Critique du film "Detroit" de Kathryn Bigelow

Film de Kathryn Bigelow avec John Boyega, Will Poulter, Algee Smith

Mains blanches, mains sales

Kathryn Bigelow signe une œuvre remarquable avec le film Detroit sorti en France le 11 octobre 2017. Préférez une soirée avec de bons amis et une salle intimiste tant vous serez en manque d’oxygène durant le visionnage de certaines scènes où vous auriez prié pour que l’un des personnages se transforme en super-héros et change le cours de l’histoire.

Souffle coupé, jambes pantelantes, vous ressortirez du cinéma en ayant besoin de marcher pour vous retrouver en phase avec votre réalité : celle du quotidien d’une personne ne connaissant ni la discrimination ni la peur, celle d’une personne qui respire sans crainte.

Detroit, 1967 : les tensions entre les forces de l’ordre et les « Negros » sont à leur acmé ; tout est prétexte à affrontements. Après plusieurs jours d’émeutes, des détonations se font entendre près d’un motel ; les forces de police de la ville, de l’Etat, ainsi que les troupes de la garde nationale se rendent sur place ; commence alors un vrai cauchemar pour les personnes se trouvant à l’intérieur du bâtiment : violences, chantages, « jeu de la mort », racisme et haine sont dépeintes.

Sans justifier les uns et les autres, mais avec une volonté de rendre compte, la réalisatrice présente plusieurs des personnes se trouvant à l’intérieur du bâtiment et des horreurs qui y ont été réalisées : Larry Reed (chanteur des Dramatics avant qu’ils ne soient connus, interprété par Algee Smith), son ami Fred, Dismukes (agent de sécurité joué par John Boyega), Roberts (chef supposé du détachement de la garde nationale présent sur les lieux), et les policiers impliqués dans les actes de violence perpétrés dans le motel (dont un Will Poulter avec un jeu d'acteur très réaliste).

Autant le dire frontalement, ce film est long, difficile à regarder pour qui souhaite se divertir et oublier les bassesses et les violences dont sont capables les humains en général. Ce film est construit comme support à de nombreuses réflexions sur le racisme, les violences, la dénonciation des inégalités économiques et sociales subies par les populations noires des Etats-Unis post-Ségrégation.

Connaissant les tensions qui minent encore aujourd’hui les relations entre les Blancs et les Noirs aux Etats-Unis, Kathryn Bigelow fait de son œuvre une dénonciation de l’inaction et de cette phrase de Sartre, un précepte à tout engagement citoyen et humain :

La pureté, c’est une idée de fakir et de moine. Vous autres, les intellectuels, les anarchistes bourgeois, vous en tirez prétexte pour ne rien faire. Ne rien faire, rester immobile, serrer les coudes contre le corps, porter des gants. Moi j’ai les mains sales. Jusqu’aux coudes. Je les ai plongées dans la merde et dans le sang.

Les mains sales, Sartre, 1948

Mains blanches, mains sales.

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