SPLIT de M. Night Shyamalan

Publicité mensongère !

Remboursez ! Comme sans doute la plupart des spectateurs, j’avais pris mon billet pour voir un acteur se démultiplier dans un rôle éminemment oscarisable – pour l’an prochain vu que le film vient de sortir – et endosser 23 rôles dans un tourbillon de personnalités changeantes. Et si possible extrêmement différentes, ce qui aurait ajouté à la fois à la performance et à ses chances d’obtenir la fameuse statuette. Attente justifiée par le fait que la promotion du film dans les media met exclusivement en avant cet éclatement du personnage et le tour de force de l’acteur pour interpréter cette multitude. Le réalisateur allant jusqu’à expliquer que pour que James McAvoy ne perde pas la tête, il ne lui demandait de jouer qu’un seul rôle par jour, afin qu’il ne s’éparpille pas et reste concentré sur sa psychologie et son incarnation.

Ils ne sont donc pas 23 ni même 20. Vous vous dites 15, alors ? Non, même pas 10. Au générique il y en a 5 ou 6 et encore seulement 4 ont un rôle vraiment significatif. Et même s’ils ont effectivement des personnalités nettement distinctes, l’interprétation ne les transforme pas au point que l’on pourrait imaginer que ce sont des acteurs différents qui les jouent, ce qui aurait pu être le défi ultime. Le rôle principal ayant toujours le visage fermé et quasi figé, les trois autres ne semblent être finalement que des variations de mimiques superposées au masque de base.

L’aspect psychologique n’est guère plus approfondi ; chacun mène son existence en parallèle. La psychologue qui reçoit régulièrement l’un d’entre eux semble à un moment en distinguer un autre chercher à s’exprimer derrière la façade du premier, signe d’un début de confusion. Mais on ne perçoit ni trouble, ni souffrance, ni émotion, tout juste vers la fin, lorsque le dénouement approche, une succession saccadée de chacune des personnalités dans l’attente de l’avènement de la mystérieuse 24ème, espérée comme un aboutissement, quelque part le « tout en un ! ».

J’oubliais, « ils » a kidnappé trois jeunes filles. C’est à peine si l’une d’entre elles essaiera à un moment de jouer la personnalité la plus candide contre celle qui les a enfermées. Elles sont séquestrées dans un sous sol sordide, rapidement séparées pour mauvaise conduite, et une musique pompière nous prévient des scènes où il risque de leur arriver malheur. L’une d’entre elles, particulièrement solitaire, semble depuis le début plus armée que les autres pour s’en sortir, malgré ou à cause d’une enfance difficile. Ce qui conduit petit à petit à la philosophie désolante du « seule celle qui a souffert dans sa chair a le cœur pur ! »

A un moment j’ai pensé à ce qu’aurait fait de ce thème, le cinéaste David Cronenberg, en me souvenant de Faux Semblants, histoire de gynécologues jumeaux, interprétés par Jeremy Irons. Lui aussi avait le visage froid, mais quand il regardait sa patiente, un frisson glacial vous courrait le long de l’échine. Et la manière de filmer, sobre, sans emphase musicale, vous collait au fauteuil. Cet acteur qui a interprété tant de personnages ambivalents et inquiétants, se dédoublait au fur et à mesure que les jumeaux s’opposaient, jouant à la fois sur la ressemblance et sur la dissemblance croissante pour laisser Geneviève Bujold dans le doute et dans un équilibre émotionnel instable qui à force de répétition faisait sursauter le spectateur au moindre soulèvement de sourcil.

En ayant déjà suffisamment dit et dévoilé je ne vais pas spoilé la fin du film, ni la fin de la fin et encore moins la fin de la fin de la fin !

A propos d’Oscar, cette année il a été attribué à Casey Affleck pour son rôle dans « Manchester by the sea ». Casey Affleck ne joue qu’un seul rôle, fermé comme huître au début. Petit à petit les tiroirs s’ouvrent et Lee Chandler, nous laisse progressivement plonger en lui, comme un spéléologue pour découvrir, sonder, explorer ses failles, ses désarrois et ses souffrances, évidemment personnage pas si monolithique que ça.

« Manchester by the sea » est d’ailleurs l’un de mes films préférés de 2016, derrière « Julieta » de Pedro Almodovar, que j’ai vu plusieurs fois et qui m’a tellement touché et envahi, que pour l’instant, il n’en est ressorti aucun article.

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