Hero Corp passe la troisième

"Hero Corp", ce fut la série de Simon Astier, frère d'Alexandre Astier le créateur de Kaamelott. La série a désormais une place bien à elle. Diffusée à l'automne sur France 4, la saison 3 est sortie dans la foulée en DVD. Le tout après de longues années d'attentes. Fidèle au ton et à l'ambiance qui ont fait son terreau, la fiction se déracine petit à petit de l'image d'OVNI qui lui a collé à la peau et s'assume pleinement dans cette saison 3 en tant que série de genre.

On croyait Hero Corp, abandonnée comme ses super héros à son triste sort à la fin de la saison 2 diffusée sur Comédie, avec des audiences un peu faiblardes. On croyait, mais pas eux. Eux, les fidèles des fidèles, les aficionados de la série. A coups d'organisation d'évènements « Pinage » (le cri de guerre de Klaus, l'un des personnages principaux de la série) ce public a entretenu la flamme. Une flamme ravivée aussi à la Comic'Con, rendez-vous des geeks et de fans de comics (dont on vient d'apprendre que la sixième édition n'aurait pas lieu en juillet 2014) où l'équipe de Hero Corp a pris ses aises en y venant chaque été depuis 2010, alors qu'à peine sortie la saison 2 l'avenir de la série était compromis. Tout cela, les bonnes ventes de DVDs en prime, a permis l'existence d'une saison 3

A la Comic'Con justement, en 2013, une affluence digne d'un concert de Johnny accompagnait la diffusion des premières images : 13 000 personnes. Plutôt qu'un « vous êtes génials », le créateur de la série Simon Astier résuma ainsi la chose : « C'est officiel, on a le meilleur public du monde ». La phrase est immortalisée dans le DVD sorti le 10 décembre, qui outre la saison télévisée diffusée du 21 octobre au 6 décembre sur France 4 contient près de 5h de bonus. Bêtisier, making-of, et surtout web-série interactive qui fit le lien entre saison 2 et 3 à partir du mois de septembre. Plus qu'un avant-goût, une nouvelle manière de considérer la fiction et les passerelles possibles entre les supports. 2 bandes dessinées sont d'ailleurs sorties pour compléter le récit.

Mais une fois brièvement contée cette belle histoire qui dura tout de même près de trois ans avant l'annonce en août 2012 du lancement d'une saison 3, la question s'impose cependant : vaut-elle le coup d'œil, cette nouvelle saison d'Hero Corp ?

Harry Potter en Lozère

Hero Corp saison 1

Petit retour en arrière. Le point de départ de Hero Corp, c'est l'arrivée d'un jeune homme, John (Simon Astier, au premier plan ci-dessus), dans un village paumé dans la cambrousse pour y enterrer sa tante. Un prétexte pour le faire venir, en fait, car sa tante est bien vivante et le village est un repère de supers héros en retraite de l'agence Hero Corp, menacés par The Lord (Christian Bujeau) ancienne terreur qui semble faire à nouveau des siennes. John doit défendre le village. Il est la figure de l'Élu qui ne sait pas pourquoi il est élu. « Tu ressembles à Harry Potter », lui balance d'ailleurs son nouveau meilleur ami Klaus (Alban Lenoir) dans cette saison 1, alors que John chausse des lunettes. La comparaison se tient : John n'a pas connu ses parents, a été élevé par sa tante, et découvre tardivement son histoire.

Fin de la comparaison. John n'a pas de baguette magique mais un pouvoir de « Bouclier Man » , qui lui permet de se défendre contre tout mais qu'il ne sait que mal maîtriser. Et son ennemi, le vrai, n'a pas une tête de serpent mais une tête de premier de la classe : Mathew Hoodwink (Hubert St Macary). Une figure centrale de la saison 2, dans laquelle nos héros pas très supers mais prêts à le devenir sortent de la cour de récréation un brin gentillette et foutraque de la saison 1 pour se confronter à l'exode, à des ennemis bien armés menés par Hoodwink, qui prennent progressivement le contrôle de Hero Corp, dont le dirigeant Neil McCormack (Lionnel Astier) ne pense qu'à sauver sa tête. Tout ce petit monde se retrouve à la fin de la saison 2 en position de résister, au mieux, à des ennemis qui se font multiples et puissants. Sur un cliffhanger (une fin de narration ouverte qui prête au suspens) composé en fait d'une bonne demi-douzaine de cliffhangers, Simon Astier clôturait ainsi en 2009 la saison 2 de Hero Corp.

Nouvelle saison, nouvel univers

Comment reprendre la saison 3 ? On le sait, Simon Astier a le goût des univers et des décors phares. Il y a l'univers général de la série, entre comique et comics. Et il y a l'univers propre à chaque saison de Hero Corp. La première, colonie de vacances en Lozère, avec une bande de héros un brin puérils affrontant un « The Lord » ayant pour bras droit un berger ne sachant s'exprimer que par des rots. Paroxysme de ce côté « cour de récré », la bataille finale bricolée avec les moyens du bord qui peut faire doucement sourire, mais qui fonctionne par sa cohérence avec l'ensemble de la saison et avec l'idée de « Supers Zéros ». Dans la deuxième saison que l'on crut longtemps être la seconde, la noirceur prend ses aises avec un décor de bunker secret, les héros fuyant un Hoodwink qui se fait nettement plus dangereux en prenant le contrôle de Montréal, lieu du QG central de l'agence Hero Corp.

Matthew Hoodwink

Pas de déception de ce côté-là : la troisième saison renoue avec ce goût des univers. Celui d'une île déserte « à la Lost » (la référence est assumée par Simon Astier depuis le début de Hero Corp) où les héros naufragés tentent de s'organiser pour résister ; celui d'un château appartenant à la famille de Miss Moore (Stéphanette Martelet), ex-secrétaire de l'agence Hero Corp plus proche de Minerva McGonagall (Harry Potter encore !) que de Miss Moneypenny car très à cheval sur la bienséance et les protocoles, un château dont les supers héros font leur quartier général; celui d'un monastère où John tente de maîtriser ses pouvoirs qui le rongent et le dépassent, tout en précipitant sa chute vers la noirceur ; celui d'une grotte, et d'un monstre inquiétant, Hypnos, dont le lien avec John se fait de plus en plus pressant. Le tout a été tourné, pour l'essentiel, en Bourgogne, région natale de Simon Astier. Les supers héros près de chez vous, mais pas si cheap.

Monastère

Multiplication des décors, multiplication des suspens et des histoires. Cela tient aussi aux contraintes de diffusion sur France 4 : 7 minutes par jour pendant 7 semaines, soit l 'équivalent de 7 épisodes de 35 minutes. Un format qui incite au « feuilletonnant », selon l'expression utilisée par Astier, aux cliffhangers à tout bout de champ, au souffle coupé toutes les cinq minutes par un nouveau suspens. Un rythme qui fonctionne par intermittences, les ruptures se faisant parfois un peu plus artificielles et la multiplication d'histoires secondaires pouvant donner le tournis.

Trame principale : John tente de gérer ses pouvoirs grandissant à l'aide d'une soeur (qui, bien entendu, n'est pas qu'une soeur mais aussi un mystère fil rouge de plus dans la saison), dans un monastère. Le reste de l'équipe Hero Corp - la copine de John (Aurore Pourteyron) comprise, qui voit s'éloigner aussi bien physiquement que symboliquement celui qu'elle a recnontré - s'organise comme elle peut face à des bêtes qui terrorisent la région, la nuit. L'ennemi gagne un cran en danger : après Hoodwink dans la saison 2, qui prend un rôle plus mineur dans la troisième, la figure d'Hypnos et celle de la mère de John symbolisent un 'côté obscur de la force' vers lequel est attiré John, tiraillé entre cet aspect et celui, plus lumineux, représenté par son père et sa tante.

Série drôle, mais pas série comique

Ce qui fonctionne toujours sans discontinuer, c'est la comédie, présente partout y compris dans les moments où la dramaturgie pourrait conduire à l'abandonner. Dans Hero Corp - et c'est une constante chez les frères Astier, Kaamelott fonctionnant sur un principe proche - de la même façon que les décors sont soignés et se refusent à la caricature, il n'y a pas de héros sans failles et pas de moment qui interdise le trait d'humour.

Lorsqu'on demande à la mère de John (Nathalie Roussel), dont on voit enfin le visage dans cette saison 3, de s'agenouiller devant Hypnos, telle est sa réaction : « Vous avez vu comme c'est crade, par terre ? ». Exemple parmi nombre d'autres et constat saisissant : Hero Corp n'a jamais été aussi sombre, mais Hero Corp n'a jamais été aussi drôle.

Doug, John et Klaus

Auteur et dialoguiste nourri de ses expériences précédentes (notamment Off Prime, sur M6), Simon Astier utilise et mêle avec bonheur les codes de la sitcom et les codes des comics, comme un exutoire de ces années à attendre. Tout en suggestions, en doubles sens, en doubles conversations (un dialogue absurde sur une couverture, par exemple), l'humour développé par Simon Astier s'est affiné, comme s'il n'y avait plus besoin pour lui de brandir des artifices comiques comme raisons d'être de la série.

Non, une bonne fois pour toutes, Hero Corp n'est pas qu'une série comique mais bien une série de genre. Une première, en France, dans ce genre là. Et le cocktail fonctionne à plein, car même lorsque des zigzags scénaristiques nous perdent, une réplique ou un gag nous rattrapent. Ainsi que quelques running gags : le personnage de Doug (Sébastien Lalanne) qui se fige chaque fois que quelqu'un ment, un détecteur de mensonge vivant et une mimique bien particulière. Doug qui, par ailleurs, hurle tout le temps. D'autres archétypes se détachent : le bagout de Cap'tain Sports Extrêmes (Arnaud Tsamere), ses grandes phases pseudo-philosophiques et sa grande confiance en chacune d'elles qui mène les autres à ne plus lui accorder d'attention du tout, jusqu'à être surpris qu'il émette une bonne idée ; le personnage râleur et grande gueule de Steve "Brasier" (Gérard Darier). Ces défauts, sans être autant de chances, rendent ces personnages attachants.

Le

A quand la saison 4 ?

Et c'est pour cette raison que comédie et dramaturgie s'entremêlent si bien : le décor est bien planté et les personnages ont pris une autre stature. Les comédiens ont d'ailleurs évolué avec leurs personnages, le jeu un peu bancal de la saison 1 laissant place à une interprétation plus affirmée. Non seulement on retrouve avec plaisir les personnages laissés en plan après la saison 2, mais en plus les nouveaux venus, surtout dans le camp des « supers vilains », apportent leur grain de sel. Dans la toujours difficile tâche consistant à jouer convenablement un méchant, Charles Clément (dans le rôle d'Eraste, serviteur d'Hypnos) tire son épingle du jeu.

La musique composée par Etienne Forget, fidèle au projet depuis ses débuts, tout à tour légère, liturgique ou angoissante, accompagne parfaitement le fil du récit.

Alors, valait-elle le coup, cette saison 3 ? Assurément, car l'OVNI Hero Corp est devenu un vaisseau spatial, spécial et unique, qui a réussi sa mutation du statut de « série comique de supers héros moisis écrite par le frère de...» à « série de supers héros écrite par Simon Astier » ? La bande de potes sympathiques que l'on avait envie de suivre en début de saison 1 est devenue une bande de supers héros avec laquelle on rit, vraiment, et on tremble, vraiment.

Un exploit qui n'est pas mince, et si parfois on se perd dans l'histoire on n'en souhaite que plus ardemment voir la quatrième. D'autant que la saison 3 s'achève sur l'habituelle profusion de cliffhangers qui caractérise la série.

Hero Corp a passé la troisième, et depuis longtemps quitté le collège des séries un peu bancales pour se faire sa place dans le PAF. Alors une saison 4 sur France 4, ça semble jouable, et pas dans quatre ans, si possible. De toute façon, si ça traîne, il y aura toujours des fans pour un bon Pinaaaaaage !

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