Critique du film Baby Driver de Edgar Wright

Braquage auto-musical

La scène d’ouverture est juste époustouflante, chorégraphie d’un artiste du volant au son de sa playlist. Coups de feu et vrombissements du moteur synchronisés aux temps forts de la musique, dérapages contrôlés par un maître de ballet du bitume et une entourloupe tout autant malicieuse qu’esthétique pour semer définitivement la police.

Baby, visage d’adolescent et chauffeur de braqueurs de banque, est imperturbable, écouteurs et lunettes noires. Ses passagers, gangsters pourtant audacieux et hâbleurs, n’en mènent pas large. Lui ne rentrerait pour rien au monde, arme au poing, dans les établissements dévalisés. Chacun son job. Kevin Spacey, grand ordonnateur de ces purs moments d’adrénaline, le rappelle fermement à ceux qui s’inquiètent de son mutisme et de son apparente indifférence pendant les briefings toujours plongé dans son univers musical.

Baby Driver a tous les ingrédients des films testostéronés d’Hollywood : bolides survitaminés et hurlants, éventail complet de bad boys tatoués et dégainant au moindre regard de travers, fusillades tarentinesques et course-poursuite de voitures qui feront date.

Mais Edgar Wright, réalisateur anglais, les cuisine à sa sauce : les explosions, les crissements, et même la distribution des liasses de billets forment une bande son parallèle, entrecoupées de chansons un peu fleur bleue qui émaillent la romance de Baby avec une jeune serveuse. D’ailleurs certains critiques ont qualifié le film de La La Land du cinéma d’action, Ansel Elgort esquissant dans tous ses déplacements des pas de danse au rythme des morceaux qui défilent dans ses iPod. La comparaison avec Ryan Gosling ne s’arrête évidemment pas là puisque ce dernier incarnait dans Drive un conducteur tout aussi surdoué et mutique !

Evidemment, le comportement de Baby puise ses racines dans un drame familial : scènes de disputes entre les parents qui reviennent en flash-back, accident terrible de voiture où ils trouvent la mort sous les yeux de leurs fils qui écoutait de la musique avec son premier baladeur, et acouphènes à vie. Sa seule échappatoire, sa seule protection est la musique, refuge contre les agressions du quotidien et souvenir ému d’une maman chanteuse. Il en écoute en permanence, il s’en sert comme signal de départ lors des fuites en voiture – retenant stoïquement son pied quelques secondes au dessus de la pédale d’accélérateur, indifférent aux hurlements de ses acolytes, pour recaler le début d’un morceau – et il en crée même, dictaphone toujours prêt à enregistrer, en mixant ambiances sonores de leurs virées dévastatrices, speechs du boss ou dialogues susurrés avec Deborah dont il est souvent le seul client.

De temps en temps on perd un peu la trame du film dans des affrontements stériles entre gros bras ou lors des rebondissements sans fin du dernier braquage raté, auquel Kevin Spacey l’a obligé à participer contre sa volonté. Et certains trouveront le dénouement un peu mièvre et trop lourdement marqué de l’image de la mère.

Mais il ne faut hésiter à aller voir Baby Driver, en toute décontraction, pour sa science du rythme, sa musicalité, l’originalité stylistique des scènes de poursuite et pour cet improbable relation entre Baby et son père adoptif, vieux noir sourd et muet en fauteuil roulant : ils veillent l’un sur l’autre de manière attachante en partageant le goût de la chansonnette !

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