Benjamin de maître

Figure effacée de la scène pop-folk lyonnaise, Benjamin Fincher revient en douceur avec un gracieux mini-album en forme d’apparition. Stéphane Duchêne

À côté de communicants invétérés comme Music is Not Fun, Benjamin Fincher fait figure d’acteur pour le moins discret de la scène lyonnaise, tant il est vrai que le groupe fait peu parler de lui entre deux sorties de disques. Découvert il y a trois ans à Dandelyon, dans ce que l’on appellera la «promotion Coming Soon», Benjamin Fincher n’a certes pas connu l’ascension fulgurante de ses collègues anneciens. Et ce pour deux raisons : d’une part une appétence plus modeste pour les feux de la rampe, d’autre part une musique infiniment plus ambitieuse et moins immédiatement accrocheuse. La démarche s’explique : Benjamin Fincher, le groupe, s’est construit sur l’idée d’une figure fictionnelle du même nom en rupture avec l’idée de réussite et présentée comme un hobo, vagabond mythologique héritier des beatniks et de la route américaine. Une route tracée en conséquence par Benjamin Fincher, sillonnant les mers avec l’Ep inaugural ‘Sea Songs’, envisageant l’immigration américaine sur le premier album ‘Ellis Island’. Avec ‘Where The River Goes’, Benjamin Fincher fait donc logiquement étape au bord d’une rivière qui mériterait d’emporter avec elle tous les éloges disponibles. Car cette pièce absolument magistrale, témoigne d’une remarquable évolution musicale.

Légèreté tordue

Ça commence avec l’objet lui-même qui prend place dans un séduisant étui (à tirage limité) illustré et plié en corolle. Soit exactement la manière dont la musique se déploie et se (nous ?) délivre dès les premières notes de l’album : petite déambulation folk guitare-violoncelle entamée comme escomptée entre nonchalance précieuse et grâce fantomatique. Mais on s’aperçoit bien vite que Benjamin Fincher a ajouté à son petit manège pop-folk boisé une touche bienvenue de petit électro ménager. Comme ces mini-beats se chicanant avec un ukulélé avant de virer clavier de l’espace (Childhood Memory). Devant la palette de couleurs de Benjamin Fincher, on songe aussi bien au folk anglais traditionnel, pétri de médiévalisme, qu’à la légèreté tordue d’un Robert Wyatt ou la poésie bileuse d’un Elliott Smith. Et on ne cherche surtout pas à dénicher le tube qui dézingue tout. Ici, il se mérite, en douceur, mais se chérit comme un trésor, à l’image du splendide et si triste ‘Up & Down Stream’, ses quatre notes indélébiles et ses chœurs lointains, ou le très Grandaddy-esque ‘Under the Circumstances’ qui nous console de la disparition du groupe euphoriquement mélancolique de Modesto. En fait, c’est simple, comme tous les bons disques, ‘When The River Goes’ console de beaucoup de choses. ‘Where The River Goes’ (Autoproduit) en téléchargement légal et chez Gibert Joseph et Sofa Records.

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