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Face à face

Entretien / Roland Schimmelpfennig, écrivain allemand, occupe et occupera encore la saison prochaine une place de choix dans la programmation du Théâtre Les Célestins. Rencontre avec un auteur de théâtre qui se plait à tendre des miroirs à ses contemporains. Propos recueillis par Dorotée Aznar

Petit Bulletin : Êtes-vous intervenu directement lors de la mise en scène du «Dragon d’Or» par Claudia Stavisky ?
Roland Schimmelpfennig : Pour la mise en scène du «Dragon d’Or», Claudia ne m’a pas consulté. Pour moi, le metteur en scène doit être libre d’adapter mon texte comme il l’entend, et je veux qu’il soit libre. En revanche, je suis ouvert à la collaboration, je viens du milieu du théâtre, je fais moi-même de la mise en scène, donc je n’ai pas peur du contact.

Quel regard portez-vous sur cette mise en scène ?
J’ai été très étonné par le résultat. Claudia a été très précise avec le texte, elle propose une version très concentrée sur le langage. Je trouve que son travail laisse une grande place à la fantaisie, à l’imagination.

Ce texte est un véritable casse-tête pour un metteur en scène. L’action se passe dans plusieurs lieux simultanément, il y a un grand nombre de personnages, une fable s’ajoute en filigrane…
C’est elle qui l’a choisi ce texte ! Plus sérieusement, je sais que ce n’est pas un texte facile, mais en même temps, je trouve que cette pièce n’est pas si complexe à monter dans le sens où il ne faut pas spécialement de moyens techniques ; on peut la créer dans un espace vide.

Il n’y a donc que vous pour trouver cette pièce simple…
Sans doute ! Pendant les répétitions aux Célestins, tout le monde était désespéré ! Mais finalement, le résultat est très bon !

Claudia Stavisky a déjà mis en scène deux de vos textes. La saison prochaine, «Le Dragon d’Or» sera présenté conjointement ou en alternance avec une autre de vos pièces, Une nuit arabe. Pouvez-vous nous dire quelques mots sur votre collaboration avec Claudia Stavisky ?
Nous trouvons un langage très proche, même si nous avons un «background» et une esthétique très différents. J’ai l’impression qu’elle comprend ce que je veux.

Cette semaine, un autre metteur en scène allemand est accueilli aux Célestins, Thomas Ostermeier. Vous avez travaillé avec lui à la Schaubühne de Berlin. Pouvez-vous nous parler de cette époque ?
Je n’ai travaillé qu’une seule année avec Thomas Ostermeier. J’étais dans l’équipe qui a fondé la nouvelle Schaubühne, j’y ai occupé une fonction de dramaturge. Mais j’ai vite compris que je ne suis pas fait pour être dramaturge, je suis définitivement un auteur.

Qu’est-ce que, selon vous, le théâtre contemporain a à nous dire aujourd’hui ?
Le texte de théâtre a ceci de particulier qu’il est toujours prononcé au public. Il y a toujours une rencontre. Si la pièce fonctionne, le texte commence à parler au public, il y a un dialogue, un partage actif avec le public. Le public ne peut pas être passif, il faut qu’il imagine, qu’il visualise, qu’il transforme des situations.

Défendez-vous une forme de théâtre «engagé» ?
Je pense qu’une pièce ne doit pas obligatoirement être politique. Moi, ce que j’aime, c’est tendre un miroir à notre société, je ne sais pas si c’est politique… J’aime poser des questions, sans jamais faire la morale ou apporter des solutions toutes faites. J’aime trouver le point où ça fait mal et tourner autour avec humour.

Dans «Le Dragon d’Or», vous proposez une forme d’humour noir, assez décalé. La pièce a été reçue assez froidement à Lyon, pouvez-vous dresser un parallèle avec la réception de ce spectacle en Allemagne ?
À Vienne, qui est une ville tout à fait particulière pour le théâtre, le public a vraiment beaucoup ri. Mais même là-bas, la pièce a également beaucoup divisé, certains n’arrivent pas du tout à accrocher à cette forme d’écriture. Ce que j’ai apprécié, c’est qu’il ne s’agit pas d’une dichotomie jeunes/vieux, j’ai trouvé des oreilles ouvertes et des oreilles fermées dans toutes les générations de spectateurs.

Avez-vous l’impression d’un plus grand intérêt en Allemagne pour les auteurs contemporains ?
Généralement, il y a un grand intérêt pour les acteurs nouveaux en Allemagne. Depuis 1990 et la fin d’une période qu’on pourrait qualifier de «déconstruction des classiques», on a assisté à une sorte de renaissance au théâtre avec une recherche de textes modernes et de jeunes auteurs.

Le Dragon d’or
Au Théâtre Les Célestins, jusqu’au jeudi 7 avril

Une nuit arabe
Au Théâtre Les Célestins, en septembre 2011
Dernière parution : «Le Dragon d’Or» - «Peggy Pickit» (L’Arche Éditeur)

Roland Schimmelpfennig
1967 : naissance en Allemagne.
2000 : il devient dramaturge à la Schaubühne de Berlin, sous la direction de Thomas Ostermeier.
2000 : publie Une nuit arabe
2001 : publie Push Up
2003 : publie La Femme d'avant
2011 : publie Le Dragon d’Or

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