Jamais dans le cliché

Micha Lescot, comédien, interprète le chevalier dans La Seconde Surprise de l’amour mise en scène par Luc Bondy. Il revient sur les conditions de création de cette pièce à succès, programmée au Théâtre des Célestins.Propos recueillis par Dorotée Aznar

Petit Bulletin : Les spectateurs connaissent en général La Surprise de l’amour de Marivaux, mais La Seconde surprise de l’amour est plus rarement représentée. Quelles sont les principales différences entre ces deux pièces ?
Micha Lescot : L’une des particularités de La Seconde Surprise de l’amour est que l’on pense à plusieurs reprises pendant le spectacle que la pièce est terminée et pourtant l’action est sans cesse relancée. La différence avec la première Surprise de l’amour, c’est que cette fois, on est plus du côté des femmes, c’est la marquise le personnage central de la pièce avec Lisette, sa suivante. Même si les hommes sont bien présents et ont des rôles très importants.

Ce n’est pas la première fois que vous jouez dans un Marivaux. Pouvez-vous nous expliquer comment était le travail aux côtés de Luc Bondy, comment il aborde la direction d’acteurs ?

Dans les autres Marivaux, je n’avais pas du tout les mêmes rôles. Quand je jouais avec Planchon, je jouais des valets, c’est donc une partition totalement différente. Ceci dit, la particularité de Luc Bondy, c’est sa façon de s’appuyer vraiment sur ce que sont les acteurs dans la vie, ce qu’il perçoit d’eux. Luc Bondy travaille avec votre personnalité, votre sensibilité, votre humour, vos réactions par rapport à une situation... Il n’a aucune idée reçue sur la façon dont il faut jouer Marivaux ou un chevalier ou un noble... Il abolit ces frontières et il travaille vraiment avec les gens qu’il a choisis lors de la distribution. Souvent, on dit ce genre de choses à propos des metteurs en scène mais en l’occurrence avec Luc Bondy, c’est vrai ! On passe beaucoup de temps avec lui pendant les répétitions, mais aussi en dehors. Il nous passe des films, on dîne ensemble... Il y a le travail et tout ce qui est autour... Luc Bondy ne dirige jamais un acteur comme un autre, il fait un travail particulier avec chacun et c’est très stimulant, on ne s’ennuie jamais.

Vous connaissiez déjà Luc Bondy par ailleurs ?
Non, nous nous sommes rencontrés pour la pièce. J’avais déjà vu ses mises en scène mais je ne le connaissais pas. On lui a parlé de moi, il est venu me voir au théâtre et il m’a proposé le rôle...

Certains éléments de la pièce vont ont posé problème ?

C’est un détail mais au début, j’avais un peu de mal avec les répliques du chevalier. Les phrases sont très longues et il faut aller au bout de la pensée. Je n’avais jamais abordé ce genre de rôles et c’était une énergie complètement différente de tout ce que je connaissais.

Luc Bondy n’aborde pas Marivaux comme un classique...
Pas du tout, il aborde les choses avec des accroches qui peuvent nous toucher personnellement. Luc Bondy n’est jamais dans le cliché. Avec lui, c’est aujourd’hui, maintenant et c’est même universel. La question n’était pas de savoir comment cette histoire pouvait être “actuelle” mais plutôt ce qui la rendait intemporelle.

Beaucoup de critiques ont en effet qualifié cette pièce d’”intemporelle”. Qu’est-ce qui, selon vous, fait que cette mise en scène dépasse la simple adaptation ?

Luc Bondy atteint les spectateurs au plus profond d’eux-mêmes en parvenant à toucher à l’essence de ce qui unit un homme et une femme. Luc fait en sorte que les spectateurs soient émus aujourd’hui par une histoire écrite il y a plusieurs siècles.

Pouvez-vous nous décrire le dispositif scénique ?

Nous sommes très à nus sur le plateau, les acteurs sont très exposés, il n’y a aucun meuble derrière lequel on peut se “cacher”. Au début, cela peut être un peu effrayant d’être en pleine lumière, mais en même temps c’est génial parce qu’il faut y aller !

Comment gère-t-on un tel succès et une tournée d’aussi grande envergure ? N’y a-t-il pas une certaine lassitude ?

On a déjà joué la pièce 120 fois. On avait beaucoup de demandes et nous avions encore envie de jouer, donc nous repartons en tournée pour 80 dates. Il n’y a que Clothilde Hesme qui ne reprend pas cette année ; elle est remplacée par Marie Vialle, avec qui j’avais déjà joué plusieurs fois. Cela change beaucoup de choses et rend l’aventure excitante pour tout le monde. On n’est pas là pour refaire ce que l’on faisait avec Clothilde, on est là pour inventer. Ça nous déstabilise, mais en bien !

LA SECONDE SURPRISE DE L’AMOUR
Mise en scène Luc Bondy
Au Théâtre Les Célestins
Du 8 au 26 octobre

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