Véronique Vernette : c'est le Wax qu'elle préfère

Portrait / Illustratrice de littérature jeunesse et formatrice tous azimuts, amoureuse éperdue de l’Afrique, Véronique Vernette est une Stéphanoise d’adoption bien dans ses baskets qui dessine et colorie avec un talent continuellement mis au service de l’émotion.

Véronique est née à Marseille en 1972, année du doublé historique coupe-championnat réalisé par l’OM. Pour autant, ce n’est pas du tout le monde du sport qui attirera la fillette, laquelle grandira d’ailleurs à Valence. « Nous étions quatre enfants à la maison. Je crois que très tôt j’ai aimé dessiner alors qu’il n’y avait pas vraiment de prédisposition artistique dans la famille. Mais nous avons eu la chance d’avoir des parents qui étaient à l’écoute de nos envies. » Dès l’âge de sept ans, la jeune fille commence à suivre des cours de dessin. Elle se souvient d’une grande complicité avec son grand-père qui l’emmène un jour à Nîmes pour visiter une exposition de Picasso. « Il m’avait même acheté le catalogue de l’expo, que j’ai encore aujourd’hui. Sur le chemin du retour, j’avais l’impression de revenir chez moi avec un trésor dans les mains ! » Attirée par l’Inde ou l’Afrique noire, Véronique rêve aussi de voyages au long cours, lit les grands récits des premiers voyageurs. Après des années collège et lycée sans histoires pendant lesquelles elle poursuit les cours du soir pour dessiner toujours plus, l’adolescente obtient son Bac A1, option arts plastiques. « Je pense qu’après le bac, j’avais envie de partir un peu de chez moi pour faire ma vie. Le concours d’entrée aux Beaux-arts se tenait le même jour pour Saint-Étienne et Lyon. J’ai choisi Sainté, où j’ai débarqué à dix-huit ans. » L’étudiante suivra ainsi un cursus complet dans l’option communication, cinq années au cours desquelles elle scelle son premier groupe d’amis et plus largement toutes ses connaissances de jeune adulte. Une période où Véronique noue aussi ses premiers liens avec le continent africain. « J’y suis allée deux fois pendant les Beaux-arts. En fin de première année, j’ai accompagné une association protestante européenne qui menait une action d’éducation à Ouagadougou. » C’est la grosse claque, comme le rapportent à peu près toutes les personnes qui rentrent d’un premier séjour en terres subsahariennes. « Il m’aura ensuite fallu plusieurs années d’économies, à force de petits boulots, pour retourner au Burkina Faso et y réaliser deux mois durant mon diplôme de fin d’études. »

Premier bouquin

Alors que ses professeurs l’encouragent à faire de la vidéo, là-bas Véronique dessine abondamment, découvrant une foisonnante source d’inspiration dans la société africaine. Diplôme national supérieur d'expression plastique en poche, la jeune femme ne s’imagine pas encore illustratrice pour la littérature jeunesse. « Je savais bien que c’était une des voies possibles après le DNSEP, mais je m’en faisais toute une montagne, pensant ne rien connaître à la psychologie infantile, aux tranches d’âges… Mais à mon retour, hésitant à faire une exposition de tous ces dessins, l’idée m’est venue de faire un livre pour enfants qui me permettrait à la fois de raconter mes voyages. » La jeune diplômée voit ainsi sa passion pour l’Afrique grandir au gré des musiques qu’elle écoute et au fil des expositions qu’elle visite avec intérêt. Elle ne compte plus les allers-retours entre Saint-Étienne et Paris, carton à dessins sous le bras, pour y démarcher les maisons d’édition. « C’était une époque où les éditeurs recevaient encore les auteurs car internet n’en était qu’à ses balbutiements. Je prenais trois ou quatre rendez-vous dans la même journée et souvent j’arrivais à caser une expo entre deux entretiens ! » En 1999 après trois ans de démarches et quelques rebondissements, le tout premier livre pour lequel Véronique signe textes et illustrations, Cocorico poulet Piga, sort aux éditions Points de suspension. Premier jalon d’une prometteuse bibliographie. « Entre-temps j’avais enchaîné plusieurs petits boulots alimentaires, par exemple dans la restauration, tout en commençant à donner des cours de dessins à droite et à gauche, puis à retourner au Burkina dès que c’était possible. Je dessinais des cartes postales pour un éditeur grenoblois, les Editions des Correspondances. J’avais de temps en temps un dessin publié dans des journaux comme Libé… »

J’aime dessiner comme un enfant, sans contrainte, sans perspective, sans proportion, en laissant de la place au ressenti…

La machine étant lancée, d’autres livres suivront, au rythme d’un ou deux ouvrages par an, chez différentes maisons d’éditions. Véronique affirme son talent d’illustratrice, aiguise son style, affine sa patte. L’Afrique demeure son terrain de jeu favori, sa source inépuisable. Après la naissance de sa fille en 2004, les parutions qui s’enchaînent valent à la jeune maman d’être régulièrement invitée sur des salons dédiés au livre et d’intervenir dans de nombreux établissements scolaires. Entre 2005 et 2015, une dizaine d’années s’enfuient par monts et par vaux, souvent au pas de course entre deux salons, loin de Saint-Étienne. « Je reste aujourd’hui un peu plus centrée sur la région stéphanoise avec des projets dans des écoles, des médiathèques, des espaces culturels… » Depuis quelques années, l’illustratrice occupe aussi Le Local, au 38 rue Badouillière, un atelier-boutique qu’elle partage avec trois autres artistes, où elle propose des ateliers d’initiation à différentes techniques. Dans sa pratique personnelle, Véronique Vernette utilise beaucoup les encres Colorex, créant toutes ses teintes à partir des trois couleurs primaires. Elle affectionne également les collages de textiles, utilisant essentiellement le Wax, tissu emblématique de l’Afrique où l’on en fait notamment les pagnes. « Avec le Wax, il y a un rapport au motif et donc au dessin qui me plait beaucoup. En Afrique, de par leurs motifs les pagnes ont un sens précis, suivant qu’ils sont portés pour une cérémonie précise ou une événement commémoratif bien identifié. Je suis obligée de refaire régulièrement mon stock car j’utilise beaucoup ce tissu comme matière première. Quand je ne vais pas directement en Afrique, je me fournis généralement à Paris, parfois à Lyon. »

Les accidents

Sur papier, sans aucun crayonné l’artiste pose d’abord ses taches de couleur au pinceau, puis vient dessiner par-dessus à la plume et à l’encre noire. Elle avoue avoir un faible pour ce qu’elle appelle « les accidents » : débordements, taches, traces, décalage entre le trait et la couleur que l’on observe d’ailleurs dans le Wax. « J’aime dessiner comme un enfant, sans contrainte, sans perspective, sans proportion, en laissant de la place au ressenti… En fait je crois que je dessine comme je vois les choses dans ma tête ! » Pendant des années, Véronique est retournée passer deux ou trois mois par an au Burkina Faso, puis les séjours se sont espacés au fil du temps. Mais elle a aussi traîné ses crayons en Côte d’Ivoire, au Bénin, au Cameroun ou encore au Mozambique. 20 ans plus tard et 24 livres après la publication du premier, elle reste fidèle aux éditions Points de suspension. « C’est une petite structure dont l’éditrice, Brigitte Cazeaux, est devenue une amie qui à elle seule a édité la moitié de mes livres : ça compte. » Les événements récents ont un peu décalé le calendrier des sorties, mais deux nouveaux livres vont sortir prochainement. Carnets inachevés où le lecteur est invité à poursuivre le dessin laissé volontairement en plan et Le Burkina Faso de A à Z, en collaboration avec Arnaud Rodamel. Elle présentera également avec ce dernier l'exposition Visages du Pilat. « Mes parents, qui sont restés dans le sud, me demandent souvent ce que je fais à Saint-Étienne. Mais ma base est ici. C’est là que j’ai mes amis. Et puis bien sûr, à Sainté le prix des loyers permet d’avoir à la fois un appartement et un atelier, ce n’est pas rien. Je ne pourrai sans doute pas vivre de la même manière par exemple à Lyon. » Et alors, on n’est pas bien chez nous ? Comme on dit au pays : « Mieux vaut une sardine sur le gril que deux pigeons qui volent. »


Repères :

1972 naissance à Marseille

1990 arrivée à Saint-Étienne

1995 Diplôme national supérieur d'expression plastique

1999 premier livre, Cocorico poulet Piga

2004 naissance de sa fille Kahina

2014 Le mouton de Tabaski

2020 Carnets inachevés / Le Burkina Faso de A à Z (avec Arnaud Rodamel)

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