il y a les félés, ceux qui cogitent toujours dans leurs labos et dont l’inventivité ne semble pas prête de se tarir. Il faut aller leur rendre visite, en s’aidant par exemple de la (non-exhaustive) liste d’adresses ci-contre.

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