Pinback

Information Retrieved (Temporary Residence)

Tel un séquoia trônant fièrement au cœur du Parc Yosemite, il faudrait une sacrée tempête pour déraciner Pinback. Ou même ne serait-ce que le faire bouger d'un iota. Campé sur ses positions, et sa conception toute personnelle du rock indépendant, depuis qu'il a poussé des pattes aux poissons, Rob Crow et Armistead Burwell Smith IV (un nom que tout le monde aimerait porter) n'ont visiblement pas l'intention d'en changer. A la place, ils creusent et creusent encore le même sillon, érosion artificielle semblable, pour filer la métaphore, à ces séquoias que l'on peut traverser en voiture, comme on passe un portail.

 

Ce n'est pas le tout récent Information Retrieved, évidemment très attendu par les fans de ce groupe culte (et pour cause c'est son cinquième album en quatorze ans, qui va nous faire prétendre le contraire : rythmiques cassées, guitares scintillant dans un épais brouillard, voix traînantes et javellisées, comme égarées, il n'y a rien de nouveau sous le soleil, enfin la brume de Pinback – dont on se demande comment il peut être originaire de San Diego en composant une telle musique, ou plutôt l'inverse. Ecouter Information Retrieved quand on connaît par coeur les précédents disques du groupe c'est un peu comme visiter New-York quand on a passé sa vie à voir cette ville à la télé et au cinéma : on a l'impression d'y avoir toujours habité, chaque recoin nous en est familier. On voudrait s'y perdre qu'on ne pourrait pas mais on l'arpent quand même sans fin.

 

Stéréocils

Et c'est là, paradoxalement, que réside le plaisir de retrouver Pinback sur disque, cinq ans après Autumn of the Seraphs. On se plaît à vivre aux rythmes de leurs soudains ralentissements pour mieux sprinter derrière eux quand ils accélèrent (His Phase), à faire des pauses éther comme sur Diminished, pour reprendre son souffle ou le perdre définitivement. Mais aussi à être encore surpris – alors qu'on ne devrait pas – de la capacité du groupe à faire jaillir, au milieu d'une relative uniformité, quelques mirages dont on gardera longtemps une trace sur la rétine – si du moins les oreilles avaient une rétine, mais c'est un autre débat, alors disons sur les stéréocils, ces filaments vibratiles qui tapissent notre oreille interne – tels Sherman, True North ou A Request.

 

Comme souvent avec Pinback, plus on se plonge dans Information Retrieved, moins on a de chance de vouloir en sortir. Son écoute s'impose petit à petit comme un fleuve dépose ses sédiments avec patience et longueur de temps, transformant le paysage sans avoir l'air d'y toucher – à l'image du titre éponyme, Sediment donc, qui clôt l'album, sublime ballade qui prend le temps de laisser l'eau couler sous les ponts et fige le nôtre, de temps. C'est sans doute ce qui rend ce groupe si unique et si précieux. Si rassurant quant à ces choses dont on sait qu'en dépit du fracas du monde, elles demeureront inchangées sans rien perdre de leur pouvoir de sidération et de leur puissance tranquille.

 

Stéphane Duchêne

 

pour aller plus loin

vous serez sans doute intéressé par...

Jeudi 10 novembre 2011 Venu d'un temps révolu mais qui nous hante toujours, le duo californien Pinback s'apprête à transformer la scène de l'Épicerie Moderne en forteresse imprenable. Avec pour seule arme une pop empoisonnée, obsédante et immortelle. Stéphane Duchêne.
Lundi 12 septembre 2011 Pinback n'est pas un groupe de rock. Pinback est un duo de tisseurs ayant troqué la soie contre la voix, le métier contre un rack de pédales et le (...)

Suivez la guide !

Clubbing, expos, cinéma, humour, théâtre, danse, littérature, fripes, famille… abonne toi pour recevoir une fois par semaine les conseils sorties de la rédac’ !

En poursuivant votre navigation, vous acceptez le dépôt de cookies destinés au fonctionnement du site internet. Plus d'informations sur notre politique de confidentialité. X