Un Homme de choeurs

Classique / Bernard Tétu quitte ses fonctions de directeur artistique au sein de Spirito. Rencontre avec un homme généreux, un bouillonnant tranquille, un musicien très éclairé.

Chef de chœur et chef d’orchestre reconnu à travers le monde, fondateur dans les années 80 des Chœurs de l’Orchestre National de Lyon, Bernard Tétu a révolutionné le chant choral français et a su donner une identité sonore singulière à chacun de ses ensembles. Il peut partir fier et tranquille de Spirito : nous savons qu’il poursuit son chemin de chef et de pédagogue avec ce qui l’anime depuis toujours : la transmission du beau.

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Vous allez donner samedi prochain vos derniers concerts avec Spirito. Dans quel état d’esprit abordez-vous ce moment ?
Bernard Tétu : J’ai pris depuis longtemps l’habitude de vivre à plusieurs vitesses, je suis en ce moment dans la préparation d’autres concerts. Il y a Spirito, mais ma vie de chef se poursuit. Serge Baudo m’invite à diriger l’orchestre de l’Opéra de Toulon en juin. Je continue à être le directeur artistique du Festival Les Voix du Prieuré au Bourget-du-Lac, je dirige cet été le Requiem de Duruflé à Silvanes… mais oui, il faut bien l’avouer, c’est un pincement au cœur de quitter Spirito parce que je dirigerais bien un concert par semaine avec les chanteurs et les instrumentistes que j’aime.

D’où est venue cette envie de créer un chœur à géométrie variable attaché à l’Orchestre National de Lyon ?
En 1979, Serge Baudo m’a demandé de créer un chœur lié à l’ONL. J’ai dit oui tout de suite avec la condition suivante : je ne voulais pas d’un chœur symphonique, je souhaitais créer une structure de qualité avec plusieurs chœurs qui auraient leur rythme, leur autonomie, leur identité propre et lorsqu’il y aurait besoin de symphonique, je réunirai l’ensemble. C’était assez révolutionnaire, mais Baudo m’a fait une confiance absolue. Le Chœur de l’ONL a été le premier de cette envergure en France à cette époque.

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Comment recrutez-vous vos chanteurs ? Plutôt un timbre ou une personnalité ?
J’ai fait deux mille auditions pour la création des Choeurs de l’ONL. De là, j’ai retenu neuf chanteurs pour le chœur de chambre et une trentaine pour le chœur d’oratorio. Mon critère de sélection était simple : je voulais entendre des gens qui avaient plaisir à faire de la musique ensemble. Lorsque j’ai commencé, c’était la suprématie des chœurs anglais, il fallait que rien ne déborde, que rien ne dépasse : pas de vibrato, peu de couleur. Moi, j’étais à contre-courant. Mon rêve était de réunir des personnalités riches qui s’apportent les unes aux autres et mon travail, c’était de faire en sorte que le tout soit cohérent. J’aime entendre un unisson qui ait de la couleur, j’aime qu’il y ait du grain. J’aime encore plus qu’avant les prises de risques dans les nuances, que la générosité d’un Forte soit assumée. Je prends le risque que les choses débordent.

Que diriez-vous de votre gestique ? En quoi transfigure-t-elle les musiciens qui sont sous votre direction ?
Je fais de plus en plus attention aux respirations, aux silences, à tous les moments où l’on ne dirige pas, pour que dans les trous, dans les moments où il n’y a pas de musique, quelque chose se passe. Au début, je ne voulais pas en faire trop et j’étais économe dans mes gestes. Je dirige aujourd’hui plus largement parce que je pense aussi qu’une partie de la direction doit être pour le public, pas seulement pour les musiciens.

Une devise musicale ?
Je m’en suis inventé une il y a peu : en musique, je conjugue les choses au Plus que présent. Il s’agit de ce moment intense où j’ai une disponibilité intellectuelle, affective énorme parce que tout le monde est concentré autour d’une œuvre au même instant.

Une partition de prédilection ?
Celle que je suis en train de travailler ! Mais La Petite Messe solennelle de Rossini comme le Requiem allemand de Brahms, sont des oeuvres que je dirigerais toutes les semaines. Plus je suis dans une œuvre, plus elle me parle.

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