Florent Bonnetain : « ce sera une maison très ouverte »

Cité Internationale de la Gastronomie / Il est le directeur de la toute nouvelle Cité Internationale de la Gastronomie, qui s'apprête à ouvrir ses portes au sein du Grand Hôtel Dieu : Florent Bonnetain nous détaille le projet, les collaborations, dévoilant un pan de la programmation à venir. Et nous cause mécènes, aussi.

À quelques jours de l’ouverture, êtes-vous confiant ?
Florent Bonnetain :
L’ouverture se fera le samedi 19 octobre, premier jour des vacances scolaires. On finalise les derniers réglages… Ce sera prêt. La Cité de la Gastronomie est une institution culturelle dédiée à la gastronomie, ce qui est assez inédit comme thématique. Gastronomie, chez nous, ce sont les règles du ventre : on y parlera à la fois de cuisine 3 étoiles et de l’alimentation du quotidien. C’est inédit aussi dans la forme, entre culture et éducation, avec une diversité de fonctions qui s’entremêlent dans un lieu bouillonnant. Exemple : il y a une exposition permanente, permettant d’illustrer la cuisine lyonnaise, le repas gastronomique des Français - c’est ce qui a été classé au patrimoine de l’Unesco en 2010 -, de réfléchir à ce qui nous attend demain (est-ce que l’on mangera des insectes ? Autour d’une table ?), il y a des espaces Ludo-éducatifs faits pour frapper les esprits et développer de la créativité autour de la cuisine en développant le bien-manger. C’est un lieu d’ateliers, mais l’équipe de cuisine peut venir faire une séance avec les enfants. Et il y a un espace de dégustation, qui n’est surtout pas une récompense à la fin de la visite. C’est au cœur de l’expérience : on y passe le message du bien-manger et ces dégustations seront produites en fonction de la programmation globale de la Cité. Par exemple, en automne, les champignons avec Régis Marcon qui est notre premier chef invité. Ce sera une maison très ouverte. On aura des conférences, des séances de décryptage aussi.

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La thématique de la cité lyonnaise est la santé…
Lyon est la première des quatre Cités de la Gastronomie à ouvrir, chacune a sa thématique, ici il s’agit de la santé, de la nutrition et du lien avec la gastronomie. L’Hôtel Dieu porte ceci depuis son origine. Le territoire lyonnais est aussi très marqué par la thématique de la santé. La gastronomie n’est pas réservée aux gourmets qui vont au restaurant : comment bien manger quand on va au travail, quand on a un budget limité, quand on va faire ses courses au supermarché ? 30% des repas en France sont pris en restauration collective. On va travailler ces thèmes avec des outils de décryptage, pour comprendre par exemple les étiquettes sur les produits. En essayant de faire saisir que le goût d’une tomate est très différent si on peut la manger une heure après sa récolte ou si elle doit être transportée, car le transport altère le goût. On va juste le montrer, et laisser les gens réfléchir. C’est un lieu qui s’adresse aussi aux professionnels : producteurs, métiers de bouche, restaurateurs.

Régis Marcon a été associé à la conception du projet ?
Régis est très impliqué depuis longtemps. Il est en phase avec le sujet, il incarne ce lien avec le terroir, la saisonnalité, et il est très impliqué dans la transmission. Il s’est rendu disponible dès le début du projet. On travaille avec lui presque quotidiennement aujourd’hui : c’est le parrain de la Cité de la Gastronomie.

Quels seront les liens avec les différentes scènes de la cuisine lyonnaise ?
Ça va se construire progressivement. La Cité de la Gastronomie, c’est Lyon. C’est un lieu totem qui est en dialogue permanent avec la ville, il y a plein de choses à faire qui renvoient vers tous ces restaurateurs, pour donner aux gens l'envie d’aller explorer ces talents, et que l’on accueillera aussi ici avec une grande diversité de profils de Lyon, de France et de l’international.

Le Musée des Confluences a aussi œuvré à cette Cité...
Lui a été confiée la réalisation d’une partie de l’exposition permanente. Un travail de documentation, de réflexion, avec son prisme très humaniste, sa patte valorisée dans le monde entier qui trouve son écho ici, en collaboration avec Casson Mann qui est une agence londonienne de scénographie très cotée. C’est une démarche très collective avec MagmaCultura. Et ce lien avec le Musée des Confluences va se poursuivre, il est dans l’ADN. Il vont faire une exposition sur les prisons : nous allons organiser une programmation autour de l’alimentation dans les milieux fermés en parallèle. Plus globalement, la Cité de la Gastronomie est un outil au service des institutions culturelles. On va faire un événement avec la Villa Gillet dans le cadre de Mode d’Emploi, autour de la cuisine de l’exil. Avec l’Institut Culturel Italien, on fait une soirée autour de la cuisine de Leonard de Vinci.

Quelle programmation est déjà prévue ?
Une exposition sur les champignons frais : deux journées avec des mycologues, un espace de détermination pour expliquer les risques de leur consommation aussi. Une exposition autour du peintre Arcimboldo, et le premier pays invité sera le Japon à l’automne 2020 : tout un mois lui sera consacré, avec des producteurs invités. On devrait avoir le territoire de Fukushima : on parlera de comment on produit et on se remet d’une catastrophe.

Quel est le budget de la Cité de la Gastronomie ?
L’investissement dans le projet, c’est 20 millions d’euros pour que ça ouvre. La Métropole a mis 3 millions, la Ville 2 millions et l’État un million. Les onze mécènes ont contribué à hauteur de 10, 5 millions. Et MagmaCultura, le délégataire, a investi 2, 2 millions environ. Tout ça a financé le bail emphytéotique de 99 ans, soit les 3/4 du budget, le 1/4 restant étant pour les aménagements et le contenu.
Ensuite, le budget de fonctionnement est de 6 millions d’euros sur un modèle de délégation de service public, remporté par MagmaCultura. La Métropole compense la mise en place d’un tarif social à hauteur de 250.000€ par an. Et MagmaCultura reverse un droit d’occupation de l’espace public de 250.000€. Le modèle, hormis ça, est 100% auto-financé : par les visiteurs et les privatisations. On a un objectif de 300.000 visiteurs par an, ambitieux et raisonnable à la fois.

Les mécènes ?
Il y en a onze : Apicil, Crédit Agricole, Dentressangle, Eiffage, Elior, Institut Paul Bocuse, Mérieux NutriSciences, Metro, Plastic Omnium, Seb, Valrhôna.

Il y a eu plusieurs scandales autour du mécénat récemment, aux États-Unis et en France avec Total qui a dû renoncer aux JO 2024, la famille Sackler au Louvre… Allez-vous faire attention à qui sont vos mécènes ?
Il faut redire que les mécènes ont apporté la moitié de l’investissement. Sans eux, pas de Cité de la Gastronomie. Ils ont chacun mis entre 500.000 et deux millions d’euros. On a des entreprises de nature différente. Ce qui est intéressant, c’est leur expertise : ils ont tous un lien avec l’alimentation au sens large. Nous, on va porter plusieurs thématiques avec une indépendance de programmation, mais on va les associer. Il faut redire que la gastronomie, ce n’est pas que la bonne table où l’on va le dimanche, c’est aussi l’alimentation du quotidien, collective…

Justement…
Il faut le traiter et peut-être que la Cité est un lieu où ceux qui travaillent dans ces entreprises peuvent venir prendre conscience des choses. Il ne faut pas opposer les petits producteurs locaux et les gros comme Metro, qui sont associés à la restauration collective : il faut nourrir tout le monde. Et il faut les associer, pour toucher le grand public aussi. Il faut que l’on travaille ensemble pour diffuser le message. Il faut assumer les partenariats, mais on ne nous imposera pas des choses qui permettent aux grosses entreprises de passer leurs messages. Personne ne fera de greenwashing ici.

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