Monsieur P. : la cuisine apaisante de Florent Poulard

Restaurant / L'historique restaurant étoilé de la rue Royale, la Mère Brazier, a un nouveau voisin : Monsieur P. Allez vite lui rendre visite !

C'est l'histoire de Florent Poulard. Qui a commencé la cuisine "sur le tard", comme il dit, à 18 ans (sic), du côté de l'Institut Paul Bocuse. Et qui, après quelques années de joyeux bourlingages, revient à Lyon pour ouvrir son premier restaurant. Il pensait, pourquoi pas, mettre son nom sur cette nouvelle enseigne. Sauf que son patronyme est déposé comme marque, par une usine de biscuits touristiques. Qu’à cela ne tienne, F. a plus d’un tour dans son sac. Il s'invente un patron anonyme : Monsieur P. Qui n’est pas chef, mais voyageur, épicurien et partageur. Poussant la porte du 14 rue Royale on entre donc chez ce bourgeois de fiction, et l'on s'attable dans son bar, sa cuisine, son bureau. Le storytelling n’est, certes, pas poussé hyper loin, mais justifie une déco et une ambiance (des tables rondes vernies, des chaises rembourrées comme chez mamie, du calme) à contre-courant des restos de jeunes chefs à la mode (meublés Ikea, avec ampoules nues arrache-rétine et service sous speed).

Le jeune homme est pourtant bien dans son temps. Sa cuisine ? Une « gastronomie française 2.0 », dit-il. Ou encore, « nature peinture : de beaux produits sans trop de fioritures. » Son projet ? « Amener ici tout ce [qu'il a] pu apprendre en restaurant gastronomique, mais sans en reprendre les codes. » En laissant tomber en somme ce qui peut être lourdingue dans la restauration chic. Le problème de ce genre d'ambitions (les mêmes que celles de la bistronomie 1.0 finalement), c’est qu’il faut en avoir les moyens. C'est-à-dire pas forcément des idées géniales, mais au moins un sacré savoir-faire, et pourquoi pas du talent. De ce qu’on a vu et goûté, on dirait bien que F. n’a pas chômé pendant ses années de formation. Il a connu les cuisines de Savoy (meilleur cuisinier du monde, selon un récent algorithme), de Boulud (un Lyonnais devenu un grand de New York) et puis de Passard (l'empereur parisien du légume). Son passage chez ce dernier oriente encore visiblement ses « gestes » : sa façon de dorloter les végétaux (dans un style d’avant la mode vegan, c'est-à-dire avec du beurre) et son art de rôtir (cf. la dorade, on y vient).

Un midi (le menu change toutes les trois semaines) on a eu l’occasion de goûter une entrée de betterave, taillée et assaisonnée comme un tartare de bœuf. Un bon exemple de classique, chamboulé comme il faut. Ensuite en plat, on s’est délecté d’un filet de dorade, accompagné de légumes d’hiver, cuisinés simplement mais élégamment : les navets et choux-raves blanchis puis roulés dans le beurre, les feuilles d’épinards à peine tombées dans l’huile d’olive. Le poisson, échappant à la mode sans risque de la sous-cuisson, avait été bichonné : grillé entier sur peau, puis (re)posé au chaud, au dessus du fourneau. Le résultat : une chair bien cuite et brûlante ; réconfortant. Le dessert se voulait un poil moins audacieux : une pomme au four débarrassée de sa peau, encore un peu croquante, accompagnée d'une cuillère de crème fraîche et de caramel au beurre salé. L'ensemble formait un bien beau déjeuner, qui invitait d'ailleurs à revenir en soirée, pour un menu apparemment encore plus chiadé.

Côté vins, la sélection est de Jeff Têtedoie (gérant du Café Terroir, et associé de F.). On y a repéré une toujours plaisante Sierra du Sud de Gramenon, un blanc du Languedoc de Christophe Peyrus (proprio de Clos Marie), une superbe Syrah toscane d'Amerighi, entre autres belles choses.

Monsieur P.
14 rue Royale, 1er
Du lundi au vendredi, midi et soir
Menus : 26€ (déjeuner), 38€ et 48€

à lire aussi

derniers articles publiés sur le Petit Bulletin dans la rubrique Guide Urbain...

Mercredi 5 octobre 2022 La hype de la cave-bondée-comedy-club a enfin gagné Lyon. La recette ? Un bar, un resto, ou n’importe quel lieu culturel, une cave mal éclairée (une pièce (...)
Lundi 5 septembre 2022 Agir contre l’exclusion des personnes en grande précarité, c’est la raison d’être de l’association La Cloche. En mettant l’humain au centre de tout considération, elle déploie ses actions dans toute la France et notamment à Lyon.
Mardi 26 avril 2022 Le confinement, c’est loin. La preuve, vous avez arrêté de faire votre pain. Par chance, d’aucunes en ont fait leur profession. Elles œuvrent dans un fournil du haut des Pentes : Bonomia.
Mardi 12 avril 2022 Le jeu de société a la cote. Deux copains viennent d'inaugurer leur première boutique spécialisée dans les jeux, où il est possible d’acheter, de louer et de rencontrer des éditeurs : Master Yeti.
Mardi 29 mars 2022 Certains disent juin 2020, d’autres, une éternité. Voilà bientôt deux ans que le repaire des amateurs de musiques électroniques Chez Émile a fermé ses portes. Dans quelques jours, Mush et Guillaume Des Bois ouvriront une nouvelle boutique, à...
Mardi 1 mars 2022 La Baignoire est un de ces lieux où l’adresse se repasse en chuchotant, qui font écho à une époque en vogue dans le monde du cocktail actuel, celle de la prohibition des années 1920 aux États-Unis : un speakeasy.
Mardi 1 février 2022 Une micro-torréfaction cachée dans l’arrière salle d’un coffee shop : c’est dans les pentes et c’est Méta, installée chez Fika.
Mardi 1 février 2022 On la pensait poussiéreuse et surannée. Longtemps snobée, la céramique regagne une place d’honneur dans les cuisines de celles et ceux sensibles à l’artisanat et au Do It Yourself. À Lyon, un premier lieu entièrement dédié à cette pratique, vient...
Mardi 1 février 2022 À quelques encablures de Perrache, une nouvelle librairie indépendante a ouvert ses portes en novembre. Une librairie généraliste qui s'empare volontiers des questions sociétales actuelles avec un vrai esprit d'ouverture et une approche conviviale,...
Mardi 4 janvier 2022 Dans la rue Pasteur, à la Guillotière, vient d'ouvrir ce resto à bao. La brioche vapeur, star de la street food asiatique, s’y présente en petit sandwich et se mange à table. 
Jeudi 16 décembre 2021 L’émission culinaire de France Inter,  On va déguster, réunissait en novembre dernier deux Lyonnaises dont on a récemment parlé : Anaïs Duraffourg et Géraldine (...)
Jeudi 2 décembre 2021 C’est un succès populaire, brandi pour prouver qu’on mange bien dans la nouvelle Part-Dieu (oui, le centre commercial). Ses ingrédients ? Un thème éphémère, et de la vraie cuisine, aussi. 
Mardi 14 décembre 2021 Dans l'une de ces rues que les couvre-feux plongeaient dans la pénombre, on refait la fête. On y mange aussi désormais thaïlandais, grâce à Chan.

Suivez la guide !

Clubbing, expos, cinéma, humour, théâtre, danse, littérature, fripes, famille… abonne toi pour recevoir une fois par semaine les conseils sorties de la rédac’ !

En poursuivant votre navigation, vous acceptez le dépôt de cookies destinés au fonctionnement du site internet. Plus d'informations sur notre politique de confidentialité. X