Slatkin trouve l'ouverture

Le nouveau directeur musical de l’Orchestre national de Lyon, Leonard Slatkin, a mijoté une saison qui tranche avec le passé. Pour l’ouverture, il a pris le pari audacieux de faire sonner le Requiem de Berlioz. Œuvre d’une puissance exceptionnelle et d’une religiosité toute singulière. Pascale Clavel

On ne l’attendait pas là ce Requiem. Peut-être pouvions-nous l’imaginer quelque part dans la saison, entre une œuvre symphonique et un concerto pour piano... Mais c’est peut-être cela le style Slatkin : un langage direct, un geste musical vigoureux et subtil à la fois. On connait son amour pour la musique américaine contemporaine, son penchant pour la musique française du début du XXe siècle. Nous ne connaissions pas encore le chef d’orchestre amoureux d’oratorio, prenant à bras le corps l’un des monuments de la musique religieuse d’une époque romantique en pleine révolution orchestrale. Slatkin et Berlioz réunis, c’est 350 musiciens sur scène, une masse orchestrale imposante, une fanfare de cuivres et des choristes comme s’il en pleuvait : le Chœur de Lyon-Bernard Tétu, un ensemble de Washington, un chœur de Londres. Que connaissent les mélomanes de Berlioz ? Son extravagante chevelure, son tempérament volcanique, sa Symphonie fantastique, son Traité d’harmonie, mais son Requiem, beaucoup moins. En pleine époque romantique, là où les sentiments les plus exacerbés s’expriment, Berlioz apparait comme LE compositeur providentiel même si certains de ses contemporains se moquent ouvertement de lui. Les critiques vont bon train, ainsi Rossini : «Quelle chance que ce garçon ne sache pas la musique, car il en ferait de bien mauvaise…»

Stupeur et tremblement

Berlioz a toujours été fasciné par les possibilités dramatiques du texte du Requiem, pendant un temps, il a même pensé à en faire un opéra. Aussi, lorsqu’il reçut la commande d’une grande messe des morts à la mémoire des victimes de la Révolution de 1830, il se sentit pousser des ailes.

Berlioz a bousculé les codes, n’a pas hésité à réécrire certains passages du texte, à en couper d’autres comme dans le Rex tremendae où le chœur pétrifié par la peur ne chante pas les derniers mots. La masse orchestrale choisie par Berlioz vient de sa volonté de remplir l’église des Invalides, son soucis d’acoustique passant bien avant ses préoccupations religieuses. Alternance de grands moments dramatiques et de passages doux et recueillis, cette œuvre reste pour le moins atypique. Chaque mouvement faisant appel aux cuivres et aux timbales est suivi d’un mouvement contemplatif. Le tumulte s’éteint et fait place à la prière, puis le tumulte revient. Des vagues incessantes où émergent beauté et drame, joie et tristesse, toute l’humanité concentrée.


Requiem de Berlioz
À l'Auditorium de Lyon
Mardi 4 et mercredi 5 septembre

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