Sa majesté Mavis

Nuit Soul

Théâtres romains de Fourvière

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Nuits de Fourvière / Double dose de légende proposée cette année pour la nocturne soul des Nuits de Fourvière. En plus du grand Don Bryant, l'occasion est trop belle de (re)découvrir Mavis Staples, l'une des grandes voix soul du siècle qui a su traverser en majesté l'Histoire de la pop.

C'est un petit moment volé à la grande Histoire de la musique. Dans le film The Last Waltz, documentaire que Martin Scorsese consacre en 1976 au dernier concert de The Band, compagnon de vagabondage de Bob Dylan. Le cinéaste y filme notamment les cinq desperados canadiens jouant sans doute la plus belle version de l'une des plus belles chansons du monde, The Weight. Et si cette version est aussi sublime c'est parce que la voix de Mavis Staples, véritable confit de suavité, y fait son entrée au bout d'une minute. La jeune femme accompagne The Band avec la formation familiale menée par le patriarche Roebuck "Pops" Staples : les Staple Singers – une famille dont les voix, à commencer par celle de Pops semblent tombées d'un pays où « coulent, selon l'expression biblique, le lait et le miel », et où en remerciement on pratique le gospel avec autant de dévotion que de talent.

Le finale de la chanson donne carrément des frissons quand Mavis la fait décoller en frappant simplement des mains avant de partir dans l'une de ses ondulations harmoniques dont elle a le secret puis de susurrer un « beautiful » qui referme avec douceur un instant de grâce, heureusement gravé à jamais sur pellicule.

Formés en 1953 par Pops et ses rejetons, les Staple Singers voient rapidement exploser en front de scène l'époustouflant timbre de contre-alto de Mavis. Dans le sillage de Pops, les Staple Singers s'engagent pour les droits civiques et Mavis devient à la fois l'amie intime et le porte-voix de Martin Luther King. L'une des antiennes des Staple est alors Why ? (Am I Treated so Bad) qui questionne le traitement subit par neuf jeunes Noirs dans un lycée de l'Arkansas. En 1968, année de l'assassinat de King, le groupe sort coup sur coup trois albums aux titres particulièrement évocateurs What the world needs is love, Pray on et Soul Folk in Action.

Des traditionnels au disco

Pensionnaires de la mythique Stax, les Staple se font une spécialité de reprendre les grands classiques américains, traditionnels ou rock (des protest songs de Bob Dylan à Buffalo Springfield en passant bien plus tard par les Talking Heads), tout en tutoyant les sommets avec des tubes comme I'll take you there et Respect yourself. Avant de s'essayer, comme tout le monde ou presque, au disco. La fin des années 70 voit décliner l'aura de cette formation de légende qui continue pourtant de produire des disques. Entre-temps bien que n'ayant pas un goût prononcé pour les projecteurs ou l'âme d'une diva (en dépit d'un charisme immédiatement foudroyant), Mavis se lance pourtant en solo au lendemain de l'assassinat de MLK, livrant en 1970 le bouleversant Only for the Lonely, dont le morceau d'ouverture I Have Learned to Live Without You exorcise en son refrain (« I have wiped all the tears from my eyes ») cette pochette sublime où de l'œil saisi en gros plan de la chanteuse coule une larme.

Paradoxalement, la chanteuse enchaîne les albums à un rythme de plus en plus soutenu à mesure qu'elle prend de l'âge, sous des houlettes aussi diverses que celles de Curtis Mayfield (A Piece of the Action, 1977), Prince (Time Waits for No One en 1989, The Voice en 1993), Ry Cooder (We'll never turn back, 1997, où elle reprend les hymnes des droits civiques), Jeff Tweedy de Wilco (You Are Not Alone en 2010, One True Vine en 2013 et If All I Was Was Black en 2017), M Ward (Livin' on a High Note, 2016) et cette année Ben Harper (We Get By, 2019). C'est cet album, et sans doute quelques classiques issus d'une œuvre qui a écoulé plus de trente millions de disques, que la dernière grande diva soul vivante présentera au public de Fourvière le 6 juillet. Quatre jours plus tard, la légende aura 80 ans. Et sa voix toujours un goût d'éternité. Comme la soul qu'elle honore depuis pas moins de sept décennies.

Don Bryant & The Bo-Keys + Mavis Staples + J.P. Bimeni & The Black Belts
Au Théâtre Antique de Fourvière le samedi 6 juillet

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