La parole du Sage

Musique / Au sein d’un riche plateau punk et hip-hop à l’Épicerie Moderne, événement avec la prestation de Sage Francis, dont les performances scéniques musclées font écho à son rap écorché vif, engagé et enragé. Christophe Chabert

Sacré coup de trafalgar orchestré par L’Épicerie moderne, la scène musicale en forme de la saison ! En conviant, le même soir, Pissed jeans (un quatuor punk noise que l’on présente comme les dignes descendants de Jesus Lizard), plus James Delleck (un des meilleurs rappeurs français, qui avait enthousiasmé avec ses participations impeccables aux projets Gravité zéro et L’Atelier, et dont le premier album, Le Cri du papillon, confirme de surprenantes velléités musicales) plus Sage Francis, ils proposent haut la main le meilleur plateau du mois. Les articles de presse, comme la vie, étant cruels, on se concentrera sur le dernier de la liste, l’exceptionnel Sage Francis. La raison est simple : depuis le choc éprouvé lors de son concert au Printemps de Bourges il y a quatre ans, on rêvait de voir débarquer ce rappeur paradoxal dans une salle lyonnaise. Choc ? Pour peu qu’on se trouvât trop près de la scène, on risquait en effet de se prendre le pied de l’artiste en pleine poire, celui-ci ayant l’étrange habitude d’effectuer à la fin de chaque morceau des danses démentes où il lève la jambe le plus haut possible au risque de se fracturer le nez. Ça, c’est quand il ne descend pas, micro au poing, au milieu du public pour éructer ses textes, tel un évangéliste particulièrement cramé, baraque et tatoué.Chaos debout
Sage Francis, débarqué de son Rhode Island natal, s’était fait repérer en réalisant l’exploit de sortir des disques sur trois des meilleurs labels du monde : l’expérimental Anticon de San Francisco, les Anglais au rap mutant Lex et le très hardcore Epitaph. Oubliez tout de suite ce name dropping pour initiés : ce qui compte, c’est que dans ce triangle-là se tient toute la démarche de Sage Francis. Niveau musique : un goût prononcé pour le sample de traviole et la guitare sale, la mélodie fin de soirée-gueule de bois et le riff à réveiller les morts.
Niveau textes : une confession intime interdite d’antenne sur TF1, faite de sexe triste (sur son dernier album, il raconte à quel point c’est chiant de se taper une intello) de drogues mélangées sans ordonnance et d’egotrip fidèle à la loi du rap. Ce qui est beau chez Sage Francis, c’est que derrière ce côté furieux et instable, perce sans arrêt une réelle tristesse, comme si la carapace massive se fissurait et laissait apparaître un homme nu et vulnérable, pétri d’angoisse devant la mort et l’absurdité du monde, le temps qui passe à toute berzingue et l’incapacité d’en faire le deuil.
Au-delà d’un chaos qu’il maîtrise à la perfection, Sage Francis cherche une difficile harmonie, idéal inaccessible pour un poête vraiment époustouflant.Sage Francis (avec B. Dolan)À L’Épicerie Moderne le jeudi 29 mai (+ James Delleck et Pissed Jeans)«Human the death dance» (Epitaph/PIAS)

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Mercredi 6 juin 2007 Human the death dance Epitaph/PIAS

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