Sur la piste aux trouvailles du "Petit théâtre de gestes"

Petit théâtre de gestes

Domaine de Lacroix-Laval

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Nuits de Fourvière / Pour la seconde année consécutive, les Nuits de Fourvière investissent le parc de Lacroix-Laval. Sous ses trois chapiteaux, en juillet, il se passera toujours quelque chose : des bals, des concerts mais surtout du cirque. Avec deux spectacles mémorables : le féerique et quasi classique Obludarium et ce bijou de modestie et de savoir-faire qu'est Petit théâtre de gestes.

Sous un chapiteau ou dans une grande salle aux fauteuils en velours, il y a ce petit rituel depuis quelques années : demander aux spectateurs d’éteindre leurs téléphones portables. L’un des circassiens, Laurent Cabrol, ouvre alors son manteau en silence, au revers duquel figure le dessin d’un pictogramme barré : celui du nouveau meilleur ami (mouchard) de l’homme. Ce qui n’empêchera nullement un adulte de fréquemment regarder le sien (et d’éclairer ainsi la salle) quand les ados qu’il accompagne se tiennent à carreau.

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Passée cette rapide et simpliste analyse du public, le spectacle peut commencer, directement placé sur le mode du minimalisme et de l’économie de mots, ce qui ne signifie nullement qu’il est rabougri. Bien au contraire. Si le couple Laurent Cabrol et Elsa De Witte s'est lancé dans cette aventure légère, c’est qu’il a fait ses armes et sa vie dans des artilleries plus lourdes dont il a gardé la sève. Lui s’est formé auprès d’Annie Fratellini et du Cirque Plume, a co-fondé les cirques Convoi Exceptionnel et le délicieux, grinçant et pour tout dire très attachant Trottola (l’inoubliable Matamore !) tout en collaborant avec le cirque Romanès ou le Théâtre du Rugissant, sorte de cabaret forain et musical émanant du Tarn.

C'est là qu'il rencontre Elsa De Witte, comédienne, marionnettiste, costumière issue du théâtre de rue via les compagnies Babylone ou Alama's givrés. L'un avec sa technique de numéros circassiens, l'autre avec ce goût du récit et du rafistolage (la machine à coudre est un élément important de cette création), ils parviennent à tenir l'équilibre de ce qui ne pouvait pas mieux se nommer : un petit théâtre de gestes.

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Marabout d'ficelle

En entame de jeu, il leur revient d'installer ce tapis à l'étoile rouge, instaurant le code du cirque dont ils ne se départissent évidemment pas. C'est leur essence, leur culture et bien que ce spectacle soit plus ténu que les précédents dans lesquels ils ont joué, il ne constitue évidemment pas une critique ou un reniement du passé et de leur "famille".

Preuve en est la présence de leur chien, bête de foire qui ne prétend pas nous ébahir. Le cirque, c'est aussi rater des numéros. Ce qui, in fine, est une forme de réussite car ils ne sont pas accomplis comme prévu. Le chien traduit cette dualité. Il saute dans un cercle formé par les mains de l'un des artistes. Ou ne veut pas descendre les trois marches qui le sépare de la scène, puis consent à rejoindre le plot. Et à s'y coucher ! Toute la dialectique de la supposée réussite est résumée là. Comme le tricote Yann Frisch dans son épatant Syndrôme de Cassandre : qu'est-ce que l'attente du public ? Et comment la bousculer ? Un circassien doit-il obligatoirement éblouir ? Un clown doit-il nécessairement faire rire ? Un magicien doit-il automatiquement sidérer ?

Le duo de Bêtes de foire ose interroger son art tout en s'accordant des séquences très oniriques à la beauté brute. Avec quelques barres de fer soudées, un boa en plume, un peu de grillage de dissimulation militaire, une danseuse s'envole pour un ballet aérien très léger : il est possible de s'inventer des frères, compagnons de route factice au service d'une émotion réelle. Avec des numéros plus attendus, le couple instaure cette étrangeté inhérente au cirque.

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Ainsi le jonglage avec ces balles indisciplinées s'échappant d'un sac à malice. Plus tard, d'autres, plus petites, sorties de la bouche de Laurent Cabrol aux joues déformées, presque effrayantes. L'aspect freaks n'est jamais loin de l'univers du cirque et d'un Elephant Man ou d'une Venus hottentote diabolisés en leur temps et auxquels les cinéastes David Lynch et Abdellatif Kechiche ont rendu les hommage les plus humanistes qui soient. Mais il n'est pas frontalement montré ici, simplement évoqué dans le travail d'Elsa De Witte qui pose, avec son complice, un œil bienveillant sur les dissemblances de notre petit monde. Et de cesser de penser que seule la devise citius altius fortius peut nous faire accéder à une félicité trop enjolivée.

Dans un numéro de jonglage, avec de moins en moins de balles jusqu'à même les faire disparaître, Laurent Cabrol montre, par l'absurde, que le résultat sans le processus de création (ici la technique du jonglage et le mouvement de son corps) n'est que poudre aux yeux.

Petit théâtre de gestes
Au parc de Lacroix-Laval, sous chapiteau, jusqu'au 31 juillet

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