Un éclair de génie

Même le foot s’y met : la Grèce s'est fait sortir en huitième de finale du Mondial 2014 par la plus improbable des équipes encore en lice, le Costa Rica. Dans ce pays déjà bien abîmé et désenchanté par la crise et la poussée des nationalistes d’Aube Dorée, ne restent donc pour se réjouir que le beau score d’Alexis Tsipras aux récentes élections européennes... et le Blitz Theatre Group, une jeune équipe fortement marquée par la dureté économique que traverse son pays. Mais de cela, elle ne parle directement. Ses spectacles sont surtout des juxtapositions d'images parfois très lynchiennes, avec peu de paroles et une bande-son entêtante, à l'image de Late Night et de Don Quixote, tous deux présentés aux Nuits de Fourvière.

Dans le second, le vieux chevalier n’a pas plus son animal, ni Sancho Panza, et court en fond de scène sur un tapis roulant. Il s’épuise mais n’avance pas, en une métaphore cinglante mais jamais didactique de la Grèce et de la situation dans laquelle Berlin l’a laissée s’enfoncer. Dans Don Quixote, l’homme semble régresser et ne plus obéir qu'à ses bas instincts, comme le suggèrent des scènes de viol et de violence à peine masquées par la nuée de buissons posés sur le plateau. Les comédiens se muent en animaux, revêtent de grands becs, revenant à leurs racines de rapaces pendant que d’inquiétants bruits d’oiseaux et de forêts restituent parfaitement une atmosphère de fin du monde. De la crise profonde et de la déshumanisation naissent parfois (souvent ?) des artistes tranfigurés par leur sujet. Ce spectacle sensoriel, puissant et vénéneux, où le vieux Quichotte finit en slip couvert de brindilles, en est la preuve.

Nadja Pobel

Don Quixote
A l'ENSATT, dans le cadre des Nuits de Fourvière, mardi 8 et mercredi 9 juillet