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La Biennale joue et... se perd

L'œil / On espérait un grand potlatch, on découvre une biennale un peu potache et morose où l'art contemporain frôle parfois la caricature qu'en font ses adversaires. Dont nous ne sommes pas. Jean-Emmanuel Denave

Les deux concepteurs de la Biennale d'art contemporain, Stéphanie Moisdon et Hans-Ulrich Obrist, avaient promis un grand jeu, avec leurs deux cercles de joueurs (60 commissaires désignés pour choisir chacun l'artiste de la décennie en cours, 14 artistes directement nommés pour présenter une œuvre représentative de cette même décennie 2000-2010), une redistribution des rôles et des cartes, l'écriture paradoxale de l'histoire du présent... On découvre, à la Sucrière notamment, une Biennale faite essentiellement de bric-à-brac, de petites installations pas très claires, d'expérimentations technico-écologiques, de jeux de références fonctionnant au second degré ou en vase clos pour happy few, de dénonciations politico-bidule à réflexion courte. Pis : le cercle des joueurs de la Biennale se révèle un cercle très fermé, et ce tout particulièrement au public. Nombre d'œuvres alambiquées sont livrées telles quelles, sans l'once d'un début d'éclaircissement sur les cartels. On reproche souvent à l'art contemporain son hermétisme, mais avec un petit effort on parvient généralement à trouver des clefs, des entrées (qu'elles soient plastiques, émotionnelles ou carrément écrites noires sur blanc). Là, la forteresse est inaccessible... Peut-être pour mieux masquer qu'elle est vide ? œuvre Répétition et opinion Globalement, les artistes de la Biennale expriment ceci : le monde actuel ne va pas très bien, il est éclaté, complexe, en attente d'un peu de lien et d'équité... Ils dénoncent encore quelques fléaux ou situations inhumaines : James Webb nous immerge dans un inquiétant couloir obscur qui résonne du bruit assourdissant d'une mine d'Afrique du Sud, Jennifer Allora et Guillermo Calzadilla font hurler à l'intérieur d'un gros bunker des marches militaires ou des hymnes de GI's pour protester contre la guerre, le déjà fameux mexicain Erick Beltran recouvre de peinture noire des panneaux Decaux, des abribus, des affiches en y ajoutant des slogans lourdement provocateurs comme «mort aux gros», «sales syndicalistes», «sales chômeurs», «chiens d'infidèles», «mort aux immigrants»... Critique de la haine et du tout publicitaire bien sûr. Mais cette dénonciation reste au raz des pâquerettes, n'analyse rien, n'apporte pas grand-chose, et paraît même un peu datée tant les combats contre le racisme ou l'agression publicitaire sont depuis longtemps engagés... Notre critique d'une grande partie des œuvres exposées porte en définitive sur deux points. Soit elles se résument au simple décalque d'un état du monde (sa complexité, son éclatement, son mal être) et tombent alors dans la mimésis, la représentation plate des choses, la répétition vaguement imagée, qui ne suffisent pas à faire œuvre. Soit elles expriment une revendication ou une dénonciation sans aller beaucoup plus loin, et ne sont alors qu'expressions d'opinions (que l'on partage d'ailleurs pour la plupart), qui peuvent faire discussion mais non pas art.Rois fainéantsCette biennale rassemble aussi quelques têtes d'affiches qui se montrent particulièrement paresseuses ou peu intéressées par le sujet proposé. Jérôme bel décline a minima son chef-d'œuvre The Show Must go on avec un petit parcours vaguement drolatique en lumières et musiques. Michel Houellebeq se contente d'une preview d'un des décors de son film La Possibilité d'une île (sortie en 2008), en l'occurrence des œuvres sous vitrine, carnassières et maladives, réalisées par le personnage du Prophète. Saâdane Afif invite les artistes de la Zoo Galerie de Nantes, où il a effectué ses débuts, pour une petite exposition collective sans intérêt. Le grand cinéaste chinois Zhang-ke Jia projette à la Sucrière deux de ses films (2h30 chacun !) qu'il vaut franchement mieux découvrir en salle. Pierre Joseph, nombriliste, demande à dix autres artistes de bosser à sa place en «réinterprétant depuis leur propre pratique ses propres formes et concepts» ! Mais là, petite surprise quand même : l'un d'eux, Raphaël Siboni, réalise en vidéo un grand moment d'humour caustique. Une sorte de série Z qui met en scène Deleuze et un disciple à face de vampire, s'affrontant à un groupe de kantiens aux gros bras et aux grosses bagnoles du «Kant Tuning Club». C'est à se plier en quatre et ça se trouve au Musée d'Art Contemporain. Mis à part cette grosse note d'humour, la puissante installation de Liu Wei à la Fondation Bullukian et quelques œuvres sympathiques ici et là (Urs Fischer, Shilpa Gupta, Una Szeemann...), cette Biennale est des plus frustrantes. La montagne cérébrale de S. Moisdon et H.U. Obrist a finalement accouché d'une souris artistique.9e Biennale d'art contemporain de Lyon Sucrière, Musée d'art contemporain, Institut d'art contemporain, Fondation Bullukian Jusqu'au 6 janvier 08

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