Labiche se traîne

Théâtre / Bruno Boëglin met en scène "Le Prix Martin" d'Eugène Labiche au Théâtre Les Célestins. Une création quelque peu plombée par une distribution inégale et des problèmes de rythme. Dorotée Aznar

La réussite d’un vaudeville tient évidemment à la qualité de sa distribution, mais aussi à son rythme qui doit maintenir les spectateurs en haleine et, dans le meilleur des cas, provoquer le rire de l’assemblée. "Le Prix Martin" d’Eugène Labiche présente une difficulté supplémentaire. Ici, l’action n’est pas confinée dans un seul lieu, mais entraîne au contraire les personnages dans un périple rocambolesque en Suisse dont la dernière étape est «la sublime horreur de la chute de l’Aar». Le metteur en scène, Bruno Boëglin, se tire avec les honneurs de cette difficulté spatiale, en faisant le choix d’un décor neutre sans être figé. Et on aurait aimé retrouver cette «neutralité» ailleurs. Car à vouloir ajouter des effets comiques et surtout en les systématisant (comme les apartés pré-enregistrés et diffusés en voix-off pour un effet «bande dessinée»), Bruno Boëglin perd finalement ce qui fait le sel de la pièce ; la spontanéité n’a plus sa place, l’effet de surprise est nul et les longueurs s'installent.Chute de l’art comique
On peut également s’interroger sur la pertinence de la distribution. Aux côtés de l’excellent Jean-Claude Bolle-Reddat et de sa voix de cartoon dans le rôle du mari cocu mais content, seuls Patrice Kahlhoven (dans le rôle de l’amant bisexuel) et Bruno Boëglin (dans un rôle savoureux que l’on vous laisse découvrir) semblent s’amuser. Les autres comédiens, en retrait ou carrément à côté, ne réussissent jamais à entrer dans la dynamique du texte de Labiche. Philippe Morier-Genoud, dans le rôle du cousin guatémaltèque, ne sait pas bien que faire de son accent espagnol et l’oublie une fois sur deux et, alors que l’auteur imagine des acteurs en mouvement permanent, les comédiens sont étonnement statiques (mention spéciale à la raideur cadavérique d’Asaï Hiromi dans le rôle de la femme volage de Martin). Définitivement, il manque quelques grains de folie à ce "Prix Martin".Le Prix Martin
Au Théâtre Les Célestins, jusqu’au dimanche 14 novembre.

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