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Face 2 Boucle
Par Stéphanie Lopez
Publié Vendredi 31 août 2012 - 3467 lectures
Début des années 2000 : Spitzer commence à s’intéresser au mélange électro-rock grâce à l’album de Radiohead «Kid A». Septembre 2012 : Spitzer sort son premier album, «The Call», qui brille entre autres par la présence de la chanteuse Kid A. Serait-ce ce qui s’appelle boucler la boucle ? Stéphanie Lopez
Le parcours de Spitzer est pétri d’ironie : ils sortent cette semaine un fantastique album d’électro alors qu’ils ont longtemps craché sur les BPM, ils gardent une culture punk mais ont explosé grâce à un remix pour Kylie Minogue, ils vivent à Lyon mais ont rencontré Agoria – qui les a signés sur son label InFiné – à Shanghai ! Autant de paradoxes qui, au fil des années, ont façonné la singularité du son Spitzer : un son qui porte haut cette double culture rock/électro. Car avant de mûrir cette techno serpentine aux claviers contorsionnistes, l’univers des deux frères n’était pas aussi souple. Tout en mode binaire, Damien et Matthieu ont d’abord honoré l’héritage rock’n’roll de leur père (grand mélomane et batteur amateur) en consacrant leurs années teenage au groupe Larsen : l’un à la guitare et l’autre à la batterie. Le groupe splitte mais les frangins sont bien décidés à continuer la musique. Ils investissent alors dans le matériel nécessaire pour transformer en home studio leur appart de la Guillotière. Problème : «À cette époque, confie Damien, non seulement on ne connaissait rien à l’électro, mais en plus on dénigrait les gars qui en faisaient. À nos yeux ce n’était pas de vrais musiciens». Ils changeront d’avis en découvrant Aphex Twin, puis en faisant leur baptême de BPM lors de la troisième édition de Nuits Sonores. Trentemoller, James Holden et le son Warp trouvent grâce à leurs oreilles, ils deviendront même des influences substantielles dès leur premier maxi, Roller Coaster.
OK computer
Pourtant, et toujours très ironiquement, Spitzer n’a encore sorti aucun disque lorsque leur nom explose littéralement grâce au remix d’In My Arms, un single estampillé… Kylie Minogue. Quelques tracks qui traînent sur leur Myspace, la bonne oreille qui les repère, et tout s’enchaîne, vite et fort : gros buzz sur la blogosphère, tournée internationale et bon vent dans les voiles. À ce titre, les Spitzer sont déjà représentatifs d’un phénomène sociologique ; ils sont même la preuve vivante qu’un jeune groupe peut désormais se tailler une sérieuse renommée sans avoir sorti un seul disque. Ce qui, bien sûr, n’empêche en rien l’envie d’en faire un. «Sortir un vrai disque sur un vrai label, c’était notre rêve de gosse, poursuit Damien. Il nous a fallu du temps pour trouver notre son et notre identité – ça nous a déjà bien pris quatre ans pour apprendre à maîtriser les machines et leurs subtilités, mais aujourd’hui je pense qu’on est arrivé au point d’équilibre entre notre passé rock et ce travail léché qu’on fait sur la production». C’est d’ailleurs l’assimilation parfaite de cette double culture qui donne à The Call son énergie unique, où le spectre du rock transpire, grince et gicle toujours à grosses gouttes derrière la mécanique lourde des synthés et la minutie des boucles.
Ghost in the shell
La présence du chanteur de Frustration en atteste par ailleurs sur Clunker : les deux frères sont restés des punks qui font de l’électro. Des gars qui écoutent toujours Guns’n’Roses, Radiohead et Led Zeppelin, et qui parviennent pourtant à produire le même genre d’hypnose que Richie Hawtin. Pour tout dire, il y avait longtemps qu’on n’avait pas entendu un album électro qui distille autant d’émotions : le genre de disque qui vous pose une ambiance étrange et pénétrante de la chambre au salon. Il y a des nappes Lynchiennes sur Vor, un clin d’œil à Lars Von Trier sur le sublime Breaking The Waves – autant d’images et de références qui laissent poindre le troisième versant de Spitzer : des cinéphiles capables de projeter un monde sur le dancefloor. D’ailleurs le nom du duo n’est autre que celui du cocktail préféré d’Al Pacino dans Donnie Brasco. «Encore un héritage de notre père, souligne Damien. Il a la plus grosse collection de DVD que j’ai jamais vue, c’est lui qui a fait notre culture cinématographique, tous styles confondus». Pas étonnant dès lors que les frangins rêvent de faire une B.O marquante «comme l’a été celle de Star Wars ou du Seigneur des Anneaux». Même si leur goût pour les chevauchées fantastiques transpire déjà dans leur musique, cela ne les empêche pas de garder les pieds sur terre… et même de conserver un job alimentaire (Matthieu bosse en intérim et Damien est gardien au Musée des beaux arts). La vie de rock stars, bof, ils laissent ça à Kylie. Pourvu que The Call retentisse jusqu’en Australie.
SPITZER, REPÈRES
1982 : Naissance de Matthieu à Dakar
1984 : Naissance de Damien à Clermond-Ferrand
1996 : Arrivée à Lyon et création de Larsen
2003 : Naissance de Spitzer
2008 : Remix pour Kylie Minogue
2008 : Spitzer explose sur scène (Nuits Sonores, Webster Hall à New York…)
2010 : Sortie de leur premier maxi Roller Coaster
2012 : Sortie de leur premier album, The Call
Spitzer
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