Corps et têtes brûlés

À lier / La danse c'est aussi quelques chorégraphes barrés qui tordent et remuent le corps en tous sens pour mieux dégoupiller l'âme. Passage en revue de nos têtes brûlées de prédilection. Jean-Emmanuel Denave

Le chorégraphe le plus cinglé et casse-cou de la scène contemporaine est belge et se nomme Wim Vandekeybus. Courses effrénées de danseurs-amoks, lancers de javelots sur le plateau, constructions de briques pulvérisées en poudres fiévreuses, portés à l'arrache (où les filles soulèvent les mecs comme des poids plumes), prises de risques inconsidérés, percussions des interprètes comme des crash-tests : c'est peu dire de la danse de Vandekeybus qu'elle est physique, énergique, sulfureuse, indispensable. Elle vous claque au visage comme une explosion de muscles, et secouera la Maison de la Danse à l'occasion de la présentation de Spiegel (du 25 au 27 mars), une sorte de compilation de vingt années de créations signées Vandekeybus... Autre enfant terrible de la danse, au tempo plus apaisé mais aux créations tout aussi iconoclastes : Jérôme Bel. L'ancien assistant de Decoufflé pour la cérémonie des Jeux Olympiques de 1992 et l'ex-danseur de Preljocaj ou Daniel Larrieu, prend un malin plaisir à déboulonner les us et coutumes de la danse contemporaine pour en renouveler de fond en comble les formes. Danse en tubes, chimie d'émotions
À la poubelle donc virtuosité, technique, hiérarchies, séparation scène-public ; place au grand plan d'immanence deleuzien où le flux du vivant traverse en zig zags les corps de ceux qui montrent autant que les corps de ceux qui regardent (les nôtres donc). D'ailleurs avec ce diable de Bel, on ne sait parfois plus très bien qui regarde et qui s'expose. Le chorégraphe ne s'arrête jamais à la stase critique, mais continue, propose, construit : Show must go on ! Un mot de (dés)ordre qui est aussi le titre de son chef-d'œuvre créé en 2001. Vingt interprètes y suivent, quasiment mot à mot et pas à pas, une quinzaine de tubes pop-rock ou de variétés (David Bowie, les Beatles, Nick Cave, The Police, Paul Simon, Edith Piaf...), cassent les idoles, sollicitent le public, le font rire, le dérangent, l'éclairent en mauve, l'émeuvent. Une pièce inouïe, renversante. De là à la transmettre à un corps de ballet, il fallait être carrément gonflé : mais le chorégraphe l'est et le Ballet de l'Opéra Lyon aussi (souvenons-nous de ses égarements géniaux dans les pièces atypiques de Pierre Droulers, Tere O'Connor, Sarah Michelson...). Rendez-vous donc à l'Opéra du 18 au 20 septembre pour un Show qui s'annonce brûlant ! On citait Gilles Deleuze à propos de Jérôme Bel, le philosophe (son devenir animal, son devenir femme) pourrait aussi servir de boussole pour la dernière pièce de l'indomptable Mark Tomkins, Animal Femelle (aux Subsistances du 20 au 24 nov.). En 2005, le chorégraphe présentait à Lyon Animal tout court, mettant en scène et en ring quatre interprètes mâles, lutteurs jouant et déjouant les rapports de force humains, la tyrannie du verbe, l'épuisement physique ; et au milieu desquels Mark Tompkins officiait lui-même en maître de cérémonie dégingandé, petit dictateur sadique ou chanteur frappadingue de ses propres compositions. Cette fois, il sera confronté à quatre lutteuses femelles, ça promet.

pour aller plus loin

vous serez sans doute intéressé par...

Mardi 16 mai 2017 En marge de Nuits Sonores, l'European Lab se penche sur les smarts cities, le big data mais aussi sur la Turquie, plus que jamais coincée entre les griffes acérées d'Erdogan. Toutes les libertés sont mises à mal, comme en témoigne Olivier Bertrand,...
Vendredi 28 mars 2008 ART SPIEGELMAN Casterman

Suivez la guide !

Clubbing, expos, cinéma, humour, théâtre, danse, littérature, fripes, famille… abonne toi pour recevoir une fois par semaine les conseils sorties de la rédac’ !

En poursuivant votre navigation, vous acceptez le dépôt de cookies destinés au fonctionnement du site internet. Plus d'informations sur notre politique de confidentialité. X