Selar et la manière

Portrait / Sébastien Goguey, leader du groupe Selar. À coups de disques impeccables et autoproduits, ce Marseillais d’origine s’est imposé depuis dix ans comme une figure discrète mais incontournable de la scène rock lyonnaise. Sans autre ambition que celle de jouer. Stéphane Duchêne

L’histoire du rock est pleine de ces talents sous-côtés que le succès ignore gaillardement. Selar, projet musical porté depuis près d’une décennie par Sébastien Goguey, est de ceux-là. Dans un monde idéal et juste, Selar serait un groupe reconnu dont on louerait la capacité à écrire des mélodies au kilomètre et dont les concurrents envieraient la coolitude et le détachement laid-back. Certains, dans ces pages, ont poussé le bouchon jusqu’à faire de Selar un Lou Reed lyonnais quand d’autres y voient un prolongement local du mythique groupe Pavement ou des œuvres de bric et de broc du pape de la lo-fi Lou Barlow. Si on ne saura jamais vraiment expliquer pourquoi Selar n’a pas exactement rencontré le succès qu’il mérite, la réponse est sans doute à chercher dans le fait qu’il n’a peut-être jamais vraiment couru après.

Son leader, ingénieur pour un laboratoire de recherche en mécanique des fluides dans le civil, semble s’en accommoder avec un certain flegme : «À une époque avec Scalde (autre figure lyonnaise avec qui il a beaucoup joué et dont il fut le bassiste, NdlR), on s’était lancé dans la voie de la professionnalisation, on multipliait les concerts et les projets. Mais la précarité que cela implique est bien plus pesante que le fait de travailler à côté. Je me sens plus libre comme ça même si ça ne veut pas dire qu’on est des musiciens du dimanche : il y a une vraie implication de… tous les soirs. Des artistes comme Lou Barlow ou Daniel Johnston ne se sont jamais souciés d’autre chose que d’écrire des chansons. Ce qui importe, c’est l’œuvre que tu construis».

Émulation

Pour autant, après quatre albums autoproduits, le groupe n’aurait rien contre une signature sur un label. Moins par ambition que par souci d’ouverture : «Comme on fait tout nous-même, on aimerait parfois travailler dans un cadre plus large, enregistrer avec de vrais ingénieurs du son, pour éviter de tourner en rond, avoir un avis extérieur. Et puis un label serait un plus pour la distribution des albums, qu’on est obligés de vendre nous-mêmes». Resté dans un esprit assez old school, Sébastien rechigne pourtant un peu à inonder internet toutes les cinq minutes avec ses exploits pour créer le buzz en chassant le clic, ce passage obligé vers la notoriété : «J’avoue que ce n’est pas trop dans ma nature. Même si là on a décidé de proposer les deux derniers albums en téléchargement, plus les deux premiers en libre accès. On a également réalisé un clip d’un des titres de l’album, visible sur le net. Ça a été une bonne expérience, à renouveler. Mais c’est surtout une manière d’avancer, de faire d’autres choses».

Une envie que Sébastien attribue à l’émulation qui jaillit du collectif, lui qu’on a souvent confondu avec son groupe, baptisé Selar au hasard d’un doigt posé sur une page de dictionnaire : «Malheureusement, pour les gens, Selar c’est moi, alors qu’il s’agit d’un vrai groupe, qui n’a quasiment pas bougé depuis cinq ans. C’est vrai que ce projet, je l’ai un peu démarré seul, avec des amis qui venaient m’épauler en concert ou sur disque mais qui n’étaient pas vraiment impliqués. À mon arrivée à Lyon il y a dix ans, j’ai beaucoup composé seul mais je ne voulais pas être un artiste solo et j’ai vite essayé de constituer un groupe autour de moi, avec des personnes qui s’intègrent pleinement au projet».

Instinct


Cet inconditionnel de l’OM, qui, très jeune, a arrêté le tennis parce qu’il ne supportait pas la pression de l’effort individuel, lui préférant les élans collectifs du foot, reconnaît que cette notion de groupe lui est précieuse : «J’apporte les idées de base, mais on structure vraiment les morceaux ensemble. Il y a beaucoup d’avantages à être en groupe. Seul, tu t’enfermes et tu ne progresses pas. Avec le groupe, je fais des choses que je n’aurais jamais faites seul». Notamment, chose impossible en solo, se diriger toujours un peu plus vers des territoires rock à l’image de références comme Pavement ou Sebadoh, rois de l’alternance entre embardées débraillées et ballades plus ouvragées.

Deux choses pour lesquelles Selar n’est pas maladroit non plus, tissant, autour de motifs toujours un peu similaires et un son bien à lui, des bijoux de morceaux dont il est souvent difficile de se défaire. Une formule revendiquée comme instinctive par son leader qui ne peut écouter de musique trop longtemps sans se précipiter sur sa guitare pour jouer : «Ce qu’on fait, on le fait inconsciemment, sans y penser. J’espère qu’on a un peu dépassé nos influences mais je n’ai aucune idée de ce à quoi notre musique peut ressembler. D’ailleurs, j’aime assez cette idée». Une conception de la musique : jouez, jouez, il en restera toujours quelque chose.

 

Selar + Beluga’s Hearing + Benjamin Fincher
Au Nakamal (ex-Double Six), vendredi 19 février.

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