Terres promises

Entretien / Nino d’Introna, directeur du Théâtre Nouvelle Génération met en scène «Terres !» de Lise Martin. Propos recueillis par Dorotée Aznar

Petit Bulletin : Quelles sont vos inspirations ? Quelle est votre vision du théâtre jeune public ?
Nino d’Introna : Je travaille beaucoup à l’instinct, même si je pense être un homme raisonnable. Avant tout, je laisse la place à l’inspiration, même si certains pensent qu’on raconte toujours la même histoire. C’est sans doute vrai car, de quoi peut-on parler à part de la vie, de l’amour et de la mort ? Ce que je peux dire, c’est que depuis que je suis à Lyon, je réagis à «l’énergie» française et lyonnaise. Je fais mon travail ici, dans ce lieu, pour ce public et je suis différent de la personne qui est arrivée ici il y a 7 ans, après avoir travaillé à Las Vegas. Ce qui n’a pas changé en revanche, c’est ma une volonté de faire du théâtre qui ne déçoit ni les adultes ni le jeune public. Je veux que les adultes prennent du plaisir à ce que je fais. Avec "Yaël Tautavel", je me suis rendu compte que des enfants de 8 ans ou moins venaient voir une pièce assez complexe au niveau du langage, qu’ils réagissaient très bien et comprenaient tout ! Je n’ai pas la prétention de servir de modèle, mais j’ai commencé à penser que les adultes pouvaient venir au TNG comme ils allaient dans d’autres théâtres... S’il y a une fonction dans ma présence ici, c’est de faire bouger les lignes, d’apporter une nouvelle façon d’envisager le théâtre jeune public. Ce n’est pas simple, on m’accuse parfois de ne plus vouloir m’adresser aux enfants, or, je trouverais cela triste de ne m’adresser qu’aux adultes. Je veux qu’il reste un côté enfantin, ludique, dans mon théâtre. J’adore l’idée que le théâtre reste un endroit ludique. Je fais ce que je suis ! Et je reste toujours à l’écoute de ce qu’on me dit, j’ai déjà été conforté, mais aussi blessé, amené à la remise en cause ! Dans vos deux dernières créations, on sent une vraie évolution dans votre travail, qu’est-ce qui a changé ?
J’essaie d’imaginer comment donner au public des choses différentes, je me suis imposé le maximum d’exigence et de pureté dans mes choix. Je ne veux plus faire de compromis, je veux aller jusqu’au bout de mes décisions. Je veux interroger le public, notamment sur ce qu’est le théâtre aujourd’hui. Pour moi, «Du pain plein les poches», c’était cela, juste le public et les comédiens dans une proximité immédiate et presque rien d’autre. Profondément, j’avais envie d’interroger le langage théâtral. Certains ont vu dans cette pièce une façon de me couper du jeune public et pourtant, rarement les scolaires ont autant réagi à un spectacle. Après cette expérience, après tous les retours que j’ai eu, positifs comme négatifs, je me suis demandé ce que j’avais envie de faire. Et j’avais envie de continuer à travailler sur la pureté du langage. J’ai découvert «Terres !», le texte de Lise Martin et globalement j’aime cette façon d’écrire, de dire des choses profondes d’une façon simple, mais pas simpliste. Que le public sorte du théâtre avec un grand sourire, tout en continuant à réfléchir à ce qu’il a vu. J’aime qu’une mise en scène laisse au public la possibilité de rêver. Avec «Terres !», j’ai presque tout fait tout seul, j’ai travaillé sur les costumes, les lumières, la musique… Les équipes techniques sont intervenues le plus tard possible. Je voulais créer un objet artistique que je puisse défendre totalement et sur lequel on puisse m’attaquer totalement. Je n’ai pas d’excuse.Et votre équipe a compris ce choix ?
Je crois que oui, même si évidemment, cela l’a un peu déstabilisée. Mais tout le monde a joué le jeu. Cela a été une nouvelle méthode de travail, cela a bousculé les habitudes. Je ne sais pas si c’est l’idéal, mais après la première de «Terres !», même si je pense que le travail des comédiens peut encore être affiné, je signe ! et je signe ce résultat avec tout mon cœur. Il y a là une recherche esthétique qui correspond à ce que je voulais dire et qui me représente bien.«Terres !» pourrait être «l’autre face» de «Du pain plein les poches». Les deux pièces abordent des thèmes graves, mais «Terres !» serait la face lumineuse…
C’est amusant cette idée car des gens m’ont dit en lisant «Terres !» : «Tiens Nino, tu mets en scène le même texte que l’année dernière». Pourtant, j’étais dans une énergie complètement différente. Finalement, je pense que le résultat est très différent. Avec «Terres !», je me suis appuyé sur une idée tout au long du travail : les personnages sont des enfants qui jouent. Je voulais marquer l’idée du conflit anthropologique pour la conquête du territoire et je pense que toute personne qui a des enfants en bas âge comprendra de quoi je parle : «ceci est à moi, tu ne touches pas à ça…». Je voulais réussir à sourire et à faire rire de ces conflits qui poussent des gens à prendre un avocat pour une branche d’arbre du voisin qui dépasse dans leur jardin… C’est aussi ce que je voulais faire avec «Du pain plein les poches», mais peut-être que je n’ai pas réussi à avoir le même résultat, au début des représentations tout au moins. Vous choisissez des textes à portée politique…
Oui, mais ce qui m’intéresse avant tout, c’est la portée philosophique des textes. C’est tout ce qui est mythique et universel, caché sous des textes apparemment politiques.

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