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Quand on arrive en livre !

Le dilettante

Portrait / Joseph Merrick. Ancien guitariste et tromboniste de Green Olive, double lauréat de Dandelyon, cet artisan pop au dilettantisme revendiqué livre avec Circus, Circus un épatant premier album. Preuve que l’autoproduit peut-être de luxe et de première nécessité. Stéphane Duchêne

Des tests ADN ont démontré tardivement que le véritable Joseph Merrick, autrement connu sous le vocable d’«Elephant Man» (qui ne s’appelait donc pas John, comme véhiculé par erreur par sa légende) était atteint du Syndrome de Protée, une maladie qui déforme le corps. C’est de ce même syndrome dont souffre la musique de Joseph Merrick, pop à la fois léchée et désinvolte, autogérée et protéiforme. Son pseudo, Joseph Rolland l’a bien sûr choisi en référence à l’ambiance de l’Angleterre victorienne et de ses cirques ambulants peuplés de monstres tristes épris de liberté. Une liberté que l’ancien guitariste de Green Olive semble lui-même avoir recouvré en solo, trouvant là le moyen d’accoucher de son bestiaire pop un peu cinglé : «Depuis la fin de Green Olive, j’avais envie de nouvelles choses, de faire des morceaux acoustiques. J’étais seul maître à bord, écoutant des trucs un peu barrés. Je ne me suis fixé aucune limite». A entendre son auteur, ‘Circus, Circus’ ne serait pourtant que le fruit d’un enchaînement de circonstances. Un disque conçu l’été dernier en Ardèche, «à la bonne franquette, chez mon pote Vincent Muzotte, en buvant l’apéro. Vincent a dompté le côté foutraque de mes chansons et d’autres amis sont venus y ajouter des petites choses. Ce disque, j’avais vraiment envie de le faire, mais je ne suis vraiment pas organisé, seul je ne l’aurais jamais fait». Plusieurs fois, Joseph, qui n’envisageait même pas réaliser un pressage CD de cet album, répète en évoquant les étapes de son parcours : «on m’a un peu poussé». C’est par exemple le directeur de l’école de musique d’Annonay qui, à 7 ans, le «pousse» à choisir le trombone. L’apprenti musicien est davantage convaincu par le look éléphantesque de l’instrument (qui justifiera également son pseudo) que par le barrissement qui en sort : «le trombone est un instrument ingrat, c’est un peu le violon des cuivres. Même les joueurs de hautbois se foutaient de moi…». Casanier
Fin 2008, c’est Scalde, présent sur son album, qui le «pousse» à se présenter au «tremplin» Dandelyon, qu’il a déjà remporté avec Green Olive en 2006. Il s’y produira avec Matthieu Destailleur (Fake Oddity) à la contrebasse et la bouteille de Saint-Joseph qui a accompagné des répétitions de son propre aveu un peu bâclées. La fantaisie de ses compositions, même déshabillées avec l’air de celui qui a vu de la lumière, l’emporte pourtant sur le je-m'en-foutisme : Joseph Merrick rejoint le trio de lauréats, complété par Laisy Daisy et A.N.I.. Après quoi il tente de se défiler pour cause de stage à Paris, questionnant l’association sur la possibilité de récompenser quelqu’un de plus disponible. C’est que l’éléphanteau Merrick, il le répète également, est un grand casanier. Y voir la cause de son départ de Green Olive, au sortir d’une tournée intense il y a trois ans ? En partie. «C’était un choix de vie : pendant un an, on ne s’est pas arrêté. La tournée a été incroyable, on a fini à Brooklyn avec un groupe américain. Mais il y a eu une usure et j’avais envie de finir mes études». Le discours tranche avec les rêves de mythologie rock des aspirants vedettes. Mais il découle surtout de la lucidité de l’Ardéchois face aux réalités économiques du business : « Si on pouvait être musicien comme on peut être artisan plombier, j’en ferais sûrement mon métier, mais je n’ai pas envie de galérer toute ma vie pour être musicien». Voilà peut-être la source de ce dilettantisme protéiforme : une manière de ne pas enterrer la passion sous la contrainte. De lui interdire de se faire marabouter par l’ambition et les basses besognes de la réalité. Aussi talentueux soit-il, Joseph n’en conserve pas moins en permanence les yeux écarquillés du fan en quête d’émerveillement, qu’il disserte sur les interviews de son idole Omar Rodriguez-Lopez, le râtelier flambant neuf de John Frusciante des Red Hot Chili Peppers ou la programmation lumineuse d’une obscure webradio de Seattle, KEXP, qui alimente ses enthousiasmes. Yeux qui se font brillants quand il évoque le souvenir du passage de Green Olive aux Nuits de Fourvière ou au festival lyonnais Just Rock, au milieu d’un casting de haute volée : «il y avait Andrew Bird, Syd Matters, Loney Dear, je garderai le flyer toute ma vie». Pour Joseph Merrick, il vaut toutes les récompenses et surtout tous les achèvements du monde. Joseph Merrick
Au Sirius, jeudi 7 mai
«Circus, Circus» disponible chez Sofa, Gibert Joseph, Kraspek Myzik et au Citron.

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