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Quand on arrive en livre !

Luxe, calme ou volupté

Un peu plus d’une éternité que le public lyonnais n’avait pas eu l’occasion d’entendre «Manon Lescaut» de Puccini. Kazushi Ono, chef d’orchestre ébloui par cet opéra d’un romantisme exacerbé en donne une version fervente et enflammée. Pascale Clavel

L’œuvre entière de Puccini déchaîne les passions. Les pros et les antis s’écharpent, pendant que cette musique mélancolique et radieuse se déverse dans les salles. «Manon Lescaut» n’échappe pas aux critiques, mais tous s’accordent à dire que cet opéra de jeunesse est troublant de maturité musicale. Il faut faire une petite plongée dans le romantisme finissant pour comprendre «Manon». À cette époque, le Vérisme voit le jour, l’artiste romantique s’empare de faits divers, les transcende et voilà qu’apparaît Carmen, et voici que peut revivre Manon Lescaut. Si Puccini est associé à ce mouvement, c’est parce qu’il aime à reproduire le «vrai» dans ses opéras. Sa «Manon» arrive très peu de temps après la version de Massenet, créé en 1884 et qui connaît un succès immédiat en France, correspondant aux goûts musicaux délicats voire légèrement sucrés de l’époque. Jouée pour la première fois en 1893, «Manon» est le véritable point de départ de la carrière lyrique de Puccini. Presque comme s’il devait s’excuser d’écrire juste après Massenet, le compositeur défend ainsi son choix : «Manon est une héroïne en laquelle je crois et par conséquent, elle ne peut manquer de gagner le cœur du public. Pourquoi n’y aurait-il pas deux opéras sur elle ? Une femme comme Manon a bien le droit d’avoir plus qu’un amant». Sans compromis
Comme Massenet, Puccini trouve son inspiration dans le roman quasi autobiographique du sulfureux Abbé Prévost qui, en 1753, écrit «L’Histoire du chevalier des Grieux et de Manon Lescaut». Si l’œuvre de l’Abbé Prévost est tombée aux oubliettes, l’histoire de Manon n’a cessé d’inspirer écrivains et compositeurs. Cette œuvre sur la passion et le désespoir, qui peint la trajectoire d’une jeune femme déchirée entre son amour du luxe et son amour tout court, questionne les ambiguïtés de chacun et exalte les amateurs d’art lyrique. Cette jeune femme promise au couvent, enlevée par le jeune et beau Des Grieux, revenue sous des cieux plus bing-bling chez son vieux prétendant Géronte de Ravoir puis amoureuse à nouveau de Des Grieux est l’archétype même de la femme frivole mais pas que…Quant au texte, il frôle parfois le ridicule : «ô belle, quel sort vous poursuit ? Mon sort s’appelle volonté paternelle». Manon sera exilée pour avoir trahi Géronte de Ravoir, son jeune amant la suit vers la Nouvelle-Orléans, mais il est trop tard…Manon meurt dans ses bras. Pour écrire le livret, Puccini a refusé tout compromis et pas moins de cinq librettistes se sont succédés. Il était essentiel pour lui de se démarquer de la «Manon» de Massenet ; il n’hésitait d’ailleurs pas à moquer poliment le compositeur français : «Massenet ressent l’histoire comme un Français, avec de la poudre et des menuets». Version canal historique
La version de "Manon Lescaut", actuellement à l’opéra de Lyon, démontre s’il le fallait la nécessité de conserver au répertoire une œuvre aussi essentielle. Le metteur en scène Lluis Pasqual a choisi de transposer l’action dans les années 40-50 : «dans une époque qui puisse encore faire partie de notre imaginaire collectif». Pasqual pose des tableaux efficaces, parfois un brin convenus – le train, la gare comme métaphore du voyage – mais il faut lui reconnaître un beau deuxième acte, lumineux et tendu où la direction des solistes comme des danseurs et des chœurs prend l’œuvre à bras le corps et renverse littéralement le public. Dans le rôle de Des Grieux, Misha Didyk est hélas souvent tenté par l’emphase, il pousse ses aigus, il hurle son désarroi plus qu’il ne le chante. Didyk se rattrape malgré tout par un jeu de qualité et une volonté d’en découdre jusqu’au bout. De cette distribution assez inégale, se détache Svetla Vassileva, Manon hypnotique. Véritable joyau de cette soirée, la soprano bulgare enchante le public par sa puissance vocale, son timbre chaud et son jeu d’une grande expressivité. Benjamin Bernheim pose un Edmond au timbre clair, il traverse l’œuvre avec intelligence scénique et offre des phrasées à faire pâlir de jalousie plus d’un ténor. La complicité entre Kazushi Ono et l’orchestre est évidente, le chef dirige avec élégance et clarté, la partition se révèle sous les oreilles d’un public ébahi.Manon Lescaut de Puccini
Direction : Kazushi Ono
Mise en scène : Lluis Pasqual
À l’Opéra de Lyon jusqu’au 3 février.

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