Saint-Étienne et le livre, une histoire d'amour ?

Depuis 30 ans le livre est célébré officiellement dans la capitale ligérienne avec une des premières fêtes nées dans l’hexagone. Saint-Étienne, l’ouvrière, la footeuse… serait-elle aussi littéraire ? Enquête auprès d’acteurs locaux du livre. Florence Barnola

« Saint-Étienne est une ville de lecteurs, plus qu’une ville littéraire », analyse Isabelle Rabineau, commissaire général à la Fête du Livre et chargée de mission Livre et Lecture à la Direction des affaires culturelles de Saint-Étienne. « C’est le geste de lire qui est intéressant. Un geste qui a affaire avec le savoir-faire, l’acquisition de savoirs, l’apprentissage, la transmission. Ici, le livre est un objet. Ce qui explique la présence de grandes collections de livres d’artistes à la médiathèque, à l’université, au Musée d’Art Moderne, il existe même un Master Livre d’artiste à l’Université qui est assez peu répandu en France. » En 1986, Jacques Plaine a créé la Fête du Livre. L’a-t-il fait parce qu’il y avait un terreau littéraire particulier ? « Saint-Étienne n’est ni plus ni moins littéraire qu’une autre ville. Plus une ville a d’étudiants, plus elle est littéraire ». Pour l’ancien libraire, la ville a commencé à s’intéresser à la littérature avec la création de l’Université Jean Monnet, en 1969. « Avoir 4000 étudiants a changé des choses. En tant que libraires, nous avons senti l’évolution. Cela s’est développé au fil de l’arrivée des étudiants. Des villes équivalentes comme Clermont avait cela depuis plus longtemps. » Pour Isabelle Couriol, de la Librairie de Paris, les Stéphanois se sont adonnés à la lecture dès la fin de la 2nde guerre mondiale. « Saint-Étienne a développé la lecture avec les bibliothèques. Les gens lisaient parce que ce loisir ne coûtait pas très cher, la télévision n’est venue qu’après. Les bibliothèques pour tous, privées, ont aidé à développer le livre et la lecture. Il existait également un principe, disparu il y a une quarantaine d’années, qui consistait à la location d’un fond de livres de la part des libraires pour de modiques sommes. Aujourd’hui la bibliothèque municipale a de nombreuses annexes. Il y a quelques années un sondage avait été réalisé sur le nombre de livres lu par les Français, Saint-Étienne était au-dessus de la moyenne. »

Paris, Nancy, Brive… et Saint-Étienne

La Fête du Livre a aidé a populariser le livre auprès des stéphanois. L’intention de son fondateur était de le démocratiser : « Mon idée était d’aller vers des gens qui ne lisaient pas. Dans les années 80 il y avait très peu de fêtes du livre en France : le salon de Paris, celle de Nancy, de Brive puis celle de Saint-Étienne. Aujourd’hui des fêtes il y en a partout, même dans des villages » raconte la mascotte livristique de la région. Si la lecture est entrée petit à petit dans les moeurs des Stéphanois, ceux-ci ont marqué également les auteurs invités à la Fête par leur tempérament. « Tous les éditeurs disaient qu’à Saint-Étienne l’ambiance était très différente. La population chaleureuse, ouverte, va à la rencontre des auteurs. Robert Sabatier déclarait que jamais dans les autres villes les gens venaient vers lui pour lui dire qu’ils étaient contents de le voir… Certaines personnes apportaient des cadeaux aux auteurs ! Je crois que les gens agissaient comme cela par fierté que des auteurs soient venus les voir dans leur ville ouvrière. »

Une ville à librairies

Si la Fête du Livre est un véritable temps fort de l'année calendaire, un autre paramètre fait de la cité forézienne un cas un peu à part. Pour Gérard Girard qui tient l’Étrange Rendez-vous, la deuxième librairie spécialisée BD de Saint-Étienne : « Ce qui est très fort dans une ville de cette taille - 170 000 habitants - c’est qu’il y ait autant de points de vente libres. Ça veut dire que l’on arrive à vivre avec, qu’il y a un potentiel. Il y a le respect de ce que chacun fait, qu’il n’y a pas dans d’autres villes n’ayant pas de Fête du livre. Cette dernière est un ciment. À Lyon par exemple, ce n’est pas l’entente cordiale… Je crois à la diversité dans une ville. On s’entend bien entre libraires, on est très complémentaires ». Outre les nombreux libraires, la cité stéphanoise recense également quelques auteurs de renommée nationale. Citons Paul Fournel, Jean-Noël Blanc, Lionel Bourg… D’autres comme Sabri Louatah, Hafid Aggoune sont installés à Paris. « Nous n’avons plus beaucoup d’auteurs très littéraires de la région, mais c’est une ville qui tient à la lecture » pense Isabelle Couriol. « Il y a beaucoup de librairies, plus que dans d’autres villes de même taille. Cependant la clientèle a changé. Auparavant il y avait une clientèle aisée pour qui il était de tradition d’acheter des livres. Cette clientèle avait de belles bibliothèques. Les bouquinistes stéphanois ont souvent de très beaux livres de collection. Aujourd’hui, le lectorat vieillit et devient moins varié. Pour autant, le rayon jeunesse se développe ainsi que le lectorat adolescent tourné principalement vers la science fiction, la fantaisie. » Saint-Étienne tient une place assez particulière sur la carte du livre en France. Continuant à exister par l'ensemble des acteurs qui compose son tissu local. De la maison d'édition locale aux auteurs à portée nationale, la cité ouvrière aime le livre de la première à la dernière page.

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