Le rock dans la peau

Hystery Call

Marché Gare

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Petite institution lyonnaise du psychobilly, Hystery Call fête ses vingt ans d'activité au Marché Gare. Retour avec Mathias Bugo, contrebassiste/chanteur du groupe et fondateur du studio de tatouage Artribal, sur une carrière aux airs d'initiation bouddhique. Benjamin Mialot

«On a essayé de faire les choses avec sérieux mais sans se prendre au sérieux. Et si c'était à refaire, on le referait en pire». Entouré des immenses transferts de dragons japonais, navires pirates et autres crânes à tentacules qui ont fait de lui l'un des tatoueurs les plus respectés du monde, Mathias Bugo affiche la sagesse effrontée de ceux qui ont vu l'enfer de près et su garder leur distance à la première odeur de poil roussi. La longévité, en l'occurrence celle de Hystery Call, le groupe dont il est le porte-rugisssements, est à ce prix : s'il reste, vingt ans après ses débuts, un modèle d'intégrité rock'n'roll, c'est justement parce qu'il a su raison garder, préférant s'attarder sur le chemin plutôt que de courir vers une hypothétique reconnaissance commerciale. Ou, pour reprendre une des nombreuses métaphores fleuries qui scandent les souvenirs du fondateur d'Artribal, tattoo parlor si dédaléen que l'encre semble y suinter des murs tel le miel des parois d'une ruche : préférant, au cours des nombreuses dégustations de whisky-coke autour desquelles s'est dessinée la trajectoire du trio, resserrer les liens amicaux plutôt que de compter les cadavres de bouteilles.

Dans les marges

Né dans le sud de la Bourgogne, Mathias Bugo débarque à Lyon à l'adolescence. C'est à cette époque où le temps n'est pas encore un luxe et où les marges font figure de terres promises qu'il fait la connaissance d'Alex, "Ms A" pour les intimes de Hystery Call, dont elle deviendra la guitariste, une fois transmis à son camarade – et futur père de sa fille – le virus du psychobilly. Bugo reçoit comme un appel cet écho difforme du premier choc musical que fut pour lui l'écoute, à l'âge de quatre ans, de Chuck Berry. L'imagerie gore et sexy (et leurs déclinaisons corporelles), inspirée des affiches de la Hammer et des dirty comics de l'entre-deux-guerres, les fringues rétro-punk, les slaps de contrebasse qui vous font les mains plus rêches que l'écorce : Bugo s'approprie tous les codes de cette version dégénérée du très propret rockabilly, préfigurée par les Cramps à la fin des années 70. Jusqu'à faire l'acquisition de l'instrument en 1991. Le premier concert de Hystery Call, rejoint à la batterie par G-Rom (qui exerce lui aussi chez Artribal), se tiendra trois ans plus tard au Gibus à Paris, en première partie des Necromantix, les références danoises du genre. Mathias Bugo a alors vingt-et-un ans et la certitude, validée plus tard par sa responsabilité paternelle, que la musique restera pour lui une passion, pas un sacerdoce. Ce qui ne l'empêchera de vivre son lot d'épisodes rocambolesques. Après quelques démos cassettes bricolées avec les moyens du bord («Le premier logo a été fait avec une casserole, parce que je n'avais même pas de compas»), Hystery Call signe au Japon, place forte du psychobilly s'il en est, pour un album... qui disparaitra mystérieusement, suivi par le chanteur venu entre temps grossir les rangs du groupe. Simple choriste, Bugo reprend le micro : «Ça s'est fait naturellement, j'avais juste à faire "Bwaaaah" plus longtemps».

L'enfance de l'hard

Le premier disque sera finalement un quatre titres, In Between,  qui sort en 1998 : «On l'a appelé comme ça parce que bien qu'à fond dans le psycho, on ne voulait pas se limiter à trois accords, même si on n'avait à l'époque pas les moyens d'en ajouter beaucoup plus. Le risque, à force de vouloir se marginaliser, c'était de s'enfermer dans une autre case. On voulait faire quelque chose de plus personnel». Ce souci permanent de ne pas être aux normes, furent-elles country, heavy ou garage, qui fait sonner la famille Bugo un coup comme les Supersuckers (pour lesquels elle a récemment ouvert), un coup comme le Reverend Horton Heat, un autre comme un Tom Waits qui aurait ménagé sa monture vocale, chevillera tout le reste de sa discographie, de l'improbable et festif Mi Vida Loca, enregistré en 2000 avec une section de cuivres («on voulait un truc à mi-chemin de Glenn Miller et Mötorhead») aux très musclés – puisque augmentés d'une guitare – Rock-O-Matic Zone (2006) et Norsorrowland (2008). En parallèle, Hystery Call ne ménage pas ses efforts scéniques et se produit notamment à quelques reprises au défunt Big Rumble, grand raout britannique du rock à coupe tremplin. Il faudra toutefois attendre la parution, en 2010 et suite à un retour à la formule power trio, de Nothing's Like Home pour qu'il s'engage dans une vraie tournée structurée, pour cause de fidélité à son éthique : «Quatre concerts sur cinq, on vient sans le merchandising, et la promo n'est pas vraiment notre spécialité [le site du groupe n'est plus à jour depuis 2006, NdlR]. La priorité, c'est le rock'n'roll, on n'a pas le temps pour le reste». Sauf pour Bikini Guns, projet acoustique reposant tout entier sur la complicité du couple Bugo. Sauf pour le surf et le skate. Et, bien sûr, sauf pour le dessin sur peau dans le cas de monsieur, qui commémore parallèlement à ceux d'Hystery Call les vingt ans d'Artribal. L'occasion de mesurer, là aussi, le chemin parcouru : «J'étais persuadé que j'allais être le jeune padawan, qu'on allait me prendre sous son aile... En fait, il a fallu que je me démerde tout seul. C'était un milieu tellement fermé que c'en était n'importe quoi. Et puis ce n'était pas le même monde, il n'y avait pas Internet. Mes apprentis apprennent en six mois ce que j'ai mis six ans à découvrir». Mais aussi les caps qu'il reste à franchir : «Comme pour le rock, la France a quinze ans de retard sur les États-Unis, et au moins cinq sur ses voisins européens. En termes de style et d'authenticité dans la démarche... Ça fait chier quand même, d'avoir l'impression pendant toute sa vie d'être né au mauvais endroit».

Hystery Call
Au Marché Gare, vendredi 10 octobre 

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