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Ceci n'est pas un bluesman

Don Cavalli + Bikini Guns

Marché Gare

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Nourri aux incunables américains et remarqué en 2007 avec le très roots "Cryland", le Parisien Don Cavalli n’a de cesse de vouloir se débarrasser d’une étiquette de «bluesman français» qui lui colle à la peau comme le sparadrap au doigt du Capitaine Haddock. Avec l'ovniesque "Temperamental", qui convoque soul, funk, hip-hop, reggae, psychédélisme et même chinoiseries, il y parvient largement. Stéphane Duchêne

Tu répètes un peu partout que tu ne te considères pas comme un bluesman, ce qui paraît pour le moins étrange à l'écoute de tes disques. Est-ce que pour toi les bluesmen originels sont une caste sacrée que tu aurais peur de profaner ?

Don Cavalli : Comme toute la musique noire – la soul, le reggae, le funk – le blues m’influence énormément. Mais pour moi, cette musique c’est justement d’abord celle des Noirs du Sud des Etats-Unis. Moi je ne suis qu’un petit blanc de Paris et je ne peux pas prétendre être un bluesman. Ce serait un peu déplacé et prétentieux de ma part. Et puis Robert Johnson, Skip James, John Lee Hooker, c’est aussi la musique d’une époque. Or cette époque est révolue.

 

Comment le petit blanc de Paris et même du 94 est entré en collision avec cette musique noire justement ?

Ca m’a pris assez jeune en écoutant Elvis, Ray Charles, Little Richard. J’étais enfant, ou disons préado, et cette musique m’a bouleversé. Elle me rendait fou. Ca m’a donné envie de prendre une guitare mais jamais avec l’idée d'égaler ces types ou même de m’en approcher. Je me sens en connexion avec des mecs comme John Lee Hooker ou Jerry Lee Lewis mais je ne veux surtout pas les copier. Pour moi ils sont intouchables. J’ai juste envie de faire un peu de "rock’n’roll", comme on dit (rires).

 

Avant Cryland, en 2007, tu n’étais pas ou peu connu. Ce disque a d'ailleurs été souvent présenté comme ton premier album alors que tu étais dans la musique depuis très longtemps.

Oui, j’ai fait pas mal de disques avant Cryland – des disques qui partaient directement à l'étranger. J’ai commencé assez tôt à tourner dans l'underground rock’n'roll, rockabilly, garage… Chez les rockeurs quoi (rires). Mais, en fait, je ne me suis jamais senti appartenir à un milieu. Je n’ai jamais voulu être catalogué. Après, avec Cryland justement, sur lequel j’ai travaillé avec Vincent Talpaert [entre autre producteur et batteur de Moriarty et également aux manettes de Temperamental], j’ai eu la chance d’avoir un label qui m’a fait un peu sortir de cet univers là…

 

Bizarrement, Cryland n’a été remarqué en France que parce qu’il est d’abord sorti aux Etats-Unis, où il a été très bien accueilli…

Oui, malheureusement en France, les gens, si tu ne leur dis pas qu’un truc est bien, ils ne le savent pas. Le fait d’avoir un disque qui sort aux Etats-Unis, d’être reconnu par des magazines anglais et américains [Cryland a figuré aux 12e et 13e place des bilans de l’année 2007 des magazines anglais Mojo et Uncut, NdlR] a permis que des Français s’y intéressent. Au début, le disque avait été proposé à des gens qui n’y ont même pas fait attention et dès qu'il est sorti aux Etats-Unis, ils sont revenus me voir (rires).

 

Sur Temperamental, il y a des beats hip-hop, de la soul, du gospel, du reggae, tout ça avec quand même, derrière, une patte Don Cavalli très reconnaissable. Est-ce que c’est cette déférence un peu précautionneuse envers le blues dont on parlait, cette volonté de ne pas en faire tout à fait, qui te conduit justement à injecter dans ta musique ces éléments hétéroclites très éloignés de l’"orthodoxie blues".

Il y a de ça mais pas seulement. En fait quand j’ai fait Cryland, beaucoup de critiques me présentaient comme le «bluesman français» et ça me saoulait un peu. J’ai donc essayé de faire un truc moins blues sur Temperamental. Je me suis un peu cassé la tête pour que les gens arrêtent de dire que je fais du blues et… malheureusement, ils le disent toujours un peu (rires). En même temps, j’ai l’impression de faire toujours la même musique qu’à mes débuts, que ce soit un peu plus rockabilly, un peu plus blues, un peu plus soul, je m’y reconnais à chaque fois. J’ai juste envie de me marrer en faisant ça à l’instinct, que ce soit avec un truc purement 50’s ou un beat hip hop.

 



 

Quand ils t’entendent faire du hip hop, tes amis de l’underground rock doivent halluciner, non ?

Déjà quand j’ai sorti Cryland les mecs n’ont pas trop compris. Pour eux, c’était limite funky (rires). Bon, les puristes, ça me saoule un peu et je n’ai rien à prouver à personne. Dire : «le rock après 1959, c’est mort», ça va cinq minutes. Il n’y a pas que les références. Moi les références je m’en fous. La musique, elle est infinie, il faut saisir les notes qui sont dans l’air.

 

Une des particularités de ton album, c’est l’utilisation de boîtes à rythmes, ce qui est assez rare quand on pratique ton genre de musique et en même temps donne un ton et un son très singuliers au disque… Comment as-tu décidé d’exploiter cet outil pour enrichir ta musique tout en lui restant fidèle ?

C’est simplement un pote qui m’a donné un jour une boîte à rythmes pour faire des démos. L’avantage c’est qu’avec tu peux faire facilement une rythmique rockab’, une rythmique blues, ce que tu veux. Ca m’amuse beaucoup de jouer à ça avec mes chansons et je n’ai pas de règle en la matière : tu peux très bien faire un disque de puriste avec une boîte à rythmes. Je suis sûr que si Robert Johnson avait eu une boîte à rythmes, il aurait fait son truc avec.

 

L’autre particularité du disque c’est le mélange que tu fais entre musique américaine et sonorités asiatiques. Et ce duo assez improbable avec une chanteuse chinoise...

J’ai toujours aimé la musique chinoise et asiatique. Je n’y connais rien mais que ce soit la musique traditionnelle ou les trucs bien kitsch que tu entends dans les resto chinois, ça me fait triper, je ne sais pas pourquoi. Sur Temperamental, je voulais absolument faire un morceau avec une chanteuse chinoise. Et j’ai pas mal galéré pour en trouver une.

 

Il paraît même que tu as fait le tour des resto chinois du 13e arrondissement à Paris…

Oui, mais ça n’a rien donné parce que les filles n’étaient jamais là. A un moment, je me suis même tourné vers une chanteuse indienne mais elle m’a pris la tête et ça ne l’a pas fait. Et puis j’ai fini par trouver Xiao Li Zhan et au final c’est super.

 

 

On se rend compte en écoutant ton disque et la manière dont ces sonorités de l’Ouest et de l’Extrême-Orient résonnent entre elles que l’esprit de ces musiques est en réalité assez proche…

Exactement. De ma position de non-spécialiste et d’occidental, quand j’entends de la musique chinoise traditionnelle, ces filles qui chantent avec des voix super aiguës, ça me fait immédiatement penser à de la musique bluegrass. J’y trouve la même sincérité, le même romantisme. C’est une musique qui m’inspire beaucoup mais il est probable qu’un puriste de la musique chinoise ne l’entende pas du tout comme ça et n’y voit aucun rapport.

 

Tu fais partie de ces musiciens qui ont fait le choix de ne pas se professionnaliser. Tu as notamment longtemps été jardinier. C’est par souci de garder une forme de liberté, de préserver ce côté fun de la musique auquel tu sembles beaucoup tenir ?

En fait, cette année, avec Temperamental, j’ai pris une année sabbatique pour essayer de me professionnaliser. En fin de compte, je m’aperçois que ça ne me fait pas plus avancer. Mon label américain a sorti mon disque au mois d’août, ils sont motivés mais ça ne ramène pas non plus des tonnes de concerts. Bon voilà, mon disque est sorti aux States, c’est super, mais pour moi ce n’est pas non plus un aboutissement. La musique c’est précieux, ça n’a rien à voir avec le fait de gagner sa vie et d’être connu.

 

Don Cavalli + Bikini Guns
Au Marché Gare, jeudi 10 octobre

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