RESTER VERTICAL de Alain Guiraudie

A la quête du loup

Extrêmement déçu par Nocturama de Bertrand Bonello, je ne pensais pas qu’il servirait finalement de point de comparaison utile deux jours plus tard à Rester Vertical d’Alain Guiraudie.

Les deux films sont effectivement antinomiques à tout points de vue. Le premier est totalement urbain, le second se déroule quasi exclusivement sur un causse perdu de Lozère ; Nocturama est traversé d’une pulsion de mort, Rester Vertical est régulièrement secoué d’une pulsion de vie ; l’un nous montre de grands ados qui ne connaîtront pas l’âge adulte, l’autre des jeunes adultes dont on semble avoir volé l’adolescence ; d’un côté des personnages fuyant toute responsabilité, de l’autre des êtres humains essayant de les assumer tant bien que mal. Enfin, quand vous sortez de Nocturama, vous vous demandez pourquoi vous êtes allé au cinéma ; en sortant de Rester Vertical, vous comprenez pourquoi vous venez d’y passer deux heures.

Rester Vertical est une quête. La quête de Léo, jeune et grand adulte que l’on sent encombré dans un corps qu’il promène d’une manière un peu gauche. Quête à la recherche du loup, animal mythique pour les citadins, mais carnassier sans pitié pour les bergers. Quête de sa propre identité sexuelle, dont on se demande dès la première scène, lorsqu’il s’arrête fasciné par un jeune garçon au bord de la route, s’il en a lui-même une quelconque certitude. Quête de l’inspiration pour écrire un scénario, illusion qui s’évanouit au fur et à mesure et le prive de toute source de revenus.

Tout le film semble être pour Léo une perpétuelle expérimentation et l’occasion de se confronter à ses désirs, à ses tentations, à l’inconnu lorsqu’il devient père et qu’il y prend goût à son plus grand étonnement. C’est aussi un dépouillement, qui l’amène jusqu’au moment où l’essentiel se joue : nu, sans ressources, quel instinct, quel courage – ou quelle lâcheté – lui permet de rester debout ?

La mise en scène est une autre opposition entre Nocturama et Rester Vertical. Bertrand Bonello essaye de nous séduire avec une caméra qui lèche l’image et les acteurs, enchaînant les plans elliptiques. Alain Guiraudie semble avoir une caméra qui filme la vie sans artifices et nous impose quelques scènes de réalité quotidienne rarement exposées au cinéma.

Mais autant l’image est brute, autant une petite musique subtile s’insinue et revient en boucle, nous faisant suivre le cheminement de Léo qui le ramène sans cesse dans les mêmes lieux, face aux mêmes personnes, et le fait prendre conscience, autant qu’à nous, de sa propre évolution : sa recherche et ses rencontres multiples avec Yoan, jeune éphèbe posé chez un vieillard, qu’il voit en future star de cinéma ; le vieillard lui-même avec qui les premières relations sont rugueuses et avec lequel il nouera une affection réciproque ; le producteur dont le ton monte au fur et à mesure des délais de remise du fameux scénario ; Marie avec laquelle il ira de la séduction réciproque au déchirement de devoir lui laisser la garde de leur enfant ; le père de Marie, ours aux mains calleuses, dont la solitude sur ce causse perdu, l’entraînera dans une relation ambiguë avec Léo.

Et petite touche de fantastique, ces quelques rencontres avec une naturopathe, sorte de fée installée en pleine forêt, qui semble le connecter à un grand « tout » où se retrouvent êtres humains, forêts et étendues sauvages, et bien sûr l’animal mythique qu’est le loup.

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