Bertrand Betsch : Play blessures

Bertrand Betsch, chanteur, n'a pas son pareil pour draper des textes à fleur de douleur dans des mélodies luxuriantes, refusant l'ironie qui protège des émotions. Christophe Chabert & Emmanuel Alarco

"C'est sur le premier album que j'ai eu les retours les plus forts. Je rencontre de plus en plus de gens qui m'en parlent, 8 ans après sa sortie. C'est surprenant, d'autant plus qu'à l'époque j'en étais assez mécontent. En le réécoutant, je trouve que c'est extrêmement riche sur le plan mélodique. Et puis c'est un OVNI, ça ne ressemble à rien. Rien que dans la façon de chanter, une voix très soufflée sans utiliser le reste du corps, juste avec la gorge...". C'est d'ailleurs ce chant surprenant qui nous avait effectivement gêné aux entournures lors des premières écoutes de La Soupe à la grimace. Mais les réticences furent très vite balayées par des chansons formidables et la voix de Bertrand Betsch allait rapidement s'imposer comme une des plus attachantes de son époque. Brassant un univers à faire passer Mano Solo pour le roi de la gaudriole, l'homme frappait un grand coup et posait les bases de son œuvre à venir, mêlant finesse d'écriture et authentique boulimie musicale. "Sur La Soupe à la grimace, il y avait une fraîcheur et un côté mélodique qui faisait que le texte passait comme une lettre à la poste, même quand il parlait de choses assez douloureuses". C'est la B.B. touch : balancer des choses atroces avec l'air de ne pas y toucher, garder sur le merdier des adultes un regard candide et des mots d'enfants. "C'est vrai que j'ai un rapport particulier à l'enfance. Je n'en ai pas vraiment de souvenirs, ma mémoire commence très tard, mais j'ai gardé un côté infantile, mélangé avec plein de choses qui sont l'inverse. Une personnalité très éclatée..." L'homme a le sens de l'euphémisme... Dark sides of B.BDans la foulée de ce premier disque, Betsch part en tournée avec quelques-uns de ses coéquipiers de chez feu-Lithium : "C'était une expérience très forte Lithium, qui ne serait plus possible aujourd'hui parce qu'on est passé à une autre ère. Je ne sais pas s'il y avait un esprit commun, mais on était tous fiers d'être sur ce label". Les concerts marquent les esprits, mais laissent des traces chez l'intéressé qui, à se livrer sans retenue, perd tout simplement l'usage de ses cordes vocales pendant près d'un an ! Une expérience pour le moins traumatisante qui marque le début d'une période "assez noire" pour le chanteur qui verra même l'enregistrement d'un deuxième album mis en chantier, puis interrompu (les bandes de l'époque serviront de base au troisième disque, près de 5 ans plus tard !). Entre temps, heureusement, Lithium veut fêter ses 10 ans et mijote un projet alléchant : "Vincent Chauvier le directeur artistique m'a demandé de faire une reprise d'un artiste Lithium, une reprise d'un autre artiste et de livrer un inédit. J'ai proposé deux choix à chaque fois et je me suis retrouvé avec 6 chansons. Le projet a capoté, alors je lui ai quand même proposé de sortir ça. Il m'a dit : "Quitte à sortir quelque chose, sort un album...". Il m'a laissé carte blanche, je me suis enfermé chez moi, j'ai tout fait sur mon 8 pistes, et voilà". Au finale, B.B Sides ne ressemble à rien de connu sur la planète chanson : les reprises de Dominique A et Mendelson y côtoient des poèmes d'Eluard ou de Charles d'Orléans admirablement portés par des mélodies d'orfèvre et une poignée de nouvelles compositions (parmi ses plus belles : Nu, Quand je reviendrai...) cohabite sans complexe avec des relectures inspirées de Léonard Cohen ou Lou Barlow. "Ce n'est pas un album qui a eu beaucoup d'écho, mais il me tient vraiment à cœur. J'en revendique chaque note, chaque arrangement, chaque inflexion de voix. J'ai tout fait de A à Z, et je m'y reconnais entièrement. C'est un album que j'ai fait pour moi, j'ai fait le disque que je rêvais d'entendre à l'époque. C'est celui que j'écoute le plus souvent, toujours avec beaucoup d'émotion, parce que je suis allé chercher très profond". Bizarrement ce disque si intime et replié sur soi, occupe aussi une place de cœur chez tous ceux (peu nombreux, il est vrai) qui ont bien voulu s'y plonger.Soleil NoirEn août dernier, Bertrand Betsch nous offrait un retour en grande pompe avec un disque faussement lumineux porté par un tube underground, lui aussi faussement guilleret : Pas de bras, pas de chocolat. "On a voulu élargir le public... Pour l'instant, on n'y arrive pas, mais... On voulait un album plus arrangé, plus produit. Je n'ai pas envie de faire deux fois le même disque. Donc on a remis souvent l'ouvrage sur le métier, pour chaque chanson, il existe cinq ou six versions différentes. Ça a été un processus très long et assez douloureux." Une fois de plus, une réussite. Malgré deux ou trois morceaux un peu plus "ensoleillés", Betsch poursuit son exploration du côté obscur, plutôt à l'aise avec l'étiquette d'écorché vif qu'on lui accole à longueur d'articles : "Je me rends compte que les gens sont fermés à leurs émotions. Ils cachent tout ce qui est de l'ordre de l'affect sous une façade faite d'ironie, d'apparences... J'aime bien gratter l'os et voir ce qu'il y a derrière. Mes projets à venir vont aller chercher du côté de l'affect pur, de ce qu'on a vraiment à l'intérieur de soi". Quand on sait que l'animal prétend avoir 100 chansons sous le coude, on est submergé à l'avance par les émotions à venir.Bertrand Betsch (+François Hadji-Lazaro)Vendredi 25 février à 20hAu CCO

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