Relecture de l’Ange de feu à l'Opéra de Lyon

Le 11 octobre 2016 s’est déroulée la première de l’opéra l’Ange de feu. Ce spectacle sera présenté à l’Opéra de Lyon jusqu’au 23 octobre 2016.

SYNOPSIS
L’Ange de feu met en scène l’histoire d’une jeune femme, Renata (Ausrine Stundyte), qui est sujette à des hallucinations démoniaques. Rejetée par tous, elle rencontre Ruprecht (Laurent Naouri), un chevalier fraichement revenu des Amériques. Elle lui raconte alors son enfance et notamment son intimité avec Madiel, l’Ange de feu avec lequel elle jouait durant son enfance et qui lui demande de devenir une sainte. Lorsqu’elle atteint 16 ans elle demande à Madiel de s’unir à elle, ce qu’il refuse avec violence. Il la quitte mais lui annonce qu’elle le retrouvera un jour sous la forme d’un homme. Elle passe les années suivantes à le chercher et pense le voir chez le Comte Henri avec qui elle vit un amour passionnel pendant un an. Cependant celui-là la quitte, en ayant assez qu’elle lui demande d’avouer qu’il est Madiel. Ruprecht, séduit par Renata, fasciné par sa douleur, par son histoire et par sa beauté, la prend sous sa protection. Dès lors s’engage une poursuite à Cologne non seulement du Comte Henrich mais aussi de la vérité avec les ouvrages d’Agrippa Netteisheim, le célèbre alchimiste. Bordé par la versatilité de Renata, un duel s’engage entre le Comte Henrich et Ruprecht. Ce dernier est grièvement blessé. Renata quant à elle se réfugie dans un couvent qui entre en ébullition à son contact. C’est l’Inquisition qui revient mettre de l’ordre et condamne Renata au bûcher sous les yeux de trois spectateurs cachés : Ruprecht, Méphistophélès et Faust.


PRESENTATION DU SPECTACLE
Direction musicale : Kazushi Ono
Mise en scène : Benedict Andrews
Avec : Ausrine Stundyte, Laurent Naouri, Margarita Nekrasova, Mairam Sokolova, Vasily Efimov, Dmitry Golovnin, Taras Shtonda, Ivan Thirion, Almas Svilpa
Orchestre et Chœurs de l’Opéra de Lyon


UNE MISE EN SCENE INTIMISTE ET INTEMPORELLE
Tandis que l’œuvre originale place l’intrigue dans la Renaissance, Benedict Andrews décide de donner un tour plus contemporain à son spectacle. Les décors sont sans cesse en construction et en déconstruction dans des structures tantôt angoissantes tantôt apaisantes. Et encore, quand je parle d’apaisement je veux simplement signifier qu’un espace fixe est présent pour apporter un « soutien » à Renata. Tel un asile, cet espace clair lui permet de se réfugier quand tout semble l’assaillir, quand tout semble tourner dans la spirale infernale qu’est sa vie. Prison dorée, c’est aussi de cet endroit qu’elle est observée par des hommes concupiscents peut-être, protecteurs pourquoi pas. Le doute plane tout au long de l’œuvre sur les véritables intentions de ces personnages complexes qui, bien qu’ils tentent de l’aider, ne font finalement que mettre en avant la destinée du personnage. C’est en cela que c’est une mise en scène intemporelle, le contexte historico-culturel est finalement dévêtu pour laisser place à la participation du spectateur. La production du Komische Oper de Berlin décrit cette mise en scène ainsi, c’est « une plongée vertigineuse dans l’inconscient de Renata ».


UNE PLONGEE DANS LE DESIR HUMAIN
Le thème de la luxure est sous-jacent dans l’œuvre de Prokofiev. Dessiné en filigranes sous les traits de Renata, pure dans ses paroles mais au comportement instable, aux promesses et aux demandes sous-entendues. Toutefois on remarque que cette tentation est présente chez les autres personnages même si elle reste tournée vers Renata. Ainsi elle devient la victime de cette sur-érotisation et tente de se dégager de cette proximité physique imposée par les autres personnages. Ruprecht peut être vu comme un sauveur mais aussi comme un tortionnaire, assis sur sa chaise à observer Renata enfermée dans son cadre blanc. Et on pourrait même voir l’affection qu’elle lui accorde comme une forme du syndrome de Stockholm, mais ce n’est que mon avis. On est donc plus proche d’une douleur psychologique chez Renata que de la simple folie, et cette souffrance provient du désir humain qui vient s’apposer avec brutalité sur elle.


UNE PROXIMITE AVEC RENATA
A dire vrai, le livet rédigé par Prokofiev d’après le roman de Brioussov m’a laissée imperméable au personnage de Renata Cette femme mue par l’hystérie, apparait comme manipulatrice et pimbêche, volage et illuminée. Pourtant, dans cette représentation j’ai eu l’occasion de redécouvrir cette femme que finalement je n’avais pas si bien cernée. Renata qui semblait jusqu’ici incarner la folie furieuse se dévoile comme une femme traumatisée, hantée et harcelée. C’est une femme de douleur et de complexes en proie à des démons que tout un chacun peut rencontrer dans sa vie. Elle devient l’archétype de la femme martyr, aliénée par la mutilation psychologique. C’est une piste qui peut correspondre à la présence de nombreux personnages correspondant eux-aussi à Renata sous différents âges. Elle est une victime atemporelle.

MON AVIS
Durant cette soirée j’ai pu découvrir une mise en scène par laquelle je me suis sentie hapée, emprisonnée et maltraitée, et qui malgré les « écarts de sens » avec ma lecture initiale, m’a semblé en parfaite symbiose avec la musique puissante et brutale de Prokofiev. Ni mon ouïe ni ma vue ni même mon cœur n’ont été épargnés et pourtant après ce spectacle je me suis sentie plus légère bien qu’abasourdie. C’est donc un magnifique opéra à aller découvrir dès maintenant à l’Opéra de Lyon !

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