Mercredi 14 février 2024 "Heureux soient les fêlés" assure François Mallet, humoriste « bipolaire, gay et patineur artistique ». Un cocktail détonnant pour un spectacle surprenant, inattendu et, surtout, hilarant. À découvrir à l'Espace Gerson de Lyon.
Oisiveté pour tous
Par Benjamin Mialot
Publié Mercredi 27 mars 2013 - 2446 lectures
Photo : Anik Rubinfajer
Éloge de l'oisiveté
Polaris
ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement
Avec "Éloge de l’oisiveté", spectacle basé en partie sur des écrits du philosophe britannique Bertrand Russell, le comédien Dominique Rongvaux livre une passionnante et très drôle réflexion sur la notion de travail. Un véritable coup de cœur ! Pour creuser le sujet, nous sommes partis à la rencontre de cet artiste au passé très économique. Aurélien Martinez
Ah, la valeur travail. L’un des points cardinaux du discours politique depuis un bail. Un travail sans lequel l’homme moderne ne pourrait décemment pas s’épanouir. Pourquoi pas, mais c’est vite oublier que de nombreux intellectuels n’ont pas toujours eu cette vision si angélique de la chose, comme par exemple la philosophe Hannah Arendt (elle utilise l’expression «animal laborans» pour parler de l’homme au travail), l’auteur Paul Lafargue (dans son ouvrage culte Le Droit à la paresse) ou encore le Britannique Bertrand Russell, dont les écrits de 1932 se retrouvent aujourd’hui au centre d’Éloge de l’oisiveté, excellente création du Belge Dominique Rongvaux.
« La question du travail m’a toujours préoccupé, j’avais déjà lu plusieurs livres là-dessus, explique-t-il. Un jour, je suis tombé par hasard sur le petit essai de Bertrand Russell intitulé Éloge de l’oisiveté : j’ai tout de suite trouvé ce texte extraordinaire ! Il exprime exactement ce que je pense, en plus sous une forme littéraire formidable. Son style, drôle sans y toucher comme peut l'être l'humour anglais, est magnifique. Car Russell était un grand écrivain : en plus d’être un philosophe, un mathématicien, un logicien, il a également été prix Nobel de littérature [en 1950 – ndlr]. Il est une espèce de saint laïque, qui a vécu au service des autres. Il s’est engagé dans le pacifisme pendant la Première Guerre mondiale et pendant le reste de sa vie contre l’obscurantisme religieux, pour la liberté sexuelle... C'est quelqu’un qui a consacré son existence à toutes sortes de combats sociaux».
«Faire rire»
Et un homme qui a vilipendé avec force le travail, ou du moins l’idée communément admise de ses valeurs salvatrices. Russell, un révolutionnaire ? «C’est quelqu’un qui avait une grande lucidité... Il était attiré par l’expérience menée en Russie dans les années 1920, après la révolution. En même temps, il s’est tout de suite rendu compte que ça ne marcherait pas, que ça produirait un système d’exploitation différent». Une lucidité que Dominique Rongvaux porte sur le plateau dans un spectacle tout sauf didactique. «Avec Véronique Dumont [la metteur en scène – ndlr], on a eu cette idée de base de faire une fausse conférence de Bertrand Russell qui allait être interrompue en permanence par des digressions. D’abord, je fais une intro, puis je fais semblant d’être Bertrand Russell pendant cinq minutes. Ensuite je m’interromps, je parle de l’étymologie du mot travail, puis bon, revenons à nos moutons... Je reprends mon personnage de Russell, je continue ma conférence, puis m’interromps de nouveau en parlant de Denis Grozdanovitch...» Avec l’idée simple et efficace de ne pas oublier que l’on est au théâtre, et non à un colloque. D’où un jeu d’acteur précis et franchement comique. «Ça me plaît de faire rire, alors pourquoi pas avec des sujets de réflexion».
Le rire pour démonter l’absurde, et ainsi mettre en lumière «d’autres façons de penser que celles communément admises : si tout le monde travaille quatre heures par jour comme le dit Russell, on peut très bien vivre de façon confortable avec un loisir équitablement réparti». La pensée de Russell, que transmet aujourd’hui Rongvaux, apparaît éminemment politique. Voire utopiste ? «Il en faut de l’utopie, et beaucoup même, parce que ça réduit à la cuisson ! Et en même temps, sa pensée ne l’est pas tant que ça. Si on avait dit à un mineur du XIXe siècle, qui travaillait onze heures par jour, six jours par semaine, qui n’avait pas de vacances et de sécurité sociale : "vous savez, dans cent ans, si vous êtes malade, ce ne sera pas grave, vous vous soignerez chez vous, et le salaire tombera quand même ; pendant un mois par an, vous pourrez partir en vacances, et le salaire tombera aussi ; et toute l’année, vous ne travaillerez plus que huit heures par jour !", il ne l’aurait jamais cru. Et pourtant, c’est arrivé».
Je crois que ça va pas être possible
Un comédien qui transmet un discours économique sur une scène de théâtre : le procédé peut surprendre et questionner. Car quelle est la légitimité de ce saltimbanque qui se permet de nous faire la leçon ? Tout simplement celle de l’artiste éveilleur de conscience. Et celle de l’homme qui s’est frotté de près au monde qu’il abjure : «Plus jeune, j’ai fait HEC par hasard. Je n’osais pas faire acteur et comme j’avais plutôt des facilités à l’école, j’hésitais entre les lettres et polytechnique : j’ai plus ou moins tapé au milieu. Le déclic que j’ai eu, c’est lors d’un stage dans une multinationale où je me suis rendu compte que c’était ça que j’étais en train d’étudier. C’est-à-dire fcomment faire fonctionner ces grandes entreprises dont le but unique est de faire de l’argent. Je me suis dit que ça n’allait plus être possible...». Une prise de recul qui l’a alors conduit à tout envoyer balader pour rejoindre le conservatoire d’art dramatique et se retrouver aujourd’hui sur une scène de théâtre. Ce cheminement atypique fait tout le sel de l’homme et du spectacle qu’il propose.
Eloge de l'oisiveté
Au Polaris, vendredi 5 avril
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