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Et revoilà Wajdi !

Théâtre / Il a été la star du dernier festival d’Avignon. Il revient à Lyon ce mois-ci, avec un programme chargé : la reprise d’’Incendies’ (l’un de ses plus gros succès), la présentation de sa trilogie inégale ‘Le Sang des promesses’ (dix heures de spectacle tout de même) et surtout le dévoilement de sa dernière création ‘Ciels’ (dans l’ensemble assez réussie). Aurélien Martinez

Depuis maintenant une dizaine d’années, critiques et public adressent des louanges ininterrompues à Wajdi Mouawad, ayant trouvé en lui l’homme de théâtre capable ni plus ni moins de redonner un sens à la notion de récit. Si on n’a pas toujours partagé cet enthousiasme délirant – à la limite de la vénération –, force est de reconnaître que Mouawad est un artiste passionnant – aussi irritant que subjuguant –, et surtout généreux. À une époque où le théâtre se pose de nombreuses questions sur son rapport au monde et où des metteurs en scène semblent chercher dans l’extrême certaines réponses en secouant le public au maximum par divers moyens (voir les polémiques qui ont secoué les précédentes éditions d’Avignon), le travail de Mouawad a quelque chose de rassurant : oui, il s’adresse ouvertement au public, en choisissant les mots appropriés, en faisant appel à ses émotions, sans trop le brusquer. À ce titre, redécouvrir ‘Incendies’(rejouée en ce moment aux Célestins) permet de saisir le talent indéniable du bonhomme. Exil, famille, héritage, mort… : avec un sens aigu de la narration, il brasse ici les thèmes qui émaille l’ensemble de son travail, lui, le Libanais contraint à l’exil dans sa jeunesse, et qui rejoint le Québec à l’âge de quinze ans. Ce spectacle fait partie, avec ‘Littoral’ et ‘Forêts’, de la trilogie que l’auteur a baptisée ‘Le Sang des promesses’. Pour info, elle a fait l’ouverture du dernier festival d’Avignon (Mouawad était l’artiste associé cette année), et sera visible par deux fois aux Célestins. Onze heures durant, les trois pièces s’enchaînent : Littoral donc (redécouvert l’année dernière aux Célestins), puis Incendies, et enfin Forêts (une catastrophe, encore plus accentuée quand on met les trois pièces bout à bout).

Ciel mon Wajdi

Artiste se définissant avant tout comme «un écrivain égaré dans le monde du théâtre», Mouawad démontre ainsi, texte après texte, la constance de son propos... quitte à sombrer quelques fois dans la redite ou le bavardage intempestif. Mais il est aussi assez agréable de remarquer que l’homme sait surprendre de temps à autre, tant par la forme que par le contenu : ‘Seuls’ par exemple, long solo où il se mettait volontairement à nu devant le public, ou encore ‘Ciels’, sa dernière création présentée à l’Ensatt. Dans cette pièce, dernier volet de sa réflexion sur l’héritage qui vient compléter la trilogie (qui est donc conduite à devenir une tétralogie !), Mouawad prend ses spectateurs à rebrousse poil. ‘Littoral’, ‘Incendies’ et ‘Forêts’ étaient construits sur la notion de partage générationnel et du devoir de comprendre ses origines ; ici, c’est l’inverse : non, les enfants que l’on a engendrés ne sont pas forcément nos clones et peuvent lutter avec force contre les idéaux familiaux. 2h30 durant, on assiste alors à la déliquescence progressive de la notion d’héritage, malmenée par des aînés incapables de comprendre leur descendance. Le tout dans une scénographie on ne peut plus originale, les spectateurs se retrouvant au centre d’un dispositif où les comédiens évoluent sur les côtés et en hauteur. Résultat, si le public de fidèles a été quelque peu dérouté, on peut trouver un certain plaisir dans ce spectacle mené façon 24 heures chrono (l’intrigue se situe dans une sorte de cellule antiterroriste), malgré la présence des gimmicks incessants de l’auteur – son penchant pour le tire larmes ou les récits fleuves à certains moments indigestes. Car on en pensera ce qu’on voudra (ceux qui détestent Mouawad ont peu de chance de changer d’avis), mais notre homme a encore gagné son coup en montrant sa capacité à réconcilier le théâtre et les grands thèmes contemporains, sans forcément y adjoindre de propos strictement politiques. La marque de fabrique Mouawad en somme.INCENDIES
Du 5 au 12 novembre, aux Célestins.LE SANG DES PROMESSES, LA TRILOGIE
Les 14 et 15 novembre, aux Célestins.CIELS
Du 6 au 14 novembre, à l’Ensatt.

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