«Je ne vais pas investir dans des opérations spectaculaires»

Entretien / Georges Képénékian, adjoint au maire de Lyon, délégué à la culture, au patrimoine et aux droits des citoyens, fait sa rentrée. Propos recueillis par Dorotée Aznar

Petit Bulletin : Que va devenir le Théâtre du Point du Jour après le départ annoncé de son directeur, Michel Raskine ?
Georges Képénékian : Michel Raskine et André Guittier sont venus me voir à l’automne dernier pour m’annoncer qu’ils se retiraient fin 2011. Quelques mois plus tard, ils sont revenus me voir en me disant : «Finalement, Michel va partir, mais André, pas dans l’immédiat». Michel m’a parlé de sa volonté de «laisser la saison» au metteur en scène Gwénaël Morin, c’est-à-dire de lui donner carte blanche pendant un an.

Gwénaël Morin est candidat à la reprise du théâtre ?
J’ai rencontré Gwénaël et nous nous sommes bien mis d’accord sur le fait que cette année de transition n’est en aucun cas une espèce de «présélection naturelle» qui me conduirait à le désigner «en douce» à la tête de ce théâtre. Ni Gwénaël ni moi ne souhaitons que les choses se déroulent de cette manière.

Au-delà de la question de la direction, la question du financement de ce théâtre va également se poser...
La question se pose pour le financement du théâtre en général et pas seulement pour le Théâtre du Point du Jour. Que l’on prenne le Théâtre des Ateliers, le Point du Jour, le Théâtre de la Croix-Rousse dont le budget est également un peu serré… Ça commence à faire un peu lourd. D’autant plus que, concernant le TNP de Villeurbanne, l’État, par la voix de Georges-François Hirch, m’a affirmé n’être plus «prescripteur mais partenaire». La vraie question c’est donc comment on élabore une politique du théâtre qui n’est pas seulement lyonnais, mais plus territorial. Nous en reparlerons prochainement.

Revenons également sur la question du Théâtre de la Croix-Rousse. Quelle était la proposition de la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC) pour remplacer Philippe Faure ?
L’idée de la DRAC, c’était : pas de directeur à la Croix-Rousse, mais un gestionnaire. On en faisait donc un garage. La Ville s’est battue sur ce sujet et je pense que nous allons nous battre à nouveau pour d’autres théâtres.

Quelles sont désormais vos ambitions culturelles  pour Lyon ?
Je veux vraiment que la ville de Lyon soir repérée comme le lieu où les créations sont possibles, comme un lieu de travail.

Il y a beaucoup à faire dans ce domaine…
Oui, c’est certain, mais prenons le cas de Lamartine (une ancienne usine située à côté du stade Marc-Vivien Foé, dans le 3e arrondissement et dans laquelle une partie des artistes de la Friche RVI a été relogée en 2010, NdlR). Et bien aujourd’hui, 139 artistes y travaillent, l’espace a été mutualisé… Tous ont l’air satisfaits de leurs conditions de travail.

Mais il s’agit, une fois encore, d’un lieu de travail provisoire.
Oui, puisque des travaux seront entamés à Lamartine à partir de 2014-2015. Je réfléchis donc à une possibilité de lieu pérenne dans lequel les équipes artistiques seraient amenées à tourner. On pourrait adosser ce lieu à une pépinière d’entreprises culturelles et on obtiendrait une structure intéressante. Cela pourrait être mis en place à Lyon mais pourquoi pas dans un rayon plus large, dans des villes situées à proximité de Lyon et demandeuses de retrouver une activité culturelle. Ce travail devrait m’occuper dès la rentrée 2011. Je ne vais pas faire Gadagne, je ne vais pas investir dans des opérations spectaculaires, mais je pense que Lyon aujourd’hui a besoin de se renforcer.

Vous ne prévoyez donc plus de mettre en place des événements d’envergure pour l’instant ? La Ville ne participera-t-elle pas financièrement à la création du «Festival des fleuves» ?
Ce Festival des fleuves est une opération menée par le Grand Lyon. Il n’y aura pas de participation financière spécifique de la Ville de Lyon. Ce festival ne sera donc pas piloté par les Subsistances, comme cela fut imaginé à l’origine ? Non.

Plus globalement, quelles vont être vos méthodes de travail ?
Nous allons multiplier les mutualisations entre les structures culturelles, pour retrouver le champ de la création, dans le domaine de la danse par exemple. En effet, nous souhaitons trouver des espaces de création pour la danse à Lyon, et c’est l’objectif également de Dominique Hervieu, nommée à la tête de la Maison de la Danse et de la Biennale de la Danse. Nous sommes en train de développer une réflexion sur la danse qui va des Scènes Découvertes au Centre dramatique national de Rillieux-la-Pape en passant par les pratiques amateurs.

Les multiples et récents changements de direction à la tête d’institutions culturelles vous aident-ils dans cette démarche de mutualisation ?
En dix-huit mois, on a changé neuf directions de lieux culturels. On peut parler d’un paysage culturel recomposé. Pour chaque nouvelle direction, le cahier des charges est le même : «Vous ne prenez pas la tête d’un établissement culturel pour vivre enfermé dans votre tour tout seul». L’une des vraies difficultés que l’on avait à Lyon, c’était une juxtaposition de maisons qui vivaient chacune pour elle-même, sinon dans une forme de concurrence avec les autres. Or, on le sait dans le domaine des mathématiques, des sous-ensembles optimaux ne forment pas un ensemble optimal ! Prenons le domaine de l’art contemporain par exemple, mon travail d’adjoint à la Culture n’est pas d’aider Thierry Raspail à mettre en place une programmation ! En revanche, avec Thierry, il est de ma responsabilité de m’assurer que les galeries lyonnaises se sentent concernées par l’événement, que l’on attire des étudiants d’autres pays… De la même manière, dans le domaine du théâtre, on réfléchit à un moment annuel qui permettrait de montrer le travail mené par les Scènes Découvertes et sortir d’une logique où chacun travaille dans son coin. Cela pourrait à mon avis permettre par la même occasion à certains spectacles de se faire «repérer».

Vous avez été beaucoup critiqué, notamment en raison de votre non appartenance au «sérail» culturel, mais aussi de la gestion de dossiers comme l’Orchestre National de Lyon ou la Maison de la Danse...
Pour moi, adjoint à la Culture, ce n’est pas un métier. Beaucoup d’observateurs pensent que l’adjoint à la Culture doit être un esthète et une personne qui dispose d’une connaissance sans faille dans le domaine culturel. D’une certaine manière, je fais presque exprès de me refuser à ça. Patrice Béghain faisait du Béghain, moi je fais du Képénékian… Il faut juste que Lyon n’y perde pas son âme et que l’on parvienne à ce que plus de gens se reconnaissent comme membres, acteurs de la politique culturelle de cette ville.

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