Songs of a Beach

Légèrement moins enjouée que son oncle Michel, Victoria Legrand pratique avec son compagnon Alex Scally au sein de Beach House une dream pop de plus en plus lumineuse au fil des albums. Le dernier en date, "Bloom", milite pour des printemps en douceur et vient fleurir la scène de l'Epicerie Moderne. Stéphane Duchêne

L'espèce humaine est répartie en deux catégories : ceux qui pensent que Michel Legrand est un génie (le musicien a quand même raflé trois oscars) et ceux qui ne comprennent pas les premiers et trouvent – exemple non contractuel – la dernière scène de L'Amour dure Trois Ans, où apparaît le musicien fétiche de Jacques Demy, extrêmement gênante pour ne pas dire pénible. Si l'on appartient à la deuxième catégorie, on pourra toujours tenter de rejoindre la première en se penchant sur le cas de la nièce, Victoria, moitié du duo franco-américain Beach House. Seul point commun : le port du parapluie qui ici n'est pas de Cherbourg mais de Baltimore, l'une des villes les plus ennuyeuses des des USA (voir les films de John Waters). Sur les disques de Beach House, désormais au nombre de quatre, l'ambiance est pluvieuse, traînante et éthérée. Dans le jargon, on appelle cela de la "dream pop", ce genre de musique qui, de la lynchienne Julee Cruise aux Cocteau Twins, vous laisse dans un état quelque peu second voire tertiaire, coincé entre deux dimensions ou deux états de conscience.

Guronsan

Il ne s'agit donc pas pour Beach House de composer des chansons aux formats classiques, mais de laisser planer une atmosphère réverbérée où le chant, hypnotique, vous saisit d'une douce transe dont il est difficile de sortir (parfois un Guronsan est nécessaire). Il n'est pas toujours facile, même en se laissant aller de suivre sur la longueur ce genre de dogme sans porter atteinte à son intégrité psychique, ou tourner en rond sur soi-même, et Beach House aurait – on dit bien «aurait» – pu devenir ce genre de groupe chiant s'interdisant à ce point de rentrer dans un moule qu'il finit par créer le sien : indestructible et impénétrable forteresse qui privilégie l'autisme à l'auditeur. Mais d'album en album, le duo évolue, et le dernier en date Bloom, indique bien, à l'image de son titre, l'éclosion qui va de pair avec l'ouverture, une métamorphose telle que les opère lentement la nature. Les mélodies y sont plus élaborées – la preuve étant que l'on se surprend à en fredonner quelques-unes (le très beau Other People par exemple) –, les voix moins monocordes, les arrangements moins luthériens. Bref, on assiste quasiment en direct à l'épanouissement d'un groupe à qui un avenir lumineux appartient et qui sur scène devrait sans problème nous faire voir quelques étoiles.

Beach House
À l'Epicerie Moderne
Mercredi 6 juin
 

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